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Niger : le PAM valorise des techniques endogènes pour restaurer des sols dégradés

Le projet co-exécuté par le Programme Alimentaire Mondiale (PAM) et la FAO, financé par l’USAID dans le cadre de son initiative "Food for Peace" et sous le leadership du HCI3N, promeut une approche intégrée multi-sectorielle (développement rural, nutrition, éducation) et multi-acteurs basée sur les communautés dans le but de renforcer la résilience des ménages vulnérables.

Le projet repose sur la création d’actifs productifs de qualité à travers l’approche du bassin versant : une combinaison de techniques agricoles et de méthodes adaptées au contexte agroécologique et à la portée des bénéficiaires. La création de ces actifs est complétée par la réalisation de « grands ouvrages » de drainage des eaux. Ainsi, pour réhabiliter les terres dégradées, une assistance par transfert de vivres, plus connue sous le nom de "Food For Asset" (FFA), est fournie de novembre à mai aux ménages identifiés comme pauvres sur une période de trois ans (2014-2016).

Les activités FFA sont suivies d’une assistance alimentaire ciblée inconditionnelle couplée avec appui nutritionnelle au cours de la période de soudure (de juin à septembre), conformément au calendrier agricole. Les mêmes ménages bénéficient donc de l’ensemble des activités durant toute l’année. A partir de 2017, démarre un nouveau projet pour trois années supplémentaires, où l’accent sera mis la préparation des bénéficiaires à une sortie progressive du projet, à travers une mise à disposition de semences améliorées, ainsi qu’un appui technique pour un bon rendement agricole des cultures pluviales.

Mise en œuvre

Deux sites (Darey et Tougfini) ont été identifiés par le PAM, la FAO et les services techniques au niveau régional/communal, pour mener à bien le projet pilote dans la commune de Tondikiwindi. La mise en œuvre technique est assurée par l’ONG locale ILAF (Initiative Locale d’Action pour la Femme). Les services techniques du gouvernement suivent les progrès du projet avec le Réseau National des Chambres d’Agriculture (RECA) qui supervise également la mise en œuvre et l’évaluation des programmes du PAM. 

A travers l’Approche de l’Economie des Ménages (HEA), près de 6 000 ménages pauvres et très pauvres ont été ciblés dans tout le Niger pour participer aux activités de réhabilitation des terres dans le cadre du projet Food for Peace. Sur le site de Darey, le projet assiste 1 652 ménages issus des 17 villages dont 102 ménages sans bras valides (qui ne participent pas aux travaux mais reçoivent l’assistance). 40 % de ces ménages sont dirigés par les femmes, soit 660 ménages dont 53 sans bras valides).

La finalité du projet est d’obtenir un aménagement intégré et systématique des différentes unités écologiques du bassin versant (plateau, versant, glacis, champs). L’objectif des différents ouvrages étant de freiner la vitesse d’écoulement des eaux, de favoriser l’infiltration de l’eau et la recharge de la nappe phréatique et enfin de protéger les vallées contre l’ensablement, tout ceci à travers la création d’actifs productifs durables (banquette, demi-lune, zaï, etc). De plus, le PAM, par le bais de l’entreprise EMA et Fils, a construit 16 seuils de traitement des koris (les « grands ouvrages ») identifiés par les communautés et validés par le Génie rural.

Ainsi, l’approche bassin versant couplée à la réalisation de ces grands ouvrages permettra aux bénéficiaires de gérer leurs écosystèmes et d’aménager leurs espaces de production. En dehors des activités de réhabilitation des terres, une attention particulière est accordée à la sensibilisation et à la formation, afin de maximiser l’appropriation des aménagements réalisés par les communautés. La semaine de travail s’organise ainsi : quatre jours sont consacrés à la main-d’œuvre active, un jour par semaine est dédié à l’amendement organique des terres réhabilitées (fumier, paille, compost, etc.) et un autre jour aux formations sur les techniques agricoles et la sensibilisation sur les Pratiques Familiales Essentielles (PFE), afin de mieux valoriser les terres aménagées et améliorer l’appropriation par les communautés.

Afin d’accroître la sécurité foncière, des contrats de prêt des terres ont été établis entre les propriétaires terriens et les bénéficiaires. Ainsi, la complémentarité des actions à Darey constitue un moyen efficace de mieux gérer l’eau et réduire la dégradation des sols et de la biodiversité, en augmentant et stabilisant les rendements agricoles, sylvicoles et fourragers. Elle contribue à atténuer les effets du changement climatique et améliore significativement la sécurité alimentaire et la résilience des populations rurales par rapport aux chocs externes.

Résultats

Suite à ces interventions, le PAM estime que le revenu annuel moyen par bénéficiaire sera de 300.000 FCFA (500 USD), comprenant les revenus des activités des terres régénérées et les produits provenant des activités de jardinage sur toute la période du projet. Ce revenu est censé augmenter de manière significative au fil des années grâce à une augmentation des récoltes et d’autres sources de revenus tels que la vente de bois à partir de 2019. En plus de l’assistance alimentaire, 200 ménages parmi les participants de Darey ont acquis des parcelles au niveau du site maraîcher de Darey (appui FAO). 60% de ceux qui bénéficient de ces parcelles sont des femmes. Cela leur a permis d’avoir leurs propres productions leur permettant de contribuer à l’alimentation de leurs ménages et de se procurer des petits ruminants. Des comités/organes décisionnels locaux sont mis en place dans le cadre des interventions avec 25 à 45% de femmes.

Enseignements

L’approche évolutive construite sur la mise en œuvre successive (approche du bassin versant) fournit un cadre important basé sur les leçons apprises et la promotion d’initiatives locales. Les aménagements ont permis aux producteurs agricoles d’accroître leurs rendements, de réintégrer des arbres dans le système agricole et d’intensifier l’élevage. Tandis que l’approvisionnement en eau a pu être facilité grâce à des aménagements favorisant l’infiltration des eaux et la réalimentation des nappes phréatiques. De plus, le PAM et la FAO soutiennent le gouvernement afin qu’il joue un rôle fédérateur et étende son soutien au programme.

En effet, il est nécessaire de sécuriser et de consolider les investissements réalisés chaque année dans le cadre du projet et de soutenir de façon continue ces communautés pour une période d’au moins quatre ans, afin de pouvoir obtenir des résultats mesurables.
Suite aux différentes évaluations et analyses d’impacts des activités du PAM sur la résilience, notamment l’évaluation à mi-parcours (octobre 2015), des tendances encourageantes ont été observées. La consommation s’est globalement améliorée en termes de diversité. On a également noté un recul de la migration, une fixation des jeunes, une réduction du salariat agricole, un accroissement des sources de revenus et des dépenses, une diminution de l’endettement, de fortes demandes en intrants agricoles, une appropriation des innovations et techniques agricoles résilientes par les communautés.

Rina Uchida
Chargée de la Gestion des connaissances à PAM-Niger
Contact : rina.uchida@wfp.org