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Introduction du SRI dans l’Etat du Rakhine du Nord (NRS) au Myanmar : Un long processus pour une bonne diffusion et un grand impact sur la production de riz paddy local

Présentdans les trois communes de Maungdaw, Buthidaung et Rathedaung du Northern Rakhine State (NRS) de 1996 à 2010, le Groupe de Réflexion et d’Echange Technologique (GRET) a mis en oeuvre des projets destinés à améliorer la sécurité alimentaire et la promotion de techniques innovantes pouvant redynamiser les systèmes de production agricole et redorer le quotidien des populations rurales vulnérables. A partir de 2004, l’ONG française a appuyé l’introduction et la diffusion de la méthode SRI, qui, au bout de 4 ans d’appui, a atteint une masse critique et la possibilité de s’auto-diffuser. Une telle pratique s’est traduite par une profonde amélioration de la production de riz paddy au niveau des ménages.

Un contexte très spécifique et hautement adapté à la diffusion de la méthode SRI

Le NRS est l’une des zones les plus peuplées du Myanmar1 représentant environ 800 000 habitants. Situé sur la côte ouest du Myanmar [1], à la frontière avec le Bangladesh, il reste l’une des parties les moins développées du pays et souffre de plusieurs difficultés telles que de faibles revenus, la pauvreté, la malnutrition, une forte densité de population et de mauvaises infrastructures. Il n’est plus possible d’étendre les terres cultivables. Une grande partie de la population est constituée de petits exploitants agricoles (ou de paysans sans terre) qui peuvent à peine couvrir la sécurité alimentaire du ménage. En général, les agriculteurs sont bons en gestion des récoltes, mais ils n’ont presque pas d’accès aux nouvelles pratiques et technologies améliorées. L’évaluation de terrain a révélé que certaines pratiques agronomiques en matière de riziculture devraient être améliorées ou modifiées ; il s’agit entre autres de la transplantation en profondeur, du nombre élevé de semis par poquet, de la lutte antiparasitaire, de la gestion efficiente de la fertilité des sols, etc… Enfin, il faut ajouter la difficulté à se procurer des intrants agricoles tels que des semences et engrais de qualité, en raison de l’éloignement de la région de la partie continentale du pays.

Le SRI s’est avéré une excellente opportunité pour les agriculteurs du NRS. En introduisant le SRI, le GRET visait essentiellement à accroître la production rizicole, avec comme cible principale de son appui les ménages paysans les plus vulnérables.

De l’introduction timide de la méthode à l’établissement d’une masse critique de producteurs SRI

En 2004-2005, le GRET s’est concentré sur l’introduction de la nouvelle pratique en comptant sur l’appui profond et le suivi de l’équipe du projet avec la mise en place de parcelles de démonstration, des expérimentations en plein champ au niveau des parcelles des paysans et un mécanisme de prime d’encouragement/rémunération (en espèces). Il fallait convaincre les agriculteurs à propos du SRI et augmenter le nombre de participants aux activités d’Expérimentation menée par les agriculteurs (EMA) du SRI et mises en œuvre par le projet.

A partir de la saison des pluies 2006, la stratégie de diffusion de la méthode SRI a été réorientée en tenant compte du fait que, bien que les agriculteurs aient été plus ou moins convaincus par la technique, la superficie totale emblavée sous pratique SRI était restée faible. L’on s’est ensuite tourné vers davantage d’appui technique et de mise à disposition d’équipements agricoles adaptés. Les Paysans Animateurs (PA) ont été exposés aux deux objectifs d’augmentation du nombre d’agriculteurs à qui la méthode SRI a été présentée et de promotion des bonnes capacités techniques auprès des agriculteurs clés du terroir. Six (6) rencontres techniques ont été organisées par saison. Elles ont porté sur les thématiques suivantes : concept SRI, étapes de la transplantation, 1er désherbage, dernier désherbage, floraison (avec lutte antiparasitaire), récolte (et estimation du rendement).

Enfin et surtout, l’on a trouvé que la disponibilité et le prix de la désherbeuse rotative en fer [2] promue par le projet a constitué la plus grande contrainte à une large diffusion de la méthode SRI et à l’augmentation de la superficie totale. En 2007, le GRET a conçu une nouvelle désherbeuse, plus légère et techniquement adaptée aux conditions des exploitations du NRS et d’un coût plus abordable pour les paysans (environ 6 dollars US au lieu de 18 dollars).

