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Champs-écoles de la FAO : co-apprentissage pour de meilleurs rendements agricoles
Les Champs-Ecoles de Producteurs (CEP) est une approche participative initiée par la FAO pour le renforcement des capacités des communautés en vue d’augmenter leur production agricole et leurs moyens d’existence de manière adaptée au contexte local. Lieux d’échanges d’expériences et de connaissances, les champs-écoles permettent aux producteurs d’apprendre en pratiquant et les dotent d’outils pour analyser leurs pratiques et identifier des solutions à leurs problèmes.
L’approche Champs-Ecoles de Producteurs (CEP) a été initiée en Asie, il y a 25 ans, dans le cadre d’un programme de l’Organisation des Nations Unis pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) mis en œuvre dans plusieurs pays pour la lutte intégrée dans le riz et les cultures maraichères. Depuis, de nombreux projets et programmes ont eu lieu dans plus de 90 pays en voie de développement situés en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud et en Europe de l’Est. Elle offre un très bon exemple de succès de la collaboration Sud-Sud, grâce à la mobilisation d’experts locaux expérimentés pour initier les projets dans de nouveaux pays.
La FAO et ses partenaires ont opté, depuis plusieurs années, pour le modèle de production agricole basé sur une intensification agricole durable appelé « Produire plus avec moins ». Il permet d’améliorer à la fois les revenus, l’environnement et la santé des producteurs et des communautés rurales. Les CEP contribuent, dans ce sens, à doter des millions de petits producteurs de connaissances et d’aptitudes pour mettre en pratique cette approche et améliorer leurs conditions de vie. Sur le continent africain, les Champs-écoles de producteurs ont déjà fait leur preuve sur des programmes d’intensification agricole durable, telles que la Gestion Intégrée de la Production et des Déprédateurs (GIPD). Elle a été introduite au Mali en 2001.
Tata Djire Coulibaly, coordonnatrice GIPD à l’Association des Producteurs de Coton Africains (APROCA), est ainsi convaincue de l’intérêt de l’approche CEP pour les producteurs. Elle affirme : « Au Mali, la culture du coton est surtout une affaire des sociétés cotonnières : toutes les décisions viennent d’en haut. Avec les Champs-écoles de producteurs, c’est le producteur qui décide de ce qu’il va faire sur sa parcelle. C’est une responsabilisation pour qu’on puisse prendre les décisions appropriées. Et c’est fondamental pour, nous, producteurs. » La démarche participative des Champs écoles de producteurs offre donc des outils de renforcement de capacités et d’éducation tout à fait précieux pour la FAO dans le cadre de ses objectifs stratégiques, plus particulièrement pour l’objectif stratégique 2 qui est d’ « accroître et améliorer de manière durable la fourniture de biens et services issus de l’agriculture, des forêts et des pêches ». Dans sa contribution à l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD), la FAO poursuit notamment l’objectif numéro 2 qui vise à « mettre un terme à la faim, assurer la sécurité alimentaire et une meilleure nutrition et promouvoir l’agriculture durable ».
« Dans le contexte actuel, celui des ODD, mais aussi celui de la lutte contre le changement climatique, nous, acteurs du développement agricole et rural, nous nous devons de montrer que l’agriculture n’est pas, et ne doit plus être, une partie du problème, mais faire partie de la solution. Le renforcement des capacités des agriculteurs est aujourd’hui plus qu’une nécessité, si nous voulons atteindre ces objectifs ambitieux », a déclaré Vincent Martin, le Représentant de la FAO au Sénégal, lors de l’ouverture des travaux d’un atelier organisé par son organisation à Dakar, du 7 au 11 décembre 2015, après deux autres tenus en Zambie et en Afrique du nord/Proche-Orient.
Réseaux pour des systèmes de production durables
L’objectif de cet atelier sous-régional sur l’approche CEP en Afrique de l’Ouest et Centrale était de favoriser la mise en place d’un réseau régional de spécialistes, constitué de la FAO et des acteurs locaux, et de s’accorder sur une compréhension commune de la démarche. Pour Modou Mboup, Conseiller technique N°1 au Ministère de l’Agriculture et de l’Equipement rural du Sénégal, « les champs-écoles pourront permettre aux communautés de base d’adopter des pratiques agro-sylvo-pastorales résilientes au changement climatique. Il est heureux de constater que la FAO, par une approche innovante que sont les champs-écoles de producteurs, accompagne les pays à travers le monde pour assurer aux agriculteurs une acquisition de connaissances techniques et un renforcement des dynamiques organisationnelles. » A l’issue de la rencontre, les participants ont adopté une déclaration finale en faveur de la promotion de la qualité de l’approche auprès des décideurs et mis en place un mécanisme de coordination régionale, afin d’en assurer la mise à l’échelle dans la région. Ces cinq jours de travaux ont réuni quelques cinquante experts, venus de 22 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre , des représentants de la FAO, des gouvernements, d’associations de producteurs, de la société civile, mais aussi des chercheurs, des formateurs, des gestionnaires de projets, ainsi que les partenaires techniques et financiers.
