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L’ entrepreunariat agricole des jeunes au Cameroun : Brice Lekane, un exemple réussi
Au Cameroun, le jeune Brice Lekane s’est investi avec de modestes moyens dans l’apiculture. Les premières productions autorisent l’espoir. En outre, grâce à un volet formation et accompagnement, l’expérience est en train d’essaimer au niveau local, en plus des emplois déjà créés.
L’Afrique au Sud du Sahara connait sans aucun doute une progression démographique importante, marquée essentiellement par une grande proportion de jeunes. Cela a comme conséquence une tension sociale un peu partout et le mouvement n’est pas encore prêt à s’estomper. Plusieurs pays ont mis en place, de façon relativement tardive, des programmes de résorption du chômage qui constitue pour cette jeunesse le véritable cauchemar.
Les risques potentiels ou réels des mouvements et tensions sociopolitiques se radicalisent un peu partout sur le continent, alimentés essentiellement par une jeunesse frustrée de son rêve de bonheur. L’autre frange continue à alimenter les médias « faits divers » avec son cortège de noyés dans leur tentative de trouver une meilleure vie en Occident. Et si la noyade s’était faite bien avant ! C’est comme si cette jeunesse était déjà noyée, par une atmosphère délétère, suffocante et inhibitrice des rêves et espérances.
Du moins, il s’agit de la version des « aventuriers » ou des candidats. Dans les pays aux tissus industriels peu performants, et dont les politiques économiques sont sous des logiques difficilement soutenables, car massivement confectionnées loin des réalités, il ne manque pourtant pas de secteurs à conquérir. Un travail n’a de sens que s’il est « décent » selon les standards du Bureau International du Travail. Et du coup, les entreprises de l’informel, réceptacle définitif ou passager des milliers de jeunes citadins ou ruraux, dénotent par leur inorganisation le mal-être et le mal rêve.
Pourtant, le secteur agroalimentaire, en Afrique en particulier, offre des boulevards pour nourrir le monde. La majorité des terres agricoles encore inexploitée se trouve en Afrique. Là aussi se dessine une des plus gros drames contemporains : la malnutrition. Et pire : la dépendance alimentaire.
L’ agriculture comme un risque utile
Malgré les discours et leur inconsistance, vu sous l’angle pratique (nous avons évoqué largement ces points dans une parution de la revue AGRIDAPE pour le cas de la riziculture), l’offre reste ouverte et généreuse. Si pendant longtemps, l’exode rural et puis l’absence des politiques agricoles ont vidé les campagnes. Une certaine conscience récente semble placer des espoirs dans l’agro-entrepreneuriat.
Certes encore timidement, car dans beaucoup de pays, l’agriculture « médiatisée » est celle des cultures de rente, spoliatrices des terres et des énergies et avilissantes pour les ouvriers et leurs familles. Une telle agriculture externalisée est celle qui est visible et documentée. Pourtant, il y a des opportunités.
En effet, la force de la jeunesse et les nouveautés technologiques peuvent constituer des ressources immenses pour la transformation agricole. Et c’est un défi pour les politiques. Mais il y a des jeunes qui ne se trompent pas dans leur choix. C’est le cas de Brice Lekane. Celui-ci a installé un rucher dans des parcelles de son village, Foreke-Dschang. Le nombre devrait croitre pour avoir un impact.
S’ investir dans la formation
Quand Brice Lekane, jeune bachelier, a décidé de se présenter au concours pour intégrer la Faculté d’agronomie et des sciences agricoles (FASA) il y a cinq ans, il ne rêvait pas seulement avoir un « diplôme » ou un titre de prestige. Pour échapper aux risques de déperdition de temps et des énergies chez les apprenants en fin de diplomation, certains établissements (dont la FASA) ont misé sur un programme de stages réguliers, mettant en contact les étudiants et le milieu socioprofessionnel.
