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Valorisation des produits forestiers non ligneux (PFNL) et lutte contre la pauvreté au Mali
Au Mali, l’agriculture constitue la principale activité des populations rurales. Toutefois, à causes des aléas climatiques, la production demeure aléatoire. La dépendance à une agriculture en mal de productivité renforce la vulnérabilité des communautés, qui de plus en plus, explorent des activités alternatives pour se soustraire de l’insécurité alimentaire et de la pauvreté.
La valorisation des produits forestiers non ligneux (PFNL) est une des stratégies d’adaptation adoptées par l’Union des femmes de la commune de Farakala. La production et la commercialisation du soumbala sont devenues les activités phares de cette union qui s’affirme, de jour en jour, comme un des principaux remparts contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté dans la commune rurale de Farakala.
Dans la commune rurale de Farakala (cercle de Sikasso) au sud du Mali, les sécheresses récurrentes ont sérieusement entamé la capacité de l’agriculture à satisfaire les besoins alimentaires des populations. La production étant constamment en baisse, la survie des plus pauvres est menacée.
Pour se soustraire de l’insécurité alimentaire et améliorer le niveau de leur revenu, les populations rurales explorent de plus en plus la solution des produits forestiers non ligneux (PFNL) qu’elles utilisent comme suppléments nutritionnels. Les PFNL génèrent, par ailleurs, des revenus importants qui permettent aux familles les plus démunies de régler certains de leurs besoins.
Parmi les espèces forestières exploitées figure en pôle position le néré (Parkia biglobosa). C’est l’espèce champêtre la plus caractéristique de la commune de Farakala. De ses graines sont extrait un produit très recherché, le "soumbala". Utilisé comme condiment, il entre dans la préparation de nombreux plats traditionnels au Mali et un peu partout dans la région Ouest africaine.
Le soumbala est autoconsommé ou vendu sur les marchés locaux à prix d’or. Il fait aussi l’objet d’un commerce international très lucratif qui génère d’importants revenus aux populations rurales et aux nombreux intermédiaires impliqués dans cette filière.
Le soumbala, un produit alimentaire très prisé
Le soumbala est issu de la fermentation des graines de néré (Parkia biglobosa), un arbre de la famille des Mimosacea qui pousse dans les zones de savane. Ses fruits formés de longues gousses contenant des graines marron enrobées d’une pulpe jaune.
Si la pulpe est un produit de consommation très apprécié des populations du monde rural, ce sont surtout les graines qui donnent aux fruits du néré toute leur valeur.
Les graines du néré sont transformées par fermentation en un condiment à l’odeur très forte mais aux vertus nutritives et aromatiques très importantes. Le soumbala est très riches en protéines et en fer mais aussi en vitamines C et en iode. Il a un goût spécial qui en faisait le principal produit aromatique pour de nombreuses communautés avant l’apparition des bouillons industriels.
La production et la commercialisation de ce produit forestier non ligneux génèrent des revenus importants permettant de faire face à la pauvreté.
Le soumbala s’exporte aussi très bien dans les pays de la sous région où il est connu sous des appellations différentes (« nététou » au Sénégal, « dawa-dawa » ou « iru » au Nigéria et au Ghana ; « afiti » au Togo et au Bénin).
Les types d’acteurs et leurs rôles dans la chaine de valeur « Soumbala »
La production de « soumbala » est principalement le fait des femmes. Evoluant généralement dans le cadre d’associations et d’unions de productrices, elles dominent les maillons de la chaîne de valeur liés à la collecte des graines, à leur fermentation et transformation en « soumbala » et sa vente sur les marchés locaux, nationaux et internationaux.
Dans la commune rurale de Farakala, l’Union communale des femmes de Farakala créée en 2006 s’est imposée en leader incontestable dans la production et la commercialisation du soumbala.
Créée en mars 2006, l’union communale des femmes de Farakala fédère 45 organisations paysannes de base pour un total de 1200 femmes membres environ. Elle dispose de 11 coordinations représentant 12 villages (une coordination est composée d’association et de coopératives).
Les Objectifs visés par l’union sont la promotion de la prise en compte du genre dans le développement communautaire à travers le développement d’activités génératrices de revenus, l’amélioration des conditions de vie des membres de l’union et la responsabilisation des femmes de l’union dans les instances de prise de décisions de la commune.
Afin de rentabiliser et de renforcer la valeur ajoutée du soumbala et de permettre aux exploitants familiaux de la commune de Farakala (Mali) de tirer des revenus plus conséquents de la vente du soumbala, l’Association des Organisations Professionnelles Paysannes (AOPP) accompagne les producteurs à travers le renforcement de capacité, des visites d’échange, un appui conseil, la formation en leadership féminin et la protection de l’environnement.
