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Niger-Burkina Faso : pour une compétitivité de la filière niébé

L’initiative dite « Cadre intégré » a démarré en 1997 au Niger. Elle est l’œuvre de la Banque Mondiale, de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), du Centre du Commerce International (CCI), du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), du Fonds Monétaire International (FMI). Les partenaires au développement bilatéraux et multilatéraux s’y sont associés pour répondre aux besoins des Pays les moins avancés (PMA) en matière de développement du commerce. Le projet doit aider ces pays à accroître leurs capacités à s’intégrer dans le système commercial multilatéral, notamment par l’augmentation de l’offre des produits nationaux comme le niébé sur les marchés internationaux.

A la demande du gouvernement nigérien, une « Etude diagnostic pour l’intégration commerciale (EDIC) » a été élaborée. En termes d’agriculture et de sylviculture, l’étude propose cinq filières prioritaires : l’oignon, le niébé, le sésame, le souchet et la gomme arabique. Avec 84 millions $US, l’oignon représente la moitié de la valeur des exportations de ces cinq filières ; le niébé (à 68 millions $US) compte pour encore 30 à 40 %. Les trois autres filières sont petites mais recèlent un fort potentiel d’expansion (notamment le sésame). Les deux filières de l’oignon et du niébé offrent aussi le meilleur potentiel de croissance en termes de recettes d’exportation et de revenus. On estime le potentiel d’exportation annuelle de l’oignon d’ici dix ans à 264 millions $US.

Situation du niébé nigérien

Le Niger est l’un des grands producteurs de niébé de l’Afrique de l’Ouest. Sa production vient derrière celle du Nigeria qui produit 75% du total de l’Afrique de l’Ouest. La production a augmenté de façon assez spectaculaire depuis l’indépendance, notamment dans les années 70, quand la subvention à la production d’arachide a été supprimée. Il y a une très forte variabilité de la production d’une année sur l’autre du fait surtout des fluctuations du volume des précipitations. Cette expansion de la production a largement résulté d’une expansion de la superficie cultivée car les rendements sont restés assez stables.

Le niébé a remplacé dans une large mesure l’arachide comme culture de rente, mais hélas, cette filière dispose de canaux de distribution beaucoup moins organisés. Comme la consommation de niébé par habitant est traditionnellement assez faible au Niger, On estime que de 50 à 75 % de la production de niébé du Niger est exportée mais surtout dans le cadre d’un négoce informel qui n’apparaît pas significativement dans les statistiques d’exportation du pays.
Les rendements moyens estimés du niébé en zone aride ont été, au cours des 11 dernières années, de 136 kilos de haricots par hectare. A quoi il faut ajouter des quantités importantes de fanes qui constituent peut-être le fourrage le plus apprécié pendant la saison sèche au Niger.

Deux grandes variétés sont cultivées : les haricots blancs (avec une forte préférence pour les plus gros dans les canaux d’exportation) et les rouges. Les blancs sont plus appréciés sur les marchés d’exportation du Niger, alors que les rouges sont souvent utilisés au Niger au petit déjeuner, dans l’alimentation des enfants et ont une plus forte teneur en sucre (ils sont également appréciés sur des marchés de niche, au sud du Nigeria). La consommation nationale de niébé a augmenté au Niger et est maintenant plus acceptée dans les familles à revenu intermédiaire et supérieur.

Le stockage du niébé reste un problème bien qu’il existe un certain nombre de méthodes largement connues.
La préparation du niébé se fait largement dans les foyers, mais il y a divers efforts en cours – tant traditionnels que par des chercheurs en agroalimentaire – pour produire un couscous à cuisson rapide. Ces efforts sont probablement appelés à se développer.
Pour développer la filière
Le Niger a besoin d’un projet pilote pour augmenter les rendements du niébé et changer les pratiques culturales. Il faudra encourager le cultivateur à se mettre progressivement à produire le niébé pour lui-même (et non comme une culture intercalaire), en sélectionnant des variétés à haut rendement, et surtout, en luttant contre les insectes au moyen de programmes de pulvérisation chimique dans le cadre d’une gestion intégrée des pesticides (GIP).

Le but de la GIP est d’utiliser le minimum absolu de pesticides (pour des raisons tant économiques que sanitaires) et d’obtenir une forte augmentation du rendement. On estime que les rendements peuvent être à peu près quintuplés avec les variétés existantes (passage de 200 à 1000 kg à l’hectare). Cela engagera un processus de transformation structurelle dans lequel les cultivateurs commenceront à considérer le niébé destiné à l’exportation comme une culture de rente fondamentale. Le faire dans le cadre d’un projet pilote de cinq ans donnerait le temps voulu pour tester sur le terrain la faisabilité de la stratégie.

