Accueil / Publications / AGRIDAPE / Agrobiodiversité et sécurité alimentaire / Préserver la diversité biologique du bétail ruminant endémique pour réduire la (...)
Préserver la diversité biologique du bétail ruminant endémique pour réduire la pauvreté et renforcer la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest
Pour répondre aux besoins croissants de leurs populations en produits animaliers, quatre pays de l’Afrique de l’Ouest se sont engagés, à travers le Projet de gestion durable du bétail ruminant endémique en Afrique de l’Ouest (PROGEBE), à préserver la biodiversité du bétail endémique ruminant et à lever les obstacles qui s’opposent à sa gestion durable. La valorisation du bétail ruminant endémique, d’une rare diversité et très résistant à certaines pathologies animales telles que la trypanosomiase, constitue une des clés du développement de l’élevage en Afrique de l’ouest.
Un bétail ruminant endémique résilient mais encore faiblement valorisé
L’élevage contribue de manière significative aux conditions d’existence des populations rurales en Afrique de l’Ouest. Il joue un rôle central pour le développement rural, mais également pour la sécurité alimentaire des populations rurales et urbaines. Toutefois, la forte croissance démographique (2.4%), l’augmentation du niveau des revenus de certaines franges de la population, l’urbanisation rapide et la modification des habitudes alimentaires ont entraîné une augmentation de la demande en produits animaliers en Afrique de l’Ouest. Cependant, une bonne partie de la région est fortement infestée par la mouche tsé-tsé, vecteur de la trypanosomiase, qui affecte le bétail ainsi que les conditions d’existence des populations locales.
L’utilisation du bétail ruminant endémique (BRE), comme les bovins N’Dama, ovins Djallonké et chèvres naines de l’Afrique de l’Ouest, est considérée comme une stratégie alternative pour surmonter ce problème. Les races BRE sont trypanotolérantes et très résilientes face aux changements fréquents qui affectent le milieu.
Elles représentent environ 20% de tous les bovins de l’Afrique de l’Ouest et centrale, 30% des ovins et près de 50% de caprins. Cependant, ces races font face à des menaces telles que la dégradation et la destruction de leur habitat naturel, l’augmentation du nombre de zébus et des races sahéliennes, souvent perçus comme étant plus productifs, et, plus généralement, les contraintes de production et de marché.
La promotion du bétail ruminant endémique à travers une gestion plus durable, le renforcement des capacités des associations et coopératives en charge de leur valorisation et la mise en place d’un environnement favorable au développement de la chaîne de valeur BRE pourraient contribuer, de manière significative, à la dynamisation du secteur de l’élevage, à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté en Afrique de l’Ouest.
Le bétail ruminant endémique en Afrique de l’Ouest
Le bovin N’Dama est la race Bos Taurus la plus représentative en Afrique de l’Ouest. L’origine de cette race est située dans les hauts plateaux du Fouta-Djallon de Guinée (Conakry). De là, le N’Dama s’est répandue dans les régions soudaniennes et guinéennes. Etant trypanotolérant, il a été utilisé pour une diffusion à grande échelle dans les pâturages des savanes au Congo, en République Centrafricaine, au Gabon, au Nigeria et en RDC, en particulier dans les régions infestées par la mouche tsé-tsé.
Le N’Dama est une race rustique, de type de taille moyenne (100 cm à hauteur d’épaule pour les vaches, 120 cm pour les mâles) avec une tête large et forte et avec des cornes en forme de lyre. Sa peau, aux poils courts et minces, est de couleur fauve, mais varie de la couleur sable au noir, parfois tacheté.
Les vaches ne produisent que 2 à 3 litres de lait par jour pendant 7 à 8 mois. La race N’Dama est utilisée pour la viande et le ratio carcasse/poids vif est d’environ 50%. La viande a une très bonne saveur sans beaucoup de graisse. Le poids vif moyen pour un bœuf adulte varie entre 250 et 300 kg. En Afrique de l’Ouest, il y a actuellement environ 7 millions de têtes de bovins N’Dama.
