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Dissémination du SRI à Madagascar : les raisons de l’insuccès !

Le Système de Riziculture Intensive (SRI) à été découvert par un prêtre jésuite, Henri de Laulanié à Madagascar dans la Région d’Antsirabe dans un Centre d’Apprentissage de Jeunes Ruraux dans les années 80. Un heureux hasard a voulu qu’il constate avec ses élèves que des plants de riz repiqués, après 15 jours, produisaient des tallages importants avec parfois 20 épis par pied ; ce qui est largement au dessus de la moyenne habituelle. Depuis, la recherche s’est approfondie pour accroitre les niveaux de production du SRI (des records de tallage observés dans certaines zones avec entre 60 à 80 pieds voire 120 parfois). Mais malgré ses grandes performances en termes de productivité, la pratique du SRI reste encore le fait d’une petite minorité à Madagascar.

Les avantages du SRI

Le SRI repose essentiellement sur une fertilisation et des traitements phytosanitaires biologiques. Il est basé sur l’espacement optimisé des plants de riz, l’utilisation de faibles quantités de semences. Le repiquage espacé par brin et en lignes croisées diminue la quantité de semences car on n’a besoin que 5 – 6 kg par ha au moment où la riziculture traditionnelle
utilise près de 70 kg de semences environ.

L’alternance de périodes d’inondation (irrigation optimisée) et de périodes de détrempage des rizières est une innovation qui a permis de constater que, contrairement à la croyance populaire qui veut que le riz soit une plante aquatique, les plants de riz ne croissent pas aisément en milieu aquatique. Cette innovation permet d’économiser ainsi l’eau au cours des différentes étapes de la production. L’eau devient moins souvent l’objet de disputes entre les riziculteurs voisins. Pour optimiser les ressources hydriques, une rotation d’eau est possible pour les rizières d’un même bassin versant.

En outre, le SRI s’adapte parfaitement aux conditions physiques les plus difficiles. Il peut s’appliquer sans problème dans les étroites rizières des hautes terres de Madagascar. L’aménagement de nouvelles rizières demande un investissement considérable et des moyens colossaux que les petits paysans n’ont pas. Ils se contentent parfois de petites parcelles rizicoles héritées des parents et qui se transmettent de génération en génération.

L’adoption du SRI a aussi des répercussions positives sur la quantité de main d’oeuvre nécessaire pour l’entretien de la rizière. Par exemple, Le nombre des femmes repiqueuses nécessaires à l’Ha diminuent car si 12 femmes suffisent aujourd’hui pour repiquer 1 ha de rizière, il en fallait 25 auparavant pour le même travail dans les champs emblavés selon les méthodes traditionnelles.
Après un petit investissement sur l’achat d’une ou deux sarcleuses à 3 rangs traînées par des hommes, on peut gagner davantage en journées de main-d’œuvre d’entretien, car le sarclage croisé se fait en 5 jours environ pour un ha.

Une fois que toutes les conditions sont respectées, le SRI permet des rendements de 8 à 9 tonnes de paddy à l’hectare voire 17 à 24 tonnes si les rizières sont entretenues convenablement. Ils disposent d’un stock alimentaire consistant pour une meilleure sécurité alimentaire. La période de soudure s’atténue d’une manière significative avec l’augmentation de la production.
Les rendements considérables obtenus en SRI ne font qu’améliorer la situation socioéconomique des paysans. Et leurs enfants fréquentent l’école en plein temps avec le ventre plein. Avec les revenus issus des produits de vente, les parents prendront en charge les frais de scolarité pour atténuer le taux de perdition scolaire et participeront aux devoirs sociaux de la communauté.
Les revenus des produits de vente de la récolte de plusieurs paysans malgaches vont parfois en priorité à l’achat des boeufs de trait pour les différents travaux agricoles même si le phénomène du vol de boeufs guette leur troupeau. L’importance du troupeau est aussi une marque d’ascension sociale.

Le SRI, encore l’apanage d’une minorité, malgré ses avantages.

