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La contractualisation : un moyen pour promouvoir l’agrobiologie et asseoir un développement agricole durable

Afin d’asseoir un circuit de commercialisation propre à la production biologique dans la région de Thiès au Sénégal, d’insérer les femmes rurales productrices de Bio dans un circuit commercial sécurisé et rentable, de développer un commerce équitable par le biais d’un partenariat ville/campagne et de préserver durablement la biodiversité, l’ONG Agrécol Afrique a mis en place un système de contractualisation innovant mettant en relation producteurs bio et opérateurs de marché.
Cette initiative a donné un coup de fouet à la production Bio et facilité l’accès au marché aux producteurs qui tirent une plus grande valeur ajoutée de leurs productions.

Objectifs de la contractualisation

Dans la région de Thiès au Sénégal, l’agriculture biologique est de plus en plus reconnue par les producteurs comme la solution durable au développement agricole.
Toutefois l’absence de visibilité et de promotion des produits Bio au niveau des marchés, le déficit organisationnel et la présence massive d’intermédiaires qui définissent les lois du marché constituent de réelles contraintes au développement de l’agrobiologie.

L’objectif de ce projet développé et mis en œuvre par L’ONG AGRECOL Afrique est de contribuer à l’amélioration de la sécurité alimentaire et la préservation de l’agrobiodiversité à travers le développement de relations saines et équilibrées entre producteurs et opérateurs de marché. Concrètement il s’agit de promouvoir les techniques agro écologiques et biologiques à travers la contractualisation entre producteurs et opérateurs de marché et surtout de faciliter l’écoulement des produits bio à travers un système de commercialisation innovant.

Les étapes de la contractualisation

Le processus de contractualisation se décline en trois étapes :
- Identification de l’opérateur de marché et des organisations de producteurs. Dans le cadre du projet, l’opérateur de marché est le REFABEC (réseau des femmes en agriculture biologique et en commerce équitable) ; la COPABEN est l’organisation qui assure la production. Ces deux structures qui entrent en partenariat, partagent la même vision et s’activent dans les mêmes secteurs. C’est important car cela permet plus de convergence par rapport à l’activité.
- Les deux structures discutent des clauses du contrat (prix, calibre des produits, modalités d’acheminement des produits et modalités de paiement…).
- Etablissement d’un contrat tripartite entre COPABEN, REFABEC ET AGRECOL.

L’ONG AGRECOL joue le rôle de facilitateur. Son rôle est de garantir le caractère bio du produit. Elle appuie les deux structures à rédiger le contrat et joue le rôle d’arbitre en cas de conflit.

La COPABEN et le REFABEC ont une relation commerciale. La COPABEN peut aussi vendre directement aux consommateurs. Le REFABEC aussi une fois qu’il acquiert les produits bio, les achemine vers ses différents marchés à Thiès ou dans ses différentes unités commerciales pour écouler le produit.
L’avantage d’un tel dispositif est qu’il limite l’emprise des intermédiaires qui souvent font gonfler les prix ce qui rend les produits souvent inaccessibles.
Dans les contrats, il faut un cahier de charge clair (outil important entre l’opérateur de marché et le producteur) : il faut les clauses suivantes : ne pas appliquer des engrais chimiques ; produire sa propre semence ; faire de la rotation ; préserver les ressources naturelles.

Résultats : renforcement de la production Bio et professionnalisation des acteurs

Les principaux résultats sont une intensification de la production dans les zones d’intervention du projet. 250.40 Tonnes de produits (oignon) ont été produits dans les différentes zones d’intervention avec 473 bénéficiaires pour une superficie de 27.78 ha emblavées pour la production bio.

Dans le plan stratégique de l’ONG AGRECOL, il est prévu de quintupler cette capacité de production, ce qui nécessairement va exiger de mettre en place un ensemble de dispositifs.

Grâce au projet, les producteurs prennent de plus en plus conscience de l’importance de la diversité biologique dans l’amélioration de la production et la santé des sols.

De meilleurs produits sont mis sur le marché à des prix abordables (la qualité des produits est discutée en amont entre les différentes parties).
Il y a aujourd’hui une plus grande disponibilité du produit sur le circuit de distribution Bio.

Avant la grande difficulté des consommateurs Bio était de ne pas pouvoir différencier les produits Bio des produits de l’agriculture conventionnelle sur le marché. Avec la mise en place de ce système et de la mise en place du marché du REFABEC le consommateur sait désormais où aller pour trouver les produits Bio.

