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Editorial : Pour un renforcement des stratégies de résilience endogènes

L´Afrique est l’un des continents les plus vulnérables à la variabilité climatique. Une vulnérabilité qui est aggravée par une forte dépendance de l´agriculture à la pluviométrie et une faible capacité d´adaptation des paysans.

En Afrique comme partout ailleurs, le changement climatique se manifeste souvent par de fortes augmentations des températures, la montée du niveau de la mer, un bouleversement des conditions pluviométriques. Ces phénomènes ont souvent des effets néfastes sur l’environnement, la santé humaine et les économies rurales. Ils représentent ainsi de véritables défis pour les perspectives de développement socio-économiques de l’Afrique.

Face à cette situation, l’Union Africaine avait adopté une résolution en janvier 2009, en demandant à la Commission de l’Union de faciliter l’élaboration d’une position africaine commune relative au changement climatique, dans le cadre de la préparation de la quinzième Conférence des Etats Parties (CoP15) à Copenhague.

A travers les 17 Objectifs de Développement Durable, les Etats africains se sont aussi engagé à « lutter contre les changements climatiques », à promouvoir une « production et une consommation responsables » puis à tout mettre en œuvre pour « éliminer la faim » d’ici 2030. D’ailleurs, le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) va évaluer, en 2022, les progrès accomplis par les pays en vue de contribuer au maintien de la température mondiale en deçà de "2 degrés Celsius" , conformément à l’accord de Paris sur le climat.

L’info climat, un « intrant agricole »

Toutefois, vivant au quotidien, les effets directs de la variabilité pluviométrique, les communautés africaines n’ont pas attendu les conclusions des différentes réflexions menées au niveau des instances internationales pour faire face aux menaces climatiques, en comptant d’abord sur leurs propres capacités. En effet, les paysans se sont mis à s’adapter au bouleversement des saisons de pluies en améliorant leurs systèmes de production. La variabilité pluviométrique leur impose un changement d’approche : ils ne peuvent plus négliger l’information climatique.

La prévision des précipitations saisonnières peut aider les agriculteurs à mieux planifier leurs cultures et donc à améliorer leur résilience face aux chocs climatiques. Dans ce domaine précis, les partenaires au développement ne sont pas insensibles aux défis qui interpellent les communautés paysannes. Au Mali, le Fonds International pour le Développement de l’Agriculture (FIDA), dans le cadre de son "Programme d’Accroissement de la Productivité Agricole au Mali" (PAPAM), a contribué à l’accès des paysans à l’information météorologique et aux pluviomètres, avec l’appui de Météo-Mali. Cela a boosté la production agricole dans certaines régions du pays, en dépit des bouleversements des saisons des pluies.

Au Sénégal, le programme de recherche du CCAFS(1) sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire en collaboration avec l’Agence Nationale de la Météorologie du Sénégal (ANACIM) a mis en place des services d’information climatique pertinents pour les agriculteurs. Les agriculteurs ont été impliqués dans chaque étape du processus, en aidant les météorologues et autres spécialistes à collecter et communiquer l’information météorologique, notamment pendant la saison des pluies.

Gestion durable des terres et des ressources en eau

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Face à la faiblesse de la pluviométrie et de la dégradation des sols, dans les zones semi-arides surtout, les paysans africains ont testé plusieurs techniques de gestion des terres, selon les écosystèmes. Les technologies considérées comme les plus adoptées sont la rotation des cultures, la mise en jachère, l’adoption de variétés à cycle court, l’usage de compost et de la technique du paillis, les cordons pierreux, le zaï, entre autres. C’est un éventail de pratiques qui renvoient à l’agriculture de conservation. Elles ne manquent pas d’efficacité.
D’ ailleurs, en tirant les leçons de la mise en œuvre du projet Gestion Régionale Durable des Terres (GDT), la FAO relève que « la majorité, voire la totalité des technologies, si elles sont associées efficacement et adoptées sur une superficie suffisamment grande, contribuent non seulement à l’accroissement de la production, mais aussi à la création de nombreux autres services écosystémiques (débit et approvisionnement en eau, résilience à la sécheresse, recyclage des nutriments et restauration de la fertilité des sols, stocks de carbone dans le sol et la biomasse et réduction des émissions de gaz à effets de serre) ».