Capacités locales au profit des communautés
Le projet est mis œuvre dans certaines régions maliennes. Dans le village de Bla, (Centre du pays), les agriculteurs formés se sont organisés en un réseau de facilitateurs qu’ils ont appelé « Réseau GIPD ». Siaka Dioni, la quarantaine, en est membre. Il est devenu facilitateur deux ans après avoir suivi sa première formation sur l’approche CEP, en 2009. « J’ai décidé de participer à un champ-école des producteurs du programme GIPD, car mes voisins disaient qu’ils en obtenaient de bons résultats. J’étais curieux d’en savoir plus », a-t-il déclaré. M. Dioni est l’un des 42 facilitateurs qui ont été formés jusqu’à présent par le programme GIPD dans la région de Bla. Ils sont maintenant des membres actifs du Réseau GIPD. Ce programme a d’abord commencé dans la région en 2002, avec la formation d’une poignée de facilitateurs à Sikasso, à plus de 100 km de Bla.
À présent, le Réseau GIPD se développe et des formations sont organisées à Bla. Ce qui rend moins onéreux et plus simple le renforcement des capacités dans les communautés avoisinantes. Depuis sa création, le Réseau GIPD a formé plus de 4 000 agriculteurs et le nombre ne cesse de croître. Le programme continue à fournir un appui au réseau par le biais de formations nouvelles et de recyclage pour les facilitateurs.
Agriculteurs : des experts en devenir
En utilisant l’approche d’apprentissage par la pratique des CEP, le programme GIPD s’engage avec les communautés agricoles à introduire des méthodes axées sur la découverte pour les essais sur le terrain, l’adaptation et éventuellement l’adoption de ces pratiques agricoles améliorées, notamment la réduction des risques liés aux pesticides par l’utilisation de moyens alternatifs de lutte contre les déprédateurs. Par conséquent, les agriculteurs deviennent des experts dans leurs propres domaines et apprennent à prendre des décisions informées. « Avant que le programme GIPD ne commence ici à Bla, chacun pensait que les pesticides étaient toxiques pour l’homme uniquement, s’ils étaient ingérés », dit Gaoussou Coulibaly, le Président du Réseau GIPD de Bla. « Maintenant, les agriculteurs formés ont bien conscience que ce n’est pas la seule façon d’être mis en danger, mais une intoxication peut se produire uniquement en respirant le produit vaporisé dans l’air », ajoute-t-il. L’objectif du programme GIPD est de sensibiliser à ce sujet, en donnant les moyens aux agriculteurs et à leurs communautés de mieux se protéger, ainsi que l’environnement dans lequel ils vivent.
Profits
Siaka Dioni possède dix hectares. Avant de recevoir
une formation sur le CEP, il ne cultivait que du fonio sur une petite partie de son terrain, principalement à cause de la condition dégradée de la terre et de son faible rendement. Après la formation, M. Dioni a décidé d’appliquer les méthodes apprises sur une section de ses champs. Depuis lors, les progrès réalisés ont été impressionnants. Année après année, il a augmenté la zone cultivée selon les pratiques GIPD, passant de deux hectares de coton et un demi hectare de sésame en 2010, à trois hectares de coton, trois hectares de maïs, deux hectares de sésame et deux hectares de sorgho hybride en 2014. En quatre ans, les surfaces cultivées sont passées de deux hectares et demi à dix hectares et la diversification s’est substantiellement améliorée. Les avantages sont faciles à vérifier. Ce paysan a maintenant de meilleurs revenus, en partie dû au fait qu’il a moins besoin d’acheter de pesticides.
Avec une partie de ses bénéfices, il a acheté deux motos qui lui permettent de se déplacer plus rapidement entre ses champs. Il peut également aller au marché ou sur le champ d’un voisin pour lui donner des conseils. Avec son système de cultures diversifiées, Siaka Dioni peut assurer une meilleure nutrition pour lui-même et pour sa famille. Il a de plus grandes chances d’obtenir une bonne récolte en dépit des défis climatiques. « Mais ce qui me rend le plus heureux, est de savoir que j’ai maintenant une compréhension précise de la façon dont une plante pousse et de la façon dont un champ peut être correctement géré. Je peux maintenant conseiller les gens et j’ai beaucoup plus de relations que précédemment », se réjouit-il.