Il y a un arbitrage entre la production de haricots et celle de foin. L’obtention d’un haut rendement en haricots peut signifier une diminution de la production de foin. La solution envisagée pour maintenir les deux marchés serait de promouvoir la séparation de la production des variétés de niébé à fort rendement en fourrage là où le rendement en haricots est d’importance secondaire. Pendant ce programme pilote, on pourra également élaborer des mesures destinées à améliorer la commercialisation du produit et l’offre d’intrants.
Par ailleurs, il est nécessaire de renforcer la production et la distribution de semences. Le système actuel de développement des semences, la multiplication et la distribution aux cultivateurs doivent être renforcés. Il faut réaliser un diagnostic approfondi de cette partie de la filière et accorder des financements pour améliorer les systèmes de recherche et de distribution d’intrants pour que les cultivateurs aient les bonnes semences, à des prix raisonnables.

De plus, les efforts ponctuels et divers projets, à la fois au Niger et dans la sous-région, ont montré la valeur potentielle de bons systèmes d’information pour développer les exportations du niébé, comme celles des autres cultures. Cela doit faire partie de tout projet visant à promouvoir l’exportation du niébé. Le soutien devrait comporter les actions suivantes (dans l’idéal co-financées par les négociants et les exportateurs de niébé) :
• Études de marché (probablement les cinq pays visés : du Nigeria à la Côte d’Ivoire), réalisées avec l’active participation des négociants et exportateurs. Les objectifs devraient être la description des caractéristiques communes et des spécificités de ces marchés nationaux, les principales places de marché et l’identification des problèmes précis de commercialisation ;
• Élaborer des stratégies d’exportation par pays, axées sur la résolution des problèmes et les possibilités d’investissement particulières ;
• Élaboration d’un système d’information des marchés contrôlé par les commerçants, (semblable à celui utilisé par un projet pour les céréales au Burkina Faso) qui fournirait un certain nombre d’informations individuelles détaillées aux négociants, tandis qu’il serait mis à la disposition des pouvoirs publics et des autres parties intéressées des informations générales.

Promouvoir les plats à base de niébé

Ensuite, il faudra étudier les flux de niébé du Niger réexportés par des négociants nigérians. Les acteurs de la filière ont découvert que le niébé du Niger était réexporté par le Nigeria vers l’Afrique du Sud et d’autres destinations. Cela doit être étudié de plus près pour voir si ces exportations ne pourraient pas être organisées directement par le Niger, en passant par Cotonou ou Lomé, par exemple.

Plus généralement, il s’agit de consacrer des moyens à l’étude des marchés potentiels du niébé à l’extérieur des cinq pays côtiers de la sous-région qui sont jusqu’ici visés par les efforts commerciaux.
Enfin, le soutien au développement d’un couscous à base de niébé et d’autres transformations possibles doit être poursuivi. Les modes de consommation alimentaire sont en permanente évolution au Niger, notamment dans les zones urbaines, poussés largement par la recherche de solutions acceptables pour préparer le repas rapide, notamment à midi, que le repas soit pris à l’extérieur ou au foyer. Le riz et le manioc « gari » importé continuent à gagner des parts de marché et la consommation de niébé (sous diverses formes et préparations) a augmenté.

L’expérience du Béroua de la coopérative de femmes de Tegone et la poursuite du travail de développement d’un couscous à base de niébé par le Laboratoire de Technologie Alimentaire de l’INRAN, méritent qu’on poursuive leur soutien financier. On pourrait compléter ces efforts par une étude fine des habitudes et préférences de consommation du niébé. Son voisin burkinabé est également en train de promouvoir cette légumineuse.

Contraintes de la filière au Burkina Faso

Le Réseau MARP Burkina a bénéficié, en partenariat avec Christian Aid, d’un financement de l’Union Européenne pour la mise en œuvre d’un programme dénommé « Programme Post-inondation d’Appui à la Sécurité Alimentaire (PPASA) ». Ce programme intègre dans sa stratégie opérationnelle une approche filière. Cette stratégie a abouti à l’identification de filières porteuses dont le niébé. En effet, la province du Zondoma apparaît aujourd’hui comme une zone de production par excellence de cette céréale.

Cependant, les acteurs de la filière font face à de nombreuses contraintes limitant ainsi une véritable promotion de la filière niébé. Conscient de cet état de fait, le Réseau MARP, avait prévu d’organiser dans le cadre de la tenue de la journée des producteurs du Zondoma, en collaboration avec Africare et les unions provinciales des producteurs du Zondoma, un forum de réflexion sur les contraintes liées à la filière niébé.

L’objectif global de ce forum était de créer un cadre d’échanges entre les acteurs autour de la problématique de la promotion de la filière niébé dans le Zondoma. Cependant, des difficultés ne manquaient pas. Les contraintes de la filière niébé évoquées par les communicateurs et sur la base des travaux de diagnostic effectuées par Drabo Issa, en 2002, se résumaient au fait que la production est assurée par de petits producteurs qui le cultivent avec d’autres céréales, avec des rendements faibles (200 à 250kg/ha). Cependant, on enregistre depuis un certain nombre d’années l’émergence d’une production orientée vers le marché avec des rendements importants (800 à 1200 kg/ha).

MARP Burkina Faso

Réseau National des Chambres d’Agriculture du Niger
http://www.reca-niger.org/spip.php?article281
Publié le dimanche 27 février 2011