On trouve le mouton Djallonké au sud de la latitude 14 ° N, et notamment dans les zones côtières de l’Afrique l’Ouest et Centrale. Il s’agit, en particulier, dans les pays suivants : Nigeria, Bénin, Ghana, Côte-d’Ivoire, Guinée, Sénégal, Cameroun, Gabon, Congo et le sud du Mali. Ils sont généralement de couleur blanche, avec souvent des taches noires ou rouges. Une couleur brun clair, avec un ventre noir, est également commune. Ils ont une hauteur de 40 à 60 cm et un poids de 20 à 30 kg ; ces mesures indiquent leur petite taille caractéristique.
Le mouton Djallonké est utilisé pour la viande. Il a une bonne capacité de reproduction ; l’âge du premier agnelage est de 18,8 mois et l’intervalle d’agnelage est de 10 mois. Le Djallonké a une portée moyenne de 1,22. Le mouton Djallonké est connu pour son adaptation à l’environnement tropical chaud et humide de l’Afrique de l’Ouest, et est considéré comme tolérant aux infections de la trypanosomiase.La chèvre naine de l’Afrique de l’Ouest est une petite race de chèvre domestique. La chèvre naine est une reproductrice précoce avec un cycle œstral court ; portant un à quatre petits tous les neuf à douze mois après une période de cinq mois de gestation. Elle met bas généralement pour la première fois vers environ douze à dix-huit mois, mais elle peut concevoir dès deux mois si on ne prend pas garde de les séparer tôt au début des mâles. Les nouveau-nés, ou chevreaux, s’alimentent presque immédiatement, en mangeant des céréales et du fourrage en l’espace d’une semaine, et sont sevrés à trois mois d’âge. La chèvre naine a tendance à être plus robuste et se reproduit sans cesse tout le long de l’année.
Les femelles pèsent de 23 à 34 kg et les mâles, appelés boucs, pèsent de 27 à 39 kg. Leur taille varie de 41 à 58 cm. Leur couleur peut varier du blanc, gris foncé, noir et brun agouti. La chèvre naine de l’Afrique de l’Ouest est utilisée pour sa viande et son lait et elle est très appréciée en raison de sa trypanotolérance.
Source : PROGEBE- http://www.progebe.net
Une initiative régionale de préservation de la diversité biologique du bétail ruminant endémique
Le projet de gestion durable du bétail ruminant endémique en Afrique de l’Ouest (PROGEBE) financé par le FEM [1] et la BAD [2] et exécuté par ITC [3] et l’UNOPS [4] avec le PNUD [5] , a pour objectif de développer et mettre en œuvre des modèles communautaires de conservation et de gestion des habitats spécifiques pour ces espèces endémiques et d’établir des stratégies pour préserver le complexe unique caractère génétique/habitat qui est d’une importance globale. Le projet vise à préserver la diversité biologique du bétail ruminant endémique et à améliorer sa productivité. Son objectif sectoriel est de contribuer à la réduction de la pauvreté et au renforcement de la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest.
Le projet cible une zone englobant l’est de la Gambie, le sud et le sud-est du Sénégal, l’ouest et le sud du Mali, ainsi que le centre et le sud de la Guinée. Cette zone transfrontalière est composée de quatre formations végétales, dominées par les savanes boisées, la savane arbustive, la forêt claire et les forêts-galeries. Dans ces sites, le projet a choisi douze sites pilotes principaux, pour y mettre en œuvre des interventions sur le terrain, ainsi que huit sites secondaires pour la réplication de certaines activités. Ces sites représentent divers types de conditions écologiques naturelles et de modes de gestion des ressources (dont les systèmes agropastoraux sédentaires et les systèmes de pâturage migratoires ou transhumance) illustrent l’ampleur de l’impact des facteurs anthropiques antérieurs et les menaces actuelles sur les écosystèmes.
La stratégie du projet s’articule, principalement, autour des axes suivants : (i) préserver voire renforcer la base génétique du bétail endémique ; (ii) développer le marché du BRE ainsi que d’autres mécanismes et systèmes d’incitation ; (iii) promouvoir la gestion durable et communautaire des ressources naturelles ; (iv) favoriser l’émergence d’un environnement institutionnel propice (législation, politiques, transhumance) au développement de l’élevage endémique, et (v) favoriser la coopération, la gestion des connaissances et l’ échange d’information aux niveaux national et international.
Résultats et réalisations attendus du projet
Les principales réalisations du projet seront les suivantes :
La caractérisation génétique du bétail ruminant endémique (bovins N’dama, ovins Djallonké, et caprins nains d’Afrique de l’Ouest) et de son environnement.
