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Nord Bénin : Variabilité climatique et stratégies d’adaptation des maraîchers urbains et péri-urbains de la commune de Parakou

L’instabilité du régime pluviométrique affecte la production maraîchère dans la commune de Parakou située au Nord du Bénin. Cet article vise à analyser la variabilité pluviométrique et à identifier les stratégies d’adaptation développées par les producteurs maraîchers.

La variabilité climatique induit une augmentation de la température moyenne, une plus forte variabilité de la pluviométrie et l’augmentation de l’occurrence de conditions extrêmes telles que les inondations et les sécheresses (Djohy, 2016). Ces modifications du climat engendrent une perturbation des calendriers agricoles dans les différentes régions du Bénin (Ogouwalé, 2006).
Les activités socio-économiques notamment agricoles et maraîchères sont fortement tributaires du climat, particulièrement de la pluviométrie saisonnière et de ses variations (Boko, 1988). Ainsi, une meilleure connaissance du déroulement de la saison des pluies est d’une importance capitale pour une bonne planification des activités agricoles.
Les cultures maraîchères constituent une activité de contre-saison et nécessite un apport d’eau par arrosage. Elles représentent une source alimentaire variée qui complète les besoins des populations en aliments de base et l’amélioration des conditions économiques des ménages (Bognini, 2011).
Le maraîchage constitue la principale source de revenus des maraîchers et occupe les ménages en saison sèche. Cette activité présente donc des opportunités économiques importantes pour les producteurs. Elle est très dépendante de l’eau et soumise aux effets variant des conditions climatiques (Tiamiyou, 1995). C’est une activité très sensible à la variabilité climatique en raison de ses exigences hydro-climatiques. Le présent travail analyse la tendance pluviométrique et identifie les stratégies développées par les maraîchers de la commune de Parakou. La commune est comprise entre 9°17’40’’ et 9°27’50’’ Latitude Nord et 2°29’30’’ et 2°44’45’’ Longitude Est.

Démarche

Les données de base utilisées concernent des séries climatiques (pluviométrie et évapotranspiration) mobilisées à l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) de la commune de Parakou sur la période de 1971-2010 et des données qualitatives issues des observations et d’enquêtes socio-anthropologiques.
Un questionnaire de terrain a été administré à un échantillon raisonné de 125 individus composés des maraîchers et des spécialistes du secteur agricole de la commune. Les informations recueillies concernent surtout la perception des producteurs de la modification pluviométrique et les stratégies adaptation développées par les producteurs.
Le traitement des données climatiques a consisté à calculer la moyenne arithmétique et les anomalies centrées réduites. L’utilisation de la méthode de Lamb (1982) a permis d’identifier les années excédentaires et déficitaires. Le bilan climatique (BC) a permis de déterminer les mois humides et les mois secs c’est-à-dire le rythme de disponibilité en eau pluviale à Parakou. Il évalue l’efficacité des précipitations par rapport à la demande climatique. Plus les valeurs sont faibles, plus les périodes sont sèches et moins les cultures se trouvent dans des conditions favorables.

Tendances pluviométriques

Le régime pluviométrique moyen dans la commune de Parakou de 1971-2010 est unimodal, constitué d’une saison pluvieuse (mai à octobre) de 1018,2 mm, soit 87,1 % du total annuel des précipitations et d’une saison sèche (novembre à avril) de 151 mm d’eau, soit 12,9%. Le bilan climatique est positif sur la période de juin à septembre avec une hauteur pluviométrique de 353,17 mm, soit 31,95 %. Par contre, en saison sèche, le bilan climatique est négatif sur la période d’ octobre à mai avec une hauteur de 752,23 mm, soit 68,05 %.

Les précipitations enregistrées à la station synoptique de Parakou sont marquées par de fortes fluctuations avec une succession d’années déficitaires et d’années excédentaires. Elles sont également marquées par 50% d’années excédentaires contre 47,5% d’années déficitaires et 2,5% d’années normales de 1971 à 2010. Les ressources en eau sont soumises aux effets de la variabilité climatique et constituent les ressources les plus exposées aux impacts des changements climatiques. La majorité des personnes interviewées affirment que les conditions climatiques ne sont pas favorables aux activités agricoles. Quelles sont alors les stratégies d’adaptation développées par les maraîchers à des fins de résilience à la variabilité climatique ?

Stratégies développées

Les stratégies d’adaptation à la variabilité pluviométrique sont de plusieurs ordres. Elles englobent les pratiques et innovations dans le processus cultural.

