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Bénin, pour lutter contre les espèces envahissantes, le Centre ACED initie le compostage aérobie à partir de la jacinthe d’eau
Lac Nokoué, considéré comme le plus productif d’Afrique de l’Ouest, est fortement envahi par la jacinthe d’eau (Eichhornia crassipes), au point de recouvrir la quasi totalité de sa surface en période de crue. Cette plante considérée comme l’une des espèces les plus invasives au monde y prolifère dangereusement obstruant les voies de communication et paralysant ainsi les activités économiques de la région. Pour faire face à cette situation, le Centre d’Actions pour l’Environnement et le Développement Durable (ACED) a initié la « lutte par l’usage » à travers le compostage de la jacinthe pour fertiliser les terres agricoles.
En Afrique de l’Ouest, le changement climatique a provoqué une diminution
annuelle de près de 40 à 60% du flux des grandes rivières favorisant la
propagation de la jacinthe d’eau.
Au Bénin, au niveau du lac Nokoué, la présence de la jacinthe provoque une très forte eutrophisation du milieu et une anoxie fatale aux ressources halieutiques dont dépendent plus de 150 espèces d’oiseaux et une grande partie de l’économie de la région. Si elle pompe les nitrates excédentaires de l’eau, elle s’oppose par contre à la désinfection naturelle de l’eau par les UV dans un lac déjà très impacté par les déchets fécaux générés par la cité
lacustre de Ganvié et dégage de fortes émissions de méthane lorsqu’elle se
décompose dans les sédiments lacustres.
Face à ce constat, Le Centre d’Actions pour l’Environnement et le développement Durable (ACED), en partenariat avec l’association GEVALOR en France, a considéré ce problème comme une opportunité pour valoriser la jacinthe d’eau à travers le compostage en aérobiose.
Une telle intervention a permis à la fois de lutter contre l’espèce invasive tout en procurant un revenu aux populations.
Il s’agissait :
de développer le ramassage de la jacinthe d’eau par les riverains en mettant
en place une filière économique de valorisation durable des jacinthes.
Le ramassage est en effet coûteux et bien qu’il soit nécessaire aux activités
de pêche, les revenus tirés de la pêche ne sont pas suffisamment incitatifs
pour permettre une lutte effective contre la jacinthe ;
de valoriser la jacinthe à travers le compostage en aérobiose qui intéresse
davantage les communautés agricoles locales qui transforment ainsi un problème en opportunité. De plus, la transformation des jacinthes en aérobiose
évite l’émission de gaz à effet de serre, et une valorisation financière de ces réductions d’émissions est envisageable sur le marché volontaire.
Pour cela, il fallait :
valoriser la jacinthe d’eau à travers le compostage en aérobiose : Il s’est agi
de mettre en place et de soutenir un réseau de valorisation de la jacinthe
d’eau par l’appui aux groupements de producteurs maraîchers dans le
ramassage, le compostage de la jacinthe d’eau et la commercialisation
des produits (compost et produits maraîchers) ;
valoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre induite par le
projet sur le marché du carbone : Il s’agit d’élaborer une méthodologie de
calcul des réductions d’émissions de gaz à effet de serre par le compostage
des jacinthes en aérobiose et de la présenter au Gold Standard.
Des communautés au cœur du dispositif
L’approche de mise en œuvre de cette initiative met les communautés agricoles
locales au centre du processus. Ainsi, une analyse participative de la problématique de la jacinthe d’eau a été initiée avec ces dernières afin de clarifier les défis, identifier les opportunités et planifier l’intervention
dans une perspective d’appropriation locale.
Ensuite, une formation des groupements de maraîchers sur le processus de compostage aérobie de la jacinthe a été réalisée, et les groupements ont été renforcés en équipements nécessaires au ramassage et au compostage de la jacinthe d’eau.
Historiquement, les producteurs de Sô-Ava avaient déjà connaissance de l’utilité de la jacinthe d’eau et l’étalaient entre les billons afin de préserver l’humidité du sol. Mais, ils ignoraient la possibilité de la transformer en fertilisant organique jusqu’à l’arrivée du projet initié par le centre ACED.
L’activité de transformation de la jacinthe d’eau en compost est une innovation à double finalité : elle participe à la préservation de l’environnement et permet d’améliorer la productivité des surfaces agricoles utilisées pour le maraîchage.
