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Opinion : Notre eau, notre droit
Nnimmo Bassey est un militant nigérian pour la protection de l’environnement, auteur et poète. En août 2015, Nnimmo a fait une intervention au Sommet de l’eau à Lagos. Dans le cadre du processus d’un mouvement social œuvrant pour des systèmes d’approvisionnement en eau performants et démocratiquement contrôlés en Afrique et dans le monde. Le Sommet a permis la mise en place d’une plateforme d’échange et de partage entre activistes contre la mainmise sur l’eau par les grandes entreprises dans des régions allant des Philippines au Ghana en passant par l’Indonésie. Il partage avec nous quelques points qu’il a abordés durant le sommet.
L’eau est un droit absolu sans lequel on ne jouirait d’aucun autre droit, car l’eau est le fondement de la vie et de la vie dans la dignité. Mais aujourd’hui ce droit est le plus bafoué parmi les droits humains. Je m’explique.
Les cadres de politiques tels que les Objectifs de développement durable (ODD) privilégient l’accès à l’eau plutôt que le droit à l’eau. Toutefois, dans un contexte où l’approvisionnement en eau est devenu une activité commerciale et non un bien public, il ne fait guère de doute que c’est le secteur privé qui déterminera qui aura accès à l’eau et à quel prix. Les partenariats publics-privés dans le domaine de l’approvisionnement en eau se résument à l’accès à l’eau pour ceux qui en ont les moyens et non à la considération de l’eau comme un droit universel.
À l’horizon 2025, tous les pays africains seront vulnérables quant à l’approvisionnement en eau. Avec le changement climatique, la recrudescence des inondations, de la sécheresse et de la désertification, les espoirs de garantir un approvisionnement suffisant en eau douce s’amenuisent. Le lac Tchad, jadis l’un des plus grands lacs d’Afrique, a perdu aujourd’hui jusqu’à plus de 90 % de sa superficie de 1960. Les pêcheurs et les éleveurs qui y tiraient leurs moyens de subsistance ont été déplacés.
En Europe, une personne ordinaire dispose de 200 à 300 litres par jour pour son usage domestique, tandis que dans des pays comme le Mozambique, le volume dépasse à peine 10 litres. Partout en Afrique, notre réalité est celle d’une exténuante quête quotidienne d’eau de qualité douteuse, surtout de la part des femmes et des enfants. Nos peuples croulent sous le poids des souffrances causées par le manque d’eau potable.
Que faire ?
Premièrement, les sources d’eau dont dépendent nos peuples ne doivent pas être transformées en sites de dépôt de déchets toxiques. Et la privatisation de l’eau, sous quelque forme que ce soit, doit être refusée. Dans plusieurs pays, le secteur public a réussi l’approvisionnement en eau grâce aux partenariats de type public-public. Les gouvernements doivent en prendre de la graine pour promouvoir les meilleures pratiques.
L’eau est le don de la nature à la Terre. Toute tentative de priver à quiconque le droit à l’eau est une offense inexcusable à la nature. Lorsque les gouvernements se rendront compte qu’une population bien portante vivant dans la dignité est la meilleure forme de sécurité, il ne sera ménagé aucun effort pour garantir la jouissance du droit à l’eau pour tous.
Nnimmo Bassey
Président de la fondation Friends of the Earth International de 2008 à 2012
Directeur de la Health of Mother Earth Foundation
Email : nnimmo@homef.org