• Sources d’eau utilisées en maraîchage

Les principales sources d’eau utilisées pour subvenir aux besoins en eau des cultures maraîchères à Parakou sont généralement les eaux de surface et souterraines. Ces différentes sources d’eau sont alimentées par les précipitations en saison pluvieuse.
La production maraîchère est plus accentuée dans la commune de Parakou en saison sèche et se fait autour des eaux de surface. Les différentes sources d’eau de surface utilisées par les maraîchers restent à sec de janvier à mai. Pendant cette période, les maraîchers font référence aux ressources en eau des puits (eau souterraine) dans l’apport d’eau aux cultures. Ce qui permet aux maraîchers de subvenir aux besoins en eau des cultures. Ces puits maraîchers ont généralement une profondeur de 4 à 7 mètres. En plus, des eaux souterraines, les producteurs utilisent les ressources en eau usée dans l’apport de l’eau aux cultures en complément des diverses sources d’eau. Les eaux usées sont déversées dans les bas-fonds, les canalisations et les sources naturelles d’eau.

La station d’épuration des eaux usées du marché Arzèkè est constituée de trois bassins artificiels disposés en série, interconnectés entre eux par des tuyaux de diamètre d’environ 200 mm. La station permet le traitement des eaux usées venant directement du marché. Ces eaux usées sont utilisées dans le maraîchage par environ 90 maraîchers. Le bas-fond d’Okédama à Parakou constitue le réceptacle des eaux usées de la Société Béninoise de la Brasserie. Ces eaux usées industrielles sont utilisées dans le maraîchage par environ 60 maraîchers.

• Adoption de cultures à cycle court

Le choix des cultures est fonction de la durée du cycle des cultures, des exigences en eau, en engrais et pesticides, et de l’espace disponible. Le cycle est ici le délai compris entre le moment où la graine est portée sous terre depuis la pépinière et le début de la première récolte. Il dure environ un mois et demi à deux mois pour les légumes à cycle court selon les maraîchers et de trois à quatre mois pour les légumes à cycle long. Les maraîchers adoptent, dans leur majorité, les cultures à cycle court. Cette option leur permet de résoudre les problèmes d’insuffisance de pluies, et d’obtenir assez rapidement des produits commercialisables sur le marché, pour faire face à différents défis. La plupart de ces cultures à cycle court (laitue, chou ...) seraient aussi moins exigeantes en matière de main-d’œuvre d’entretien et donneraient aussi de bons rendements avec un faible apport d’intrants (engrais et pesticides). Les variétés à cycle long (gombo, piment...) sont très exigeantes en eau et demandent un apport fréquent d’eau. Cette stratégie de diversification par ces maraîchers est alors soutenue par une logique d’adaptation aux menaces climatiques, avec une certaine flexibilité qui leur permet de tirer profit des opportunités offertes par le marché.

• Association culturale

L’association culturelle est effectuée pour tous les types de légumes, mais surtout pour les légumes locaux. Les principales associations souvent observées sont : chou-laitue, laitue-tomate, tomate-gombo, gombo-piment et tomate-chou. Les raisons qui expliquent ces associations sont le désir d’obtenir rapidement des revenus issus de la vente des légumes et l’utilisation rationnelle de la planche. Cette technique permet de mieux occuper l’espace en associant des espèces à cycle court et des espèces à cycle long.

• Rotation des cultures

Les maraîchers pratiquent la rotation des cultures pour maintenir la terre en production continue. La rotation des cultures est la succession dans le temps de plusieurs cultures sur la même superficie. Pour les cultures de rotation, nous avons en premier lieu le chou comme tête de culture, ensuite une succession d’autres cultures dont la laitue, la carotte, l’amarante et la tomate.
Dans un second temps, nous avons l’amarante comme tête de culture, avec une succession des cultures qui sont la grande morelle, le chou, la carotte, la laitue et la tomate. Cette rotation des cultures maraîchères se justifie par le fait que, pour les producteurs, les spéculations ne doivent pas être installées au même endroit pour plus de deux récoltes et aussi pour une utilisation judicieuse de l’espace disponible. Cette rotation permet également d’éviter que se développent dans le sol des organismes nuisibles et des maladies qui affectent les cultures. La rotation permet l’interruption du cycle de vie des insectes, des maladies et des mauvaises herbes, car chaque culture est à l’origine d’un développement de certains parasites. En alternant les cultures, le maraîcher rompt avec le développement de ces nuisibles.