La réhabilitation et l’équipement de 5 stations de recherche zootechnique en vue de relancer les programmes d’amélioration génétique dans les pays participants ;
La mise en place de dispositifs de reproduction au sein de 200 troupeaux villageois afin de favoriser l’accès des agro-éleveurs à des reproducteurs sélectionnés ;
La formation de 15.050 agro-éleveurs dont 8.000 femmes dans différents domaines (alimentation animale, gestion de la reproduction et amélioration de l’habitat des petits ruminants) ;
L’aménagement et l’équipement de 17 aires d’abattage et la construction et l’équipement de 11 mini laiteries de 200 à 600 l/jour de capacité, 2 marchés sous-régionaux de bétail et 17 marchés locaux ;
L’amélioration de 160 km de piste au total dans les 4 pays pour faciliter la commercialisation du bétail endémique et de ses produits ;
L’élaboration et la mise en œuvre de plans d’occupation et d’affectation des sols et de plans d’aménagement pastoral et de gestion des forêts communautaires au niveau des différents sites ;
L’application de systèmes améliorés de gestion des terres de culture dans les localités de la zone d’intervention du projet. Au niveau des vingt sites retenus, le projet exécutera des activités visant à impulser une dynamique de développement durable de l’élevage du bétail ruminant endémique, tout en préservant les écosystèmes dans lesquels vit ce bétail.
Enseignements
Le projet s’insère dans le cadre des programmes du NEPAD en matière de développement agricole et de protection de l’environnement
Ces ressources génétiques constituent des ressources partagées par les pays concernés. Le projet proposé renforcera les synergies à travers la coopération régionale, la mise en commun des ressources et le partage des résultats et des expériences en matière d’amélioration génétique et de développement des systèmes de production animale.
Potentiel génétique mondial
Le projet porte sur des races d’animaux endémiques (bovins N’dama, ovins Djallonké, et caprins nains d’Afrique de l’Ouest) qui représentent un trésor génétique d’importance mondiale : résistance aux maladies telles que la trypanosomose, les endoparasitoses et les dermatophiloses. Elles se sont adaptées aux conditions écologiques prévalant dans la zone sub-humide.
Le projet donnera l’occasion de prendre en compte les orientations des politiques d’élevage d’harmoniser les effectifs animaux avec les ressources naturelles disponibles, en s’orientant vers une diminution de la charge animale et une intensification des techniques de production.
Dans les quatre pays, il participe à :
l’engagement de réduire de 50 % la pauvreté, à l’horizon 2015 dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement ;
l’atteinte des objectifs stratégiques de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté ;
à une diversification et au renforcement de la base économique agricole en milieu rural, et la création d’emplois.
Le projet constitue une application sur le cadre législatif de divers instruments juridiques sur le plan international (Stratégie mondiale de gestion des RGA, la CDB).
Au niveau de la sous région, Le projet assistera les pays à élaborer une législation relative au contrôle des croisements entre les différentes races de bétail
Tout en assurant la préservation de la diversité biologique de ces races en voie d’extinction, le projet lèvera les obstacles qui s’opposent à leur gestion durable et valorisera les grandes potentialités en matière d’élevage en zone sub-humide en Afrique de l’Ouest.
La promotion de l’élevage du bétail ruminant endémique sera faite au sein des communautés d’agro-éleveurs (« in situ ») de manière à ce que cette activité devienne plus profitable tout en permettant de préserver la diversité biologique de ces animaux et de maintenir les habitats dans lesquels ils vivent.
Contraintes et défis
L’évolution du projet est entravée par les principaux facteurs ci-après :
l’agriculture est essentiellement pluviale et est soumise aux aléas climatiques,
l’inaccessibilité des technologies appropriées,
l’accès limité aux soins de santé primaires dans les zones rurales.
Facteurs amplifiant :
la situation économique et sociale des pays,
le mauvais état des routes et des infrastructures rurales qui ne facilitent pas la commercialisation des productions surtout dans les zones rurales,
les termes défavorables de l’échange pour la majorité des matières premières agricoles.
Dr Alamir Sinna TOURE
Phyto-écologiste, Coordonnateur GDT Mali
astoure55@gmail.com