Les capacités en passe d’être développées par le Réseau GIPD couvrent de nombreux sujets, notamment les approches écologiques pour s’attaquer aux problèmes des déprédateurs, l’adoption de variétés de semences précoces et résistantes, la diversification des cultures, les pratiques d’adaptation aux changements climatiques telles que la gestion des sols et de l’eau, l’intégration des aspects pastoraux et agroforestiers. Aujourd’hui, à Bla, ces capacités ont été développées et sont toujours à la disposition des agriculteurs, tout en contribuant au capital social global de la communauté.
S’adapter aux changements climatiques par les meilleures pratiques de la zone
Ces dernières années, le Mali a été confronté à plusieurs événements liés à la variabilité climatique. En 2009, 700 000 têtes de bétail ont été décimées par la sécheresse. En 2011, une sérieuse baisse des précipitations a fait chuter les rendements des cultures dans certaines régions du pays, entraînant une réduction de 80% de la sécurité alimentaire de la population rurale. Les projections indiquent que ce pays sera confronté à un avenir que l’on prévoit plus chaud, marqué par des sécheresses et inondations, des recrudescences de criquets et d’absence subséquente d’aliments. Dès lors, chaque agriculteur se voit obligé de s’adapter aux changements. Cela exige des compétences, des connaissances et des innovations scientifiques et techniques.
A cet effet, un projet visant à former les petits producteurs à travers les CEP a été lancé conjointement par le ministère de l’Agriculture et le ministère de l’Environnement, en août 2011, pour une durée de quatre ans, dans trois écosystèmes des régions de Mopti, Kayes et Sikasso. « La formation au niveau communautaire est la clé de l’intensification durable de la production vivrière. Elle contribue à l’amélioration de la sécurité alimentaire et des moyens d’existence dans la région », affirme William Settle, conseiller technique principal auprès de la FAO.
Généralement, chaque CEP possède un champ d’expérimentation divisé en deux. L’un suit un traitement classique, communément accepté par les agriculteurs. L’autre connaît un traitement décidé par un facilitateur faisant partie des « meilleures pratiques » reconnues selon la culture et la zone. Les participants observent la croissance et les éléments affectant les cultures : insectes, maladies, conditions météorologiques, conditions hydriques, etc. Le facilitateur reste en retrait mais stimule les discussions et les analyses. Les options de gestion sont alors décidées par le groupe.
« Grâce à la formation sur les cultures maraîchères, toutes les femmes installées dans le périmètre ont amélioré leurs techniques et sont arrivées à accroître leur production. La production de tomate est passée de cinq à quinze paniers par femme. Et ce qui nous a encore réjouies, c’est la formation sur la préparation et l’utilisation des produits naturels comme le neem pour les traitements des cultures. Ils ne présentent pas de danger pour les femmes et leurs enfants », se réjouit Diakité Fanta Diarra, Présidente de l’Union des maraîchers de Dioila.
« Ces formations impliquent toujours un suivi des activités au cours des années suivantes pour soutenir les agriculteurs dans la découverte, l’adaptation et l’adoption de nouvelles pratiques. Ce n’est pas une action ponctuelle mais plutôt un accompagnement des groupes d’agriculteurs dans le temps », explique Mohamed Hama Garba, Coordinateur régional du programme GIPD/CEP au Sénégal. Dans le CEP, les rendements du riz sont augmentés de 25% et les revenus bruts de 40%, et sur le coton, les revenus bruts ont augmenté de 54%. Plus de 60 000 petits agriculteurs ont été formés dont 30%de femmes et 900 facilitateurs.
S’appuyer sur les acquis locaux
Un nouveau projet sera mis en œuvre avec l’objectif de
renforcer les capacités de 16 000 petits producteurs agricoles pour faire face aux changements climatiques en utilisant l’approche de formation communautaire des CEP. « Face aux changements climatiques », explique William Settle, « les pratiques de gestion adaptatives nécessitent des formations à caractère communautaire pragmatiques et efficaces afin de toucher les millions d’acteurs responsables de la gestion des terres agricoles ». Le projet vise à promouvoir la gestion et l’entretien de la fertilité des sols, la gestion de l’eau, l’utilisation des espèces et des variétés plus résistantes et précoces, l’adaptation des cycles culturaux, et l’introduction de l’agroforesterie pour l’alimentation et la production de biocarburant.
« L’approche doit être intégrée par des partenaires existant déjà dans le pays en termes de recherche, de vulgarisation, d’ONG et d’organisations paysannes », ajoute Settle. « En effet, on constate que l’approche CEP fonctionne plus efficacement lorsqu’elle sert de « plateforme » et peut s’appuyer sur les acquis éprouvés de la recherche locale, sous régionale et internationale en matière de variétés et espèces adaptées », constate Hama Garba.