Témoignages d’un producteur maraicher ayant produit et utilisé le compost issu de la jacinthe d’eau
Depuis toujours, la jacinthe d’eau (togblé en langue locale fon) a toujours été pour nous un problème dans notre village. Elle nous empêche de circuler librement et d’aller vendre nos produits agricoles aux marchés. Du coup, les produits pourrissent et nos dettes s’élargissent parce que nous empruntons de l’argent pour pouvoir produire sans difficultés. Même, à part nous les producteurs maraîchers, les autres acteurs du village à savoir les pêcheurs, les femmes transformatrices sont bloqués dans leurs activités. Ainsi, avec l’aide du
chef village, tout le monde se réunit périodiquement (peut-être 3 fois l’an) pour arracher la jacinthe et dégager les voies de circulation surtout dans les périodes de forte prolifération. Par moment aussi, nous les producteurs maraîchers essayions de ramasser les jacinthes et de les étaler entre
les billons pour conserver l’humidité du sol pour nos cultures. C’est avec
l’appui du centre ACED que nous avons commencé à composter la jacinthe et
à l’utiliser dans nos champs.Au début, nous étions un peu réticents quant à son efficacité. Mais, depuis
que nous avons récolté des planches sur lesquelles nous avons utilisé ce
compost, ce dernier ne nous suffit plus. Les rendements sont meilleurs et nous économisons beaucoup sur les dépenses que nous effectuions pour l’achat d’intrants chimiques. De plus, ACED nous a aidés à identifier beaucoup d’autres maraîchers dans d’autres localités qui avaient aussi besoin d’intrants pour produire. Ce faisant, nous souhaitons intensifier la production du compost pour le vendre à ces maraîchers afin d’augmenter nos revenus et améliorer nos conditions de vie.Hounglé, Producteur maraîcher de Sôava, Bénin.
Changements apportés par l’innovation
Intéressés par la production de compost, les maraîchers ont intensifié l’arrachage de la jacinthe sur le lac, ce qui contribue à réduire son emprise et ses effets négatifs sur l’environnement et les activités socioéconomiques. Cela améliore nettement les conditions de navigation et pourra avoir à terme un effet sur la reconstitution des stocks halieutiques.
La production et l’utilisation du compost à base de jacinthe, ont connu une
appropriation et une réplication au delà des attentes du projet. En un peu
plus d’un an, 1.758 Tonnes de jacinthe ont été ramassées et 1.034 tonnes de
compost ont été fabriquées et utilisées sur les périmètres maraîchers de la région.
Les maraîchers produisent d’abord du compost pour leurs propres cultures :
cet amendement organique de qualité leur a permis d’obtenir de meilleurs
rendements et d’abandonner l’usage des fertilisants chimiques. De plus, les suivis sur le terrain ont permis de constater que les groupements de maraîchers ont étendu leurs superficies en raison de la disponibilité du fertilisant et d’autres producteurs non impliqués à l’origine ont adopté ce compost, s’inscrivant dans une dynamique d’agriculture biologique.
Les maraîchers souhaitent développer la production de compost dans la perspective de le vendre ; des débouchés viables ayant été identifiés.
Dans le but d’étudier la commercialisation, un business-plan a été élaboré. Il s’avère que le sac de 50 kg de compost vendu autour du prix de 1500 F CFA serait non seulement plus compétitif que les engrais chimiques, mais également plus que le compost issu de déchets ménagers et vendu aux producteurs périurbains de Cotonou, lui assurant des débouchés
certains.
En outre ACED et GEVALOR développent une méthodologie d’évaluation des
émissions de gaz à effet de serre évitées par le compostage aérobie des jacinthes. Cette méthodologie est la première dans son genre dans le monde entier.
Leçons apprises…
Cette expérience de lutte par l’usage de la jacinthe d’eau pour le compostage a
permis de comprendre deux choses :
les cultures maraîchères demandent une quantité considérable de compost
(environ 10 tonnes par hectare) pour garantir une productivité optimale. La
plupart de ces cultures ayant également des cycles courts, la demande de
compost est relativement élevée et la production devra suivre la demande.
les débouchés possibles auprès des producteurs périurbains de Cotonou
nécessitent qu’un accent soit mis sur l’amélioration de la qualité et la disponibilité du produit ainsi que sur la mise en place d’un système de distribution efficace (stockage, points de vente, vendeurs en gros et détaillants, etc.).
Fréjus Thoto,
Centre d’Actions pour l’Environnement et le Développement
Durable (ACED)
Email : f.thoto@aced-benin.org)
Donald Houessou
Centre d’Actions pour l’Environnement et le Développement
Durable (ACED)
Lien web : http://www.aced-benin.org