Si la recherche des postes de « fonctionnaires » reste la mode, de plus en plus de jeunes futurs cadrent optent entreprendre et devenir, à très brève échéance, des employeurs authentiques au-delà de la production des biens et richesses dans le secteur agricole. C’est le choix fait par l’élève-Ingénieur Agronome Zootechnicien, Brice Lekane, en troisième année de sa formation. Une option qu’il va orienter vers l’élevage des abeilles, à la suite d’un cours technique sur la matière et les pratiques professionnelles, intégrant la réalisation d’un projet par binôme dans le campus.
Apiculture et services environnementaux
Au cours du stage de 4èmeannée, le jeune étudiant se frottera pendant deux mois à une entreprise apicole établie dans les environs de la capitale Yaoundé, soit près de 500km de sa zone de résidence. Mettant à profit la richesse de l’expérience des professionnels et sa curiosité scientifique, il découvrira l’apiculture, ses ressources et ses retombées.
La demande des produits de la ruche (miel, propolis, gelée royale, pollen, cire…) explose. Quand il sonde le marché, son constat est invariable : l’apiculture est un domaine de rêve au sens propre. S’appuyant sur ses connaissances théoriques et les informations de première main, il se rendra compte que l’abeille et les autres insectes pollinisateurs sont au cœur de l’équilibre de la diversité biologique. Un peu plus qu’il n’a espéré, savoir allier une activité rentable à la préservation de l’environnement.
En essayant quelques ruches dans le campus, puis dans son village voisin de Dschang, et en contact permanent avec les apiculteurs, il va se rendre compte qu’au-delà des biens économiques et des services environnementaux, il peut investir un autre service rentable, négligé et incontournable : la reproduction des colonies d’abeilles.
Producteur, ingénieur et formateur
C’est donc avec passion que le futur Ingénieur a opté étudier les mécanismes et conditions de réussite de la multiplication artificielle des colonies d’abeilles, après avoir évalué les besoins auprès des ruchers dans une région pilote. Ses connaissances nouvelles lui ont permis, aujourd’hui, de lancer sa production de miel et d’exercer ses capacités d’ Ingénieur dans ce domaine, en usant de ses capacités d’analyse et de conception des solutions, tout en perfectionnant maintenant ses possibilités de formateur.
En effet, les techniques de multiplication artificielles des colonies, acquises et en perfectionnement lui ouvrent désormais des sollicitations, lui assurant une plus grande sérénité dans son choix. L’établissement des jeunes dans l’agriculture durable procède de la conjonction des démarches à la fois de l’individu et des offres, y compris du coaching (accompagnement) dans son milieu. La formation et l’information en sont des clés majeures, et le contexte d’un monde globalisé devrait y contribuer sensiblement.
Emplois et production
Au début de la mise en œuvre, Brice a travaillé avec deux de ses collègues Ingénieurs. Ces derniers s’occupent du volet formation et accompagnement. Les producteurs formés au niveau local sont au nombre de 40. Il est en train de donner un peu plus de visibilité pour attirer de potentiels jeunes intéressés.
L’ensemble des ruches font 80 unités. Elles sont toutes du type amélioré, en tenant compte de ses projets et des installations en cours. Sous peu, il envisage de doubler le rucher, pour aller au-delà de plus de 100 litres de miel produit lors de la première saison. Sa production propre actuelle est encore modeste. En plus, le prix unitaire est très attrayant, autour de 2 500-3 000 F CFA le litre, avec le crédit affiché de la qualité sur un marché relativement envahi par des produits frelatés.
Les principales perspectives consistent à trouver des solutions applicables à l’officialisation et faire face aux charges régulières nombreuses d’une entreprise établie dans un environnement parfois difficile. Il a le cran nécessaire pour innover et enclencher une meilleure valorisation des produits et investir l’agro-industrie.
Dr-Ing. Félix Meutchieye
Enseignant-chercheur à l’ Université de Dschang du Cameroun
Brice LekaneMekontchou, Ing. Agronome-Zootechnicien
Département des Productions Animales
Contact :fmeutchieye@gmail.com