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Expérimentation de la méthode SRI au Bénin : Des résultats satisfaisants

En dépit des énormes potentialités dont dispose le Bénin, la production locale de riz ne couvre que 60 % des besoins du pays. Selon AfricaRice (2011), le taux d’accroissement annuel de la production est de 3,2 % alors que celui de la demande est de 5 %. Les systèmes majeurs de riziculture que sont la riziculture pluviale, la riziculture de bas-fonds et la riziculture irriguée, développés depuis les années 1960, ont véritablement montré leurs limites. Les impératifs de sécurité alimentaire ont alors amené les producteurs à questionner le SRI. Ce système innovant expérimenté au sein de la Ferme-école SAIN de Kakanitchoé et sur le périmètre de Dogba, a convaincu les producteurs.

Des systèmes traditionnels de production peu performants

Au Bénin, les systèmes traditionnels de riziculture sont caractérisés par la faiblesse des rendements (moins de 3 tonnes par ha). Pourtant, du fait de sa position géographique, le pays dispose de réels atouts pouvant contribuer à de meilleurs rendements (pluviométrie abondante, climat tropical propice à la riziculture…). Mais les techniques peu performantes et peu productives qui accompagnent ces systèmes et les difficultés d’accès aux semences de qualité maintiennent la production à des niveaux tellement bas que le pays est obligé de recourir aux importations pour satisfaire une demande nationale en riz en constante hausse. Le défi est, dès lors, de réduire le gap entre les rendements potentiels (7 tonnes) et ceux obtenus par les producteurs (2,5 tonnes/hectare).

Selon Pisani (2010), pour relever ce défi, il est urgent de trouver de nouveaux moyens de produire à la fois plus et mieux, en consommant moins d’eau, moins d’espace, moins d’engrais etc. Pour le CIRAD (2010), il faut avoir l’audace d’inventer une nouvelle agriculture écologiquement intensive.

Un changement de cap est donc nécessaire pour réussir à produire suffisamment de riz afin de couvrir les besoins du pays qui compte actuellement pas moins de 9 millions d’habitants et conserver la biodiversité déjà très éprouvée par l’exploitation irrationnelle des ressources naturelles.

S’inspirant de l’expérience de Madagascar et de nombreux autres pays d’Afrique et d’Asie, les acteurs rizicoles du Bénin ont alors entrepris de se lancer dans l’évaluation des performances du SRI, un système connu pour ses grandes performances productives et son impact négligeable sur l’environnement.

La Ferme-école SAIN (Solidarités agricoles intégrées) de Kakanitchoé, un village de la commune d’Adjohoun, au Sud-Est du Bénin (Ouémé Plateau) fait office de pionner dans l’expérimentation de ce système rizicole innovant.

Évaluation des performances du SRI

Véritable laboratoire d’innovations et centre de formation, la ferme école SAIN
de Kakanitchoé a joué un rôle majeur dans l’introduction du SRI au Bénin. Le
souci constant d’innover et de trouver des méthodes de production plus efficientes a amené les promoteurs de cette ferme école à réfléchir aux moyens d’infléchir la tendance à la dégradation des ressources naturelles et à la baisse de la productivité rizicole. C’est ainsi qu’avec l’appui de l’Union Régionale des Riziculteurs de Ouémé-Plateau (URIZOP) membre du Conseil de Concertation des Riziculteurs du Bénin (CCR-B), ils décident d’expérimenter la méthode SRI afin d’étudier son adaptabilité au contexte local. Cette décision traduit une volonté de ceux-ci de trouver un système performant d’amélioration de la productivité et de la production du riz au Bénin.

L’expérience a été conduite par les producteurs en plusieurs étapes.

D’abord, cela a commencé sur le site de Kakanitchoé au sein de la ferme-école SAIN en 2009 essentiellement sur des sols de plateaux. A ce niveau plusieurs variables ont été testées : l’impact de l’utilisation de la sarcleuse mécanique sur le rendement et la demande en main d’œuvre, l’impact de l’âge des plants et de la densité de repiquage sur le rendement, l’impact de l’apport ou non du compost sur le rendement.

Ces essais ont porté sur 28 parcelles dont la moitié en SRI et la seconde moitié
en riziculture conventionnelle. Ensuite, l’expérimentation s’est poursuivie sur le site de Dogba, qui est une plaine inondable, dont la fertilité naturelle est
renouvelée chaque année par le système de crue et décrue (Pélissier 1960).