Après quatre ans de mise en oeuvre de l’activité, l’observation directe au niveau du village a montré une large adoption de la pratique dans les parcelles agricoles. Pendant ce temps, le GRET a impliqué plus de 5.700 agriculteurs directement dans les activités liées à la pratique SRI dans la riziculture pluviale et de contre-saison. Une petite évaluation menée par le personnel du projet suite à la saison 2008 de contre-saison du paddy dans 36 périmètres villageois des cantons de Maungdaw et de Buthidaung a révélé que 18 % des agriculteurs qui y ont pris part ont utilisé la méthode SRI sur 9,3 % de la superficie totale emblavée.

Résultats, impacts et enseignements tirés de la diffusion de la méthode SRI…

La méthode SRI s’est avérée une technique particulièrement efficiente pour accroître la production de riz paddy dans la région, avec une augmentation de plus d’une tonne/ha en moyenne par rapport aux pratiques traditionnelles des agriculteurs [3]. Cette augmentation était d’environ 700 kg/ha au début de l’activité en 2005 et a atteint près de 1,4 t/ha en 2007, surtout en raison d’une meilleure capacité des agriculteurs à maîtriser la technique. La technique s’est également avérée reproductible selon les résultats obtenus au cours des années et à divers endroits. La diffusion et l’adoption rapide de la technique par les agriculteurs étaient fortement liées au contexte spécifique du NRS, au niveau d’intensification de l’agriculture (en particulier s’agissant de la main-d’oeuvre) et la situation des petites propriétés.

Partant de l’expérience acquise à travers le projet du NRS, le GRET a eu l’intime conviction que l’introduction de la méthode SRI dans d’autres régions du pays telles que le delta de l’Ayeyarwaddy serait un moyen important d’appuyer la revitalisation de l’agriculture notamment après les dommages considérables provoqués par le passage du cyclone Nargis en 2008.

Promotion des principes du SRI pour redynamiser la riziculture dans le delta de l’Ayeyarwaddy

Sensibilisation et introduction de la méthode

S’inspirant de l’expérience du projet du NRS, le GRET décide d’introduire quelques principes pertinents du SRI dans le delta de l’Ayeyarwaddy (canton de Bogale, Myanmar).

C’est durant la saison estivale de 2008 que la méthode SRI a été testée pour la première fois dans la région. En introduisant le SRI, le GRET visait essentiellement à changer certaines mauvaises pratiques observées dans la gestion des cultures de riz et à offrir de meilleures opportunités dans la production rizicole aux paysans après le passage meurtrier du cyclone Nargis qui a mis à genou l’agriculture de cette zone longtemps considérée comme le grenier à riz du Myanmar.

L’expérience s’est d’abord appuyée sur des parcelles de démonstration et des agriculteurs de référence, ensuite sur l’approche Groupement de Vulgarisation Paysan pour disséminer la méthode. Les réunions de sensibilisation avec les agriculteurs ont permis de discuter des principes de la méthode SRI et de ses possibilités à venir en appoint à la production de semences de qualité. Des principes importants du SRI ont été sélectionnés en vue de leur démonstration et de leur adaptation aux pratiques locales. Parmi les pratiques courantes sélectionnées, on peut notamment citer le désherbage précoce et la culture intercalaire à l’aide de dés-herbeuses $$ (10 à 15 jours après les semis pour le riz semé en direct [sans repiquage], 10 jours après transplantation du riz) et à 7 jours d’intervalle, transplantation de jeunes plants (<20 jours après semis), grattage, peu de plants par poquet.

Des résultats encourageants

Les données relatives aux récoltes des premières années de mise en place de la méthode SRI ont fait état de réelles performances du SRI par rapport aux pratiques conventionnelles.

Sur la base des comparaisons faites à partir de 2 variétés locales de grande qualité et 2 variétés améliorées à rendement élevé, on a constaté que les variétés améliorées ont mieux réagi à la méthode SRI avec une augmentation moyenne de 19 % (+ 750 kg/ha) comparativement aux pratiques traditionnelles, alors que les variétés locales ont présenté une augmentation moyenne de 17 % (+ 450 kg/ha). Les densités de semis dans toutes les parcelles de démonstration ont été considérablement plus faibles que celles des méthodes conventionnelles (moyenne de 115 kg/ha dans les parcelles de démonstration alors que les agriculteurs utilisent généralement jusqu’à 310 kg/ha en riz de contre-saison).

La méthode SRI s’est avérée un outil efficace dans la reproduction végétale et la multiplication de semences, permettant ainsi la production de semences de qualité. Le bon prix de vente des semences qui couvre largement le coût de production (et la main-d’oeuvre rémunérée) soutient très fortement cette activité. C’est ainsi par exemple qu’en 2010, les producteurs de semences ont pu augmenter leur revenu de 40 % en moyenne à l’aide de la méthode SRI. Le meilleur rendement obtenu a aussi permis d’assurer une bonne promotion de cette méthode novatrice.

Pierre Ferrand, U Hla Min
GRET

www.gret.org