75% de la production est écoulée sous contrat (le paysan avant même de produire est assuré de trouver un débouché pour son produit). La production est programmée par rapport aux besoins du marché. Ce qui conduit à une planification plus importante dans le travail.

L’initiative de l’ONG Agrécol a favorisé une amélioration de la biodiversité dans les fermes de production grâce à l’utilisation d’intrants qui favorise une préservation durable des ressources naturelles (engrais naturels) et la production de semences locales.

Campagnes2011-20122012-20132013-2014
Nbre de bénéficiaires 118 228 473
Superficies emblavées (ha) 12 19 27,78
Production oignon (tonnes) 125,18 156,70 250,40

Quelques leçons tirées de l’expérience

- l’incitation économique est un moyen efficace de promouvoir les technologies de préservation de l’agrobiodiversité
- elle conduit vers une plus grande professionnalisation du secteur
- planification plus importante dans le travail
- clientèle fidélisée
- focalisation sur le travail parce assurance de vendre. Il y a production par rapport aux besoins du marché
- Les gens, s’ils ne sont pas informés des vertus des produits Bio, ne pourront pas les acheter. Il y a un déficit de communication criard sur le Bio qu’il faut résorber.
- Il est rare de voir des producteurs qui avant d’aller à la production, planifient leur production. AGRECOL est arrivé à faire en sorte que les paysans planifient leur production systématiquement. C’est un acquis fondamental qu’il faut consolider et mettre à l’échelle.

Témoignage : Amy Dione, productrice maraîchère

‘Je suis confiante pour mon avenir, je vois loin maintenant ‘

Je me nomme Amy Dione, j’ai 50 ans, mariée, mère de 7 enfants. J’habite à Keur Matouré Gning, village situé à moins de 20 km de Thiès.
Ce village est composé majoritairement de Wolofs qui vivent en harmonie avec des Sarakholés et des Peulhs. Nous sommes tous des musulmans avec une forte présence de mourides et quelques tidianes. Dans notre village, nous nous activons dans l’agriculture, le commerce. Les jeunes du village sont des maçons où chauffeurs dans les grandes villes.

Moi Amy, je suis femme de ménage, je fais le petit commerce et je pratique l’agriculture. Je dispose d’un champ que mon mari m’a offert. Il n’est pas éloigné du village et fait à peu près 1ha. Je cultive dans mon champ des céréales pendant l’hivernage avec l’appui de mes enfants.
Pendant la saison sèche, les femmes du village, à part les activités du secteur informel, ne faisaient pratiquement rien sinon s’occuper de la maison. Cette situation nous fragilisait beaucoup car elle ne nous permettait pas de participer aux charges de la famille. Notre situation était gênante durant ces quelques 5 mois.

Cependant, à travers le maraichage que nous pratiquons grâce à l’appui de l’ONG AGRECOL Afrique, je travaille toute l’année. En effet, je dispose de 9 planches sur lesquelles je cultive de la tomate, de l’oignon, de la laitue, du concombre, du piment.

Le maraichage est une activité rentable à tous les niveaux. Il m’a permis de participer aux dépenses quotidiennes de la famille, soit en condiments ou en argent. Je ne consomme pas seule les légumes obtenues dans mes planches, j’en distribue une partie à mes voisines. A l’ campagne d’oignon passée, j’ai gagné plus de 50 000FCFA à travers la vente de l’oignon. Cet argent est réinvesti dans la famille et surtout dans la scolarité de mes enfants qui sont au collège.

Les différentes formations reçues sur l’agriculture biologique et l’expérience que je suis en train de vivre dans mon activité m’ont permis d’être plus consciente de l’importance de l’utilisation d’intrants biologiques dans l’agriculture et du danger des pesticides chimiques sur la santé. Sur le plan même de la saveur, les légumes issues de l’agriculture bio sont plus appétissantes que celles de l’agriculture conventionnelle. Même mon époux m’en a fait la remarque.

A Keur Matouré GNING, nous travaillons tous ensembles dans un bloc dans lequel chaque femme possède ses planches. Cette cohabitation a pacifié nos rapports et nous échangions beaucoup sous le grand manguier qui se trouve dans le bloc. C’est ainsi que l’on est parvenu à régler bon nombre de conflits entre les femmes du village. Maintenant, nos groupements sont plus fonctionnels et nous travaillons plus et prenons beaucoup d’initiatives sous ce grand arbre.
Maintenant, je suis plus confiante pour mon avenir et pour celui de toutes les femmes du village !!!

Propos recueillis par Abdoulaye DRAME, Chargé de Programmes ONG AGRECOL Afrique

Abdoulaye DRAME

Sociologue-Ingénieur en GP