L’initiative veut ainsi promouvoir l’intégration des questions de changements climatiques dans les politiques, les stratégies et les plans d’investissement nationaux. Cependant, il s’agira à la fois d’avoir le temps, les ressources nécessaires (notamment l’obtention des données prévisionnelles correctes sur les phénomènes météorologiques à venir adaptées au contexte africain et malien), et l’appui politique pour amener les activités à soutenir suffisamment d’agriculteurs, afin d’avoir un réel impact. Le manque d’investissements dans les infrastructures menaçant les petites exploitations dans les pays les plus pauvres est aussi un frein dans de nombreuses régions. « Toutefois », avance Settle, « les bailleurs de fonds sont enthousiastes et les gouvernements prennent de plus en plus de mesures pour institutionnaliser l’approche CEP ». Ce projet se situe parmi les premières initiatives mises en place en Afrique, en matière d’adaptation aux changements climatiques à base communautaire. La FAO compte cependant renforcer et étendre cette approche communautaire d’adaptation aux changements climatiques au niveau sous régional, en appuyant la mise en place des projets de même type dans plusieurs autres pays de l’Afrique de l’Ouest, où des phénomènes de variabilité climatique sont devenus de plus en plus récurrents.
Sénégal : Renforcer les coopératives féminines
En Afrique de l’Ouest, près de 50 % des travailleurs agricoles sont des femmes. Il existe toutefois un fossé entre les hommes et les femmes dans l’accès aux terres, à la connaissance, aux intrants et au crédit. Les femmes sont pour autant moins à même de conduire une activité agricole durable et performante. Dans le cadre du programme GIPD, le projet « Renforcement de la sécurité alimentaire dans les Niayes et la Casamance », lancé en 2011 et financé par l’Agence de Coopération au Développement Canadienne, est intervenu dans les Niayes (sur les cultures maraîchères) et en Casamance, dans le bassin de l’Anambé (en riziculture), en appui aux initiatives de renforcement de la sécurité alimentaire développées par le Projet Italien pour la Sécurité Alimentaire (PISA). Le projet a organisé une visite d’échange dans les Niayes dans le Bassin de l’Anambé du 20 au 26 mai 2012.
Cette visite naissait d’un besoin exprimé par les femmes productrices bénéficiaires du projet de partager des expériences entre femmes d’origines ethniques divers et d’horizons différents, mais ayant en commun l’agriculture et le fait d’être femme. Binta Diao, née en 1978 à Souture, dans le Bassin de l’Anambé en Casamance, est l’une des 36 femmes membres du Groupement de promotion féminin « Femmes Modernes », organisation partenaire du PISA. Le Groupement « Femmes Modernes » fait du maraîchage (surtout la tomate) pour revendre leur production. Elles n’ont pas de périmètres à elles mais cultivent sur des terrains qui leur sont prêtés. Cette année, elles ont bénéficié de la formation en GIPD, à travers les champs écoles des producteurs (CEP), une approche qui propose une formation basée sur les expériences tout le long d’une saison. Binta est devenue l’une des facilitatrices. C’est-à-dire elle conduit des champs-écoles afin de partager ses connaissances avec d’autres femmes. Binta faisait partie des 20 productrices du Bassin de l’Anambé qui ont pris part à cette visite d’échange dans les Niayes.
Les productrices de Casamance étaient accompagnées par deux agents de la Société de Développement Agricole et Industriel du Sénégal (SODAGRI) et par les animateurs de la FAO. Durant les cinq jours passés dans les Niayes en compagnie des agricultrices qui les ont accueillies, les femmes ont beaucoup appris en termes d’organisation, de techniques de transformation, de conservation et de protection des végétaux avec des produits phytosanitaires naturels. « Ce qui m’a touché le plus, c’était de voir et d’écouter des femmes qui prennent la parole devant les hommes pour dire ce qu’elles veulent… Elles savent ce que c’est la parité… Moi, je veux aussi devenir conseillère rurale », confie Binta Diao. Les résultats de cette visite ont été probants dans la mesure où les productrices du Bassin de l’Anambé ont pris conscience de leur rôle et de leur place dans le développement socio-économique de leur région.
Références :
http://www.fao.org/senegal/actualites/detail-events/fr/c/358275/
http://www.fao.org/agriculture/ippm/resources/stories-from-the-field/detail/fr/c/276610/
http://www.fao.org/agriculture/ippm/resources/stories-from-the-field/detail/fr/c/277810/
http://www.fao.org/agriculture/ippm/resources/stories-from-the-field/detail/fr/c/235590/