Au tout début de la découverte du SRI, l’État malgache a vite compris l’avantage qu’il pourrait tirer à vulgariser une telle pratique dans le monde rurale. Dans ce pays où le riz est l’aliment de base de la population et où les importations pour combler le gap de la production grève lourdement le budget national, le SRI permettrait de relever la productivité et amoindrir les dépenses destinées à l’achat de riz à l’étranger. C’est ainsi que la diffusion du SRI sera mise au cœur du Système National de Vulgarisation Agricole mise en œuvre par les autorités de la Grande île. Mais malgré les efforts de l’État, les taux de couverture du SRI évoluent très peu. En se référant au dernier recensement agricole (2005), le SRI n’occupait que 0, 23% des 980 000 ha de superficies rizicoles du pays. En dépit de l’absence de données pour suivre l’évolution, les spécialistes qui sillonnent la campagne malgache soutiennent à l’unanimité que le SRI suit une progression trop lente pour soustraire définitivement le pays des importations. Les rares paysans qui se sont appropriés le SRI ont été accompagnés par des ONG nationales ou internationales intervenant parfois dans la relance agricole post catastrophe et mobilisées par des financements extérieurs. Certes, ces ONG avec toutes les latitudes d’intervention et les expériences dont elles disposent en matière de développement rural, ont beaucoup fait pour promouvoir le SRI, mais leurs actions ne couvrent qu’une infime partie du territoire. L’Etat est donc obligé de réviser sa politique d’intervention si une sortie de la pauvreté est bien pour lui une priorité.

La voie à suivre

Chaque année, le pays achète à l’étranger 100 000 à 250 000 t de riz pour subvenir à sa consommation. Pour freiner cette hémorragie de devises, le pays n’a besoin de couvrir en SRI que 2 à 5 % de ses superficies agricoles. Pour atteindre une telle couverture, politiciens et décideurs doivent engager une réflexion claire sur la meilleure façon de mettre le SRI à la portée de tous les paysans. N’est-il pas moins onéreux de vulgariser le SRI que de se lancer dans de nouveaux aménagements de superficies rizicoles.

Le SRI fait l’objet de beaucoup de recherches lors de la préparation de mémoire ou de thèse de fin d’études. Ces recherches ne font qu’approuver les recherches fondamentales plus poussées déjà conduites de par le monde, mais rien de concret quant à l’amélioration réelle des conditions de vie des concitoyens. L’aspect pratique de la riziculture est oublié. Ces recherches devraient être orientées vers la conduite optimale de l’eau, par exemple, ou sur la mise en valeur des vastes étendues de sols hydromorphes des régions côtières du pays pour résorber le manque de terre et en même temps augmenter la production.

Le SRI, tel qu’il est préconisé par ses promoteurs, n’essaie pas de se substituer totalement aux techniques ancestrales développées par les paysans. Une telle approche vouerait sans doute à l’échec toute tentative d’innovation technique. A l’image du travail entrepris par les ONG ou encore l’Association Tefy Saina, Il faut approcher les paysans non pas individuellement mais en groupe pour dissiper toute forme d’hésitation. Ainsi, ils pourraient échanger d’expériences et se persuader mutuellement des avantages d’adapter les principes du SRI à leurs systèmes de culture. Les techniciens doivent être des accompagnateurs prêts à écouter et non des vulgarisateurs ne jurant que par des parcelles de démonstrations infructueuses.

Le SRI une fois adoptée par les paysans, sera un mode de vie pour eux. Ils reproduiront la technique pour d’autres cultures de contre-saison comme les pommes de terre, les haricots et les cultures maraîchères. Ils comprendront la nécessité d’apporter des soins et d’entretenir le sol par l’apport de matières organiques ou par des drainages d’aération voire par sa mise au repos. Ils prendront soin du sol comme on le ferait pour un être humain qui se nourrit afin de mener une vie saine et productive.

La diffusion du SRI passe aussi par l’implication des acteurs de l’école, tels que les instituteurs et les écoliers. Il faut comprendre que le progrès passe par eux. Ils constituent de bons relais pour la diffusion du SRI au sein des familles respectives, dans les villages… L’école est bien une voie essentielle du développement d’un Pays.

Victor RANDRIANA

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