Lors de l’étude- diagnostic réalisée par L’AOPP pour comprendre la structuration de la chaîne de valeur soumbala dans la commune de Farakala, 8 catégories d’acteurs de la chaîne ont pu être identifiés, parmi lesquels, nous avons : les collecteurs, les institutions de financements, les transformateurs, les emballagistes, les commerçants, les transporteurs. Ceux-ci sont en relation directs dans la valorisation du Soumbala dans la zone.
La pyramide des acteurs de la chaine de valeur Soumbala à Farakala
Organisation de l’union autour du marketing collectif du SOUMBALA
La collecte des graines de néré
Dans le cadre de la production de Soumbala, la collecte des graines de néré constitue la première chose à faire. Elle se fait en tenant compte de plusieurs facteurs dont la qualité des graines qui doit être irréprochable pour un produit de qualité. Un dispositif établi a permis à l’union de suivre correctement cette partie du travail qui conduira à la transformation ou production de Soumbala.
Le dispositif de collecte mis en place ce traduit comme suit :
Entretien entre le président et le secrétaire de l’union pour la fixation d’une date de la préparation de la campagne
Envoi de lettres d’invitation aux représentants membres des coordinations villageoises, pour la tenue d’une AG
Assemblée Générale pour Organisation et planification de la campagne de collecte et commercialisation de Soumbala
Restitution de l’AG au niveau des coordinations villageoises
Les fruits de néré à maturité, une réunion des chefs de villages et des chefs de chasseurs permet de donner le feu vert à la population pour la cueillette
Cueillette individuelle des produits par les ménages et vente des graines de néré auprès des relais
Collecte et achat des produits (graines de néré) au niveau village par les relais
Acheminement et stockage, par les relais, des produits (graines décortiqués) au centre de transformation l’union de Farakala.
Vérification des quantités et triage des graines
Mise en place des commissions de travail au sein des coordinations villageoises de l’union, pour le démarrage de la production de Soumbala
Rencontre de planification des activités de transformation et production de Soumbala avec les commissions de travail
La commercialisation et le marketing collectif du soumbala
Pour permettre la réussite des activités de commercialisation des PFNL, après transformation du néré et production de Soumbala, l’union adopte le système de vente groupée. Pour faciliter l’organisation de cette pratique, une commission de vente a été mise en place. Elle s’occupe totalement des aspects liés au marketing collectif y compris le calcul des charges et la fixation des prix.
Stratégie de marketing collectif du soumbala.
Le partenariat, une stratégie pour renforcer les capacités de l’Union
Pour atteindre les objectifs qu’elle s’est assignés, la stratégie adoptée par l’union féminine de Farakala a été de développer des relations partenariales avec des structures d’appui. Ce partenariat a permis de renforcer les capacités techniques et organisationnelles de l’union.
Tableau synoptique de l’évolution du partenariat au sein de l’union des femmes de la commune de Farakala
Des résultats satisfaisants
Tableau : Dépenses annuelles pour l’achat de graines de néré
Source : AOPP
Tableau : Recettes annuelles générées par la vente de soumbala
Source : AOPP
Entre 2008 et 2011, l’union a réalisé un bénéfice net de 23 377 500 FCFA issu de la vente de soumbala. Cette forte mage bénéficiaire est liée à la hausse régulière du prix de vente du kilogramme de soumbala qui triple parfois le prix d’achat des graines de néré (1500FCFA : prix de vente du Kg de soumbala en 2011 contre 550FCFA pour le prix d’achat du Kg de graines).
Il faut toutefois signaler que la production de soumbala connait une baisse régulière depuis 2008. De 7359KG de soumbala produit en 2008, l’Union n’a produit que 1996 Kg de soumbala en 2011. Cette baisse s’explique par la sécheresse qui décime les pieds de néré. Cela a joué sur la disponibilité des graines de néré pour la production de soumbala.
En outre, le marché est envahi par des substituts de soumbala tels que les bouillons en poudre.
Une gestion concertée des produits forestiers non ligneux (PFNL) au niveau communale
De façon générale, les PF de cette commune sont gérés par les ménages agricoles et les commissions de travail de l’union en se référant sur une convention collective établie en consensus avec la mairie.
Une équipe constituée de cinq (5) personnes à été mise sur pied (un représentant pour chacune des entités suivantes : Eaux et forêts, Mairie, Union des femmes, Coopérative agropastorale, Conservation de la nature), veillant sur la bonne gestion des ressources et produits forestiers non ligneux (PFNL).
Pour chaque campagne agricole, la dite équipe réalise une mission d’échange et de supervision ; il s’agit principalement de :
Sensibiliser les populations rurales de la commune de Farakala sur l’importance des produits forestiers non ligneux (PFNL) dans le cadre du développement communale,
De la nécessité de protéger les produits forestiers non ligneux (PFNL) avec les avantages qu’ils peuvent apportés à la population et aux organisations agricoles.
Source : Association des Organisations Professionnelles Paysannes (AOPP)
Mali
Membre de la Coordination Nationale des Organisations Paysannes du Mali (CNOP)