Abonnement à Agridape

Accueil / Publications / AGRIDAPE / Les sentiers de la souveraineté alimentaire / Fabrication de pain au Sénégal : substituer les céréales locales sèches au (...)

Fabrication de pain au Sénégal : substituer les céréales locales sèches au blé

Les céréales locales sèches produites au Sénégal sont essentiellement le mil souna, le mil sorgho et le maïs. Mais pour faire du pain, les boulangers industriels et artisanaux ont recours au blé. La Fédération des Organisations Non-Gouvernementales du Sénégal (FONGS-Action paysanne) est en train de mettre en œuvre le projet de Promotion de la Souveraineté Alimentaire par la Valorisation des Céréales Locales (PSAVRL). Il vise à promouvoir la substitution des céréales locales sèches au blé dans la production de pain par les boulangers et les femmes transformatrices.

Le blé n’est pas produit au Sénégal mais sa consommation a gagné beaucoup de terrain. Entre 2009 et 2013, les importations de blé sont passées de 429 000 tonnes à 515 000 tonnes, soit une hausse de 20 %. Ceci correspond à environ 96 milliards F CFA (MEF, 2016).Selon la Fédération Nationale des Boulangers du Sénégal (FNBS), si rien n’est fait pour inverser la tendance, le Sénégal pourrait passer à trois millions de tonnes de blé importées d’ici 30 ans.

Les organisations paysannes à la base, regroupées au sein de la Fédération des Organisations Non-Gouvernementales du Sénégal (FONGS), sont conscientes du manque à gagner pour les céréales sèches produites au Sénégal (mil et maïs) et de l’opportunité que constituerait, pour les exploitations familiales agricoles sénégalaises, une tendance inverse, c’est-à-dire l’utilisation de ces céréales locales sèches dans la production de pain, et plus généralement, le changement des habitudes alimentaires des Sénégalais urbains comme ruraux.

Parallèlement à sa participation au projet public de panification des céréales locales mis en œuvre par l’Association Sénégalaise pour la Promotion du Développement par la Base ( ASPRODEB), dans le cadre du Programme de Politique Agricole de l’Afrique de l’Ouest (ECOWAP en anglais) et en relation avec les boulangeries industrielles présentes dans les zones urbaines, la FONGS s’est aussi engagée en milieu rural avec les boulangers artisanaux et les réseaux de femmes transformatrices pour contribuer à inverser la tendance.

Le projet de Promotion de la Souveraineté Alimentaire par la Valorisation des Céréales Locales (PSAVRL), financé par l’association française SOL, est le principal instrument qui permet à la FONGS d’agir dans ce sens en milieu rural, précisément dans les départements de Mbour, Kaffrine et Koungheul.

Les enjeux du PSAVRL sont :
•la contribution à la souveraineté alimentaire du Sénégal à travers la création d’un modèle reproductible et pertinent de chaîne de valeur autour de produits vivriers locaux en substitution au blé dont l’importation accroît la dépendance alimentaire et économique du Sénégal ;
•la création de valeurs ajoutées au niveau local par la transformation des céréales sèches (essentiellement produites par les exploitations familiales) ;
•la promotion et la sécurisation de l’auto-emploi en milieu rural.

Objectifs

Le PSAVRL veut promouvoir la substitution des céréales locales sèches au blé dans la production de pain et produits substituables au pain par les boulangers et femmes « transformatrices » en milieu rural, afin d’augmenter leurs revenus et de créer des débouchés pour les producteurs de céréales locales en amont (renforcement de la filière), tout en améliorant la qualité nutritive des pains et pâtisseries consommés localement.

Sa mise en œuvre est portée sur le terrain par des associations membres de la FONGS : Jig Jam dans le département de Mbour, l’Association pour le Développement des Agriculteurs de la région de Kaolack/ Kaffrine dans le département de Kaffrine et l’Entente des Groupements associés de Koungheul dans le département de Koungheul.

Résultats

Le projet a permis à ces trois associations de contractualiser la production de céréales sèches de qualité avec 150 exploitations familiales des trois départements, de renforcer les capacités de production de 180 femmes transformatrices des céréales et 36 boulangers ruraux. Au niveau de chaque département, un stock-minoterie est construit et équipé pour le stockage des céréales, leur transformation en farine de qualité et leur commercialisation auprès des femmes transformatrices et boulangers ruraux.

Au niveau des exploitations familiales (EF) contractées pour la campagne agricole 2015- 2016 (les bilans pour 2016 – 2017 ne sont pas encore exploités), on note pour le département de Koungheul que les rendements ont augmenté d’en moyenne 213% pour la production de mil et 135% pour la production de maïs. Avec cette amélioration des rendements et celle des prix (+2 francs CFA/ kg pour le mil et + 15 francs CFA/ kg pour le maïs), les revenus par spéculation des EF ont conséquemment augmenté (+151% pour le mil et +245% pour le maïs). Dans le département de Kaffrine, les rendements des EF bénéficiaires ont augmenté de 9,8% pour la production de mil et 76,2% pour la production de maïs, en moyenne. Leurs revenus ont augmenté 186% pour le maïs en moyenne et ont plutôt stagné pour le mil.

On retient que la démarche d’une agriculture raisonnée dont la finalité est de réduire progressivement l’utilisation des fertilisants et pesticides chimiques en faveur d’un recours maîtrisé à des fertilisants et pesticides biologiques, combinée à des services adaptés d’approvisionnement en semences, de formation et de suivi de la production, et de commercialisation par la contractualisation, produit des effets. Les exploitations familiales ont en effet amélioré leurs rendements et réduit leurs emblavures, tout en augmentant leurs revenus.

Au-delà des 150 EF qui bénéficient de ce paquet de services, le projet renforce la qualité d’auto-emploi des 36 boulangers ruraux et 180 femmes transformatrices/ restauratrices. Les 36 boulangers ruraux formés ont un accès plus régulier à une farine de céréales locales sèches panifiable. Les taux d’incorporation sont très variables malgré les formations délivrées par les boulangers experts de l’association française SOL. Il semble que les boulangers cherchent à leur propre niveau les dosages qui satisfont le mieux leur clientèle.

Le suivi révèle également une nette préférence de la farine de maïs, aussi pour les boulangers que pour les consommateurs finaux. Ces questions des taux d’incorporation et de la préférence du maïs seront approfondies avec les différents acteurs sur le terrain.

Les 180 femmes transformatrices sont quant à elles à quasi 100% de farines de céréales locales sèches dans la fabrication de leurs produits. Les formations et appuis matériels qu’elles ont reçus leur permettent de mener leur activité plus régulièrement et de gagner des parts de marché dans la consommation des ruraux.

La rentabilité des stock-minoterie qui produisent la farine panifiable de qualité, la maîtrise des techniques de production par les boulangers et les femmes transformatrices, et la promotion d’une image de marque de qualité de leurs produits, sont les trois points névralgiques qui conditionnent la pérennité des chaînes de valeurs promues dans le cadre du projet. Les évaluations réalisées en cours de projet donnent des pistes pour une meilleure maîtrise de ces aspects. La dernière année du projet qui prend fin en janvier 2018 mettra davantage la priorité sur ces nœuds stratégiques.

Aminata Diène

Chargée de communication de la FONGS
Contact : dieneamina36@yahoo.fr