Quatre-vingt-dix (90) riziculteurs ont participé aux essais dont 60% (54 producteurs) ont participé directement aux essais et ont conduit des opérations culturales alors que les 40% restants ont été mobilisés à trois reprises pour suivre l’évolution des cultures et s’imprégner des nouvelles
techniques introduites avec le SRI. Ces trois visites de terrain ont été organisées durant les étapes suivantes : le repiquage, le désherbage et la récolte. En vue de faciliter la diffusion de la méthode, 70% des producteurs ayant participé à l’expérimentation sont choisis parmi les membres des conseils d’administration des Organisations Paysannes spécialisées dans la production de riz à différents niveaux (niveaux national, régional, communal et villageois).

Cette stratégie a permis de toucher une large gamme de producteurs et de faire connaitre le SRI à un échantillon assez représentatif de la masse des producteurs rizicoles du Bénin. Ces producteurs pourront servir de relais pour la dissémination de la méthode SRI à travers le pays.

Au cours de l’expérimentation, des entretiens individuels et de groupes avec
l’ensemble des participants ont permis d’évaluer les performances comparées des méthodes SRI et de la riziculture conventionnelle.

Des résultats concluants

Le bilan de l’expérience a été globalement concluant. Ce bilan, dressé sur la base des observations et des propres conclusions des producteurs confirme tout le bien qu’on dit du SRI. Parmi les résultats obtenus, les plus remarquables sont liés au tallage important, au rendement qui dépasse de loin l’imagination des producteurs, à la durée plus réduite du cycle et à la quantité de semence réduite.

En ce qui concerne le tallage, il a été noté que la moyenne de talles par poquet est de 46 pour le SRI alors qu’elle est seulement de 19 pour les parcelles témoins. En effet, malgré le fait que les parcelles SRI aient utilisé environ 7 fois moins de plants que les parcelles témoins au repiquage, à la récolte le nombre de talles des parcelles SRI est le double de celui des parcelles témoins. Les poquets avec un seul plant pour le SRI ont produit 50% de talles de plus que ceux avec trois plants pour les témoins.

Le SRI a une incidence positive sur la durée du cycle végétatif du riz. Comme le montre la figure ci-dessous, les résultats des différents essais font apparaître une différence statistiquement significative au niveau des cycles végétatifs.

Figure : cycles végétatifs comparées entre SRI et systèmes conventionnels

La durée moyenne du cycle végétatif du riz sous le SRI est de 118 jours contre 132 jours pour les parcelles témoins. Ainsi, le SRI raccourcit le cycle végétatif d’environ 14 jours.

Tout comme le tallage et le cycle végétatif, les paramètres de rendement sont
aussi positifs pour le SRI. Les rendements obtenus varient entre 537 k et 9256 kg par hectare selon l’utilisation ou non de compost
sur le plateau.

Quatre grands constats émergent : (i) Les parcelles SRI ont donné les meilleurs rendements quels que soient l’écologie et l’apport ou non de compost ; (ii) Les meilleurs rendements sont obtenus des plants les plus jeunes, dans le lot des parcelles SRI, ceux de 8 jours ont donné plus que ceux de 12jours ; (iv) Les meilleurs rendements moyens sont obtenus à Dogba qui est la plaine inondable, zone dans laquelle on n’a pas besoin d’utiliser d’engrais et les
plus faibles rendements sont obtenus à Kakanitchoé et surtout sur les parcelles qui n’ont pas reçu d’engrais.

De ces constats, il ressort que la combinaison qui donne le meilleur résultat est : l’âge des plants de 8 jours, un écartement calculé pour éviter la compétition entre les plants dans la recherche de matière organique
(densité de semis faible), utilisation de la fumure et de la sarclobineuse.

Le SRI a aussi la particularité de réduire considérablement la quantité de semences utilisées au moment du semis. L’expérience a montré que les parcelles SRI consomment en moyenne 6,9kg de semences par hectare alors que les parcelles témoins en utilisent en moyenne 55,6 kg. Le SRI permet donc d’économiser 87% de semences par rapport à la riziculture conventionnelle.

Pascal GBENOU

Ferme École S. A. IN de Kakanitchoé au Bénin

gbenoup@gmail.com