Impacts des stratégies

Les stratégies d’adaptation développées par les maraîchers visent pour la plupart à rendre l’eau disponible pour l’arrosage des cultures ou à maintenir pendant longtemps l’humidité du sol pour favoriser le développement des cultures. Ces stratégies permettent également aux maraîchers d’utiliser judicieusement l’espace cultural en développant une diversité de cultures et de mettre à la disposition des populations divers légumes locaux et exotiques.
Le maraîchage constitue une source importante d’approvisionnement des populations en produits alimentaires frais. Dans la commune de Parakou, la production maraîchère contribue non seulement à la stabilité sociale de la population mais aussi à leur essor économique. Du point de vue social, la production maraîchère est créatrice d’emplois. Bien que saisonnière, la culture des produits maraîchers occupe un nombre important de la population active et leur permet de subvenir à leurs besoins fondamentaux.

Sur le plan économique, la vente des produits maraîchers est une activité génératrice de revenus. De la production à la consommation, les produits maraîchers font intervenir plusieurs personnes. Les producteurs sont les premiers vendeurs qui sont parfois relayés par les grossistes, les semi-grossistes ou les détaillants.

Mais l’absence d’un cahier de recettes et de dépenses due à l’analphabétisme des maraîchers, ne permet pas de connaître avec exactitude le revenu mensuel ou annuel des producteurs. Sur les différents sites de production maraîchère variant entre 365 et 5750 m2, les revenus annuels individuels varient entre 247 288 et 3 895 625 F CFA, soit des rémunérations mensuelles variant entre 20 607 et 324 635 F CFA (Yolou et al., 2015). Le revenu net mensuel des maraîchers est 172 621 F CFA en moyenne, ce qui indique que le maraîchage est économiquement rentable à Parakou.

Enseignements

Il faut noter que le revenu des maraîchers est très variable dans le temps et qu’il dépend en particulier de la superficie emblavée et de l’efficacité des stratégies mises en œuvre. Cette activité est très rentable pour ceux qui s’y investissent car, elle procure des revenus substantiels aux producteurs. Il est alors capital d’explorer les possibilités de combiner les nouvelles potentialités économiques qu’offre cette activité du maraîchage urbain et péri-urbain et la modernisation de l’agriculture afin d’accroître la satisfaction des besoins alimentaires.

Par ailleurs, l’étude de la variabilité pluviométrique dans la commune de Parakou a montré une alternance des années déficitaires et excédentaires. Cette modification des précipitations contribue à la baisse des ressources en eau disponible pour la production. Les sources d’approvisionnement en eau de surface pour le maraîchage dont dispose la commune ne couvrent pas les besoins en eau des cultures en raison de leur assèchement. Les producteurs font référence alors aux ressources en eau souterraine et usée pour subvenir aux besoins des cultures.

Gildas Louis Djohy
ONG Better Life (Society-Environment-Development)
Contact : gildasdjohy@gmail.com

Références
Bognini S., 2011 : Impacts des changements climatiques sur les cultures maraîchères au Nord du Burkina Faso : cas d’Ouahigouya. Rapport final du Réseau National de Agro-sylvo-pasteurs du Faso (RENAF), Burkina-Faso, 38 p.
Boko M., 1988 : Climat et communautés rurales au Bénin, rythme climatiques et rythmes de développement. Thèse de doctorat d’Etat. Dijon, Université de Bourgogne. 605 p.
Djohy G. L., 2016 : Vulnérabilité des ressources en eau au changement climatique et stratégies d’adaptation des maraichers des zones urbaines et peri-urbaines du Nord-Benin. Rapport de recherche, African Climate Change Fellowship Program, Parakou, 59 p.
Houndénou C., 1999 : Variabilité climatique et maïsiculture en milieu tropical humide : l’exemple du Bénin, diagnostic et modélisation. Thèse de doctorat en Climatologie, Université de Bourgogne, Dijon, 390 p.
Ogouwalé E., 2006 : Changements climatiques dans le Bénin méridional et central : Indications, scénarios et prospective de la sécurité alimentaire. Thèse de Doctorat nouveau régime, EDP/FLASH, 302 p.
Tiamiyou I., 1995 : Mission de consultation en phytotechnie maraîchère du 30 juillet au 12 août 1995. Rapport technique phase 1, Situation actuelle, FAO, 73 p.
Yolou I., Yabi I., Kombieni F., Tovihoudji P. G., Yabi J. A., Paraïso A. A., Afouda F., 2015 : Maraîchage en milieu urbain à Parakou au Nord-Bénin et sa rentabilité économique. International Journal of Innovation and Scientific Research, Vol. 19 No 2, 290-302.