Mieux, « un passage à des systèmes de production plus intégrés peut contribuer à relever les défis des pressions accrues sur des ressources en terres et en eau limitées ainsi que du changement climatique et de la perte de biodiversité ». Plusieurs technologies GDT « contribuent à l’agriculture intelligente face au climat, en accroissant durablement la productivité et les revenus agricoles, en renforçant la résilience au changement climatique en réduisant et/ou en éliminant les émissions de gaz à effet de serre, le cas échéant contribuant ainsi à l’atteinte des « Objectifs de développement durable (ODD) ».

croire aux capacités des paysans

En d’autres termes, il s’agit de pratiques agroécologiques dont les effets recoupent entièrement les conclusions de la FAO. Au Niger par exemple, pays sahélien, le Programme Alimentaire Mondiale a valorisé ces savoirs locaux, dans le cadre de son projet « Food for Peace ». Le recours à la technique du zaï et aux cordons pierreux a participé à l’accroissement de la production agricole dans la zone du Darey.

Par ailleurs, la valorisation des semences paysannes et des espèces négligées peut renforcer les capacités de résilience des communautés paysannes, particulièrement les couches vulnérables. C’est le cas au village de Kaymor (Centre-Ouest du Sénégal) où les femmes exploitent le cassia italica (leydour comme nom local). Une activité lucrative qui a diversifié leurs sources de revenus. Cette espèce, comme tant d’autres, sont sous-exploitées dans plusieurs pays malgré leurs potentialités nutritives et économiques. Pour garantir leur disponibilité, il est alors nécessaire de mettre en place des banques de gènes et de semences comme c’est le cas actuellement au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire avec la mise en œuvre du Traité international sur les ressources phytogénétiques.

Les systèmes pastoraux n’ont pas été épargnés des bouleversements climatiques. L’assèchement des points d’eau et la réduction du pâturage causés par la faible pluviométrie rend la condition du pasteur plus difficile en Afrique, notamment dans sa bande sahélienne. Ce phénomène n’épargne point des pays comme le Cameroun les pluies sont encore abondantes.

Au Nord Bénin aussi, sans un appui conséquent des pouvoirs publics, les agriculteurs sont en train d’expérimenter des stratégies de réduction du risque climatique en adoptant différentes approches de résilience agricole. Celles-ci comme d’autres peuvent être améliorées.

Pour ce faire, il faut croire aux capacités des paysans à trouver la bonne réponse aux contraintes climatiques. Dans son rapport sur la gestion des terres, la FAO indique qu’ à travers les actions des ONG, les organisations de producteurs et des projets que « les acteurs locaux peuvent être formés à sélectionner, adopter et évaluer les meilleures pratiques de gestion des terres au niveau des fermes et de la communauté, et à prendre des décisions en connaissance de cause pour une planification et une gestion efficaces de leurs ressources et territoires à plus longue échéance (c’est-à-dire en tenant compte des impacts de leurs actions sur leurs vies et celles de leurs enfants) ».
En outre, les services techniques et de vulgarisation peuvent fournir un appui et un encadrement pour diagnostiquer les problèmes et identifier les priorités sur le terrain, en élaborant des plans d’action cohérents et en aidant à leur mise en œuvre par des mécanismes de gouvernance et des mesures incitatives.

En définitive, au regard de la particularité des impacts du bouleversement des saisons au niveau local, le renforcement des stratégies de résilience développées par les communautés doit être inscrit au rang des priorités des pouvoirs publics. Aux niveaux régional et national, les Etats doivent diriger les investissements agricoles et la recherche vers la valorisation des meilleures pratiques locales, si tant est qu’ils veuillent atteindre les ODD.

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1. https://cgspace.cgiar.org/rest/bitstreams/59947/retrieve