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Editorial : L’ agroécologie, un levier d’action pour le développement durable

Lors du sommet mondial des Nations Unies en Septembre 2015, les grands dirigeants du monde ont eu l’opportunité d’adopter 17 objectifs mondiaux pour pouvoir, d’ici 2030, (i) Mettre fin à l’extrême pauvreté, (ii) Lutter contre les inégalités et l’injustice et (iii) Régler le problème du dérèglement climatique. Ces défis mondiaux appelés « Objectifs de développement durable » (ODD) s’inscrivent dans le cadre d’un nouvel agenda post-2015 intitulé « Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ».

Ce programme tient compte des succès comme des insuffisances des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et met l’accent sur de nouveaux domaines tels que l’inégalité économique, l’innovation, le changement climatique, les modes de production et de consommation durables, la paix et la justice, etc.

Lutter contre la faim, toujours une priorité des ODD

Malgré le développement de la production et l’engagement de beaucoup d’acteurs contre la faim au 21ème siècle, elle reste… encore ! Ce problème majeur est d’ailleurs la deuxième priorité des ODD, après l’éradication de l’extrême pauvreté. En effet, le rapport 2015 de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sur « l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde », renseigne que « quelques 795 millions de personnes dans le monde n’ont pas assez de nourriture pour mener une vie active saine. C’est environ une personne sur neuf sur terre », même si des progrès notables ont réalisés sur les questions alimentaires.

L’Afrique continue d’être l’un des plus grands « hotspots » de la faim dans le monde, avec une personne sur cinq sous-alimentée. La croissance démographique et l’agriculture intensive ont réduit la disponibilité d’eau par habitant dans la région, au cours des cinq dernières décennies.

En outre, le changement climatique pourrait mettre à mal les efforts réalisés au cours de la dernière décennie. Avec 70 % des cultures en Afrique dépendant des aléas climatiques, les productions alimentaires pourraient être affectées par la variabilité climatique, s’il n’y a pas de mesures hardies relatives à la lutte contre le changement climatique (ODD 13). Et si rien n’est fait, 600 millions de personnes supplémentaires souffriront de la faim d’ici 2080, selon la FAO.

Ce n’est donc pas un hasard que l’ODD 2 vise à mettre fin à la faim, à assurer la sécurité alimentaire et l’amélioration de la nutrition, et à promouvoir une agriculture durable. Cet ODD veut assurer à tous l’accès à une nourriture suffisante et adéquate. Il veut faire chuter les statistiques du nombre de personne souffrant de la faim. Certes, cela constitue un véritable défi du siècle car la faim n’est pas qu’un problème de revenu, mais aussi de production suffisante pour les personnes qui en ont besoin.
Modes de consommation et de production responsables pour un développement durable !
Ce nouvel agenda 2030 reconnaît donc le défi auquel nous sommes confrontés et l’importance des systèmes alimentaires durables et des nouvelles façons de travailler la terre et de gérer les ressources naturelles pour construire un avenir viable pour l’humanité. La terre constitue la base d’un développement agricole durable.

Aujourd’hui, la dégradation et l’appauvrissement des sols représentent une menace mondiale, réelle et croissante dont les causes peuvent être, entre autres, l’érosion par le vent, l’eau et le labour, le compactage, la perte de matière organique du sol, la salinisation et la pollution, etc. De ce fait, l’ODD 12 met l’accent sur la promotion des modes de consommation et de production responsables et plus durables grâce à diverses mesures. Des technologies appropriées, des politiques durables et inclusives, des programmes de vulgarisation efficaces et des systèmes d’éducation solides doivent être mis en place pour « produire plus avec moins … ».

L’ agroécologie, une réponse pertinente

L’agriculture doit aujourd’hui relever un certain nombre de défis cruciaux : nourrir une population croissante et de plus en plus urbaine, lutter contre la pauvreté et les inégalités et assurer une gestion durable des ressources naturelles et de l’environnement. Nous savons maintenant qu’il existe des modèles de production agricole qui sont tout aussi efficaces mais qui utilisent des techniques plus appropriées qui réduisent l’impact environnemental et protègent la biodiversité. Il s’agit de l’agroécologie. Beaucoup d’acteurs la considèrent à juste titre comme l’une des réponses les plus pertinentes à ces défis.

En effet, l’agroécologie repose sur un ensemble de pratiques agricoles au service de la valorisation durable des ressources naturelles. Il s’agit d’un système où l’agriculteur contribue à la sécurité alimentaire et à l’amélioration de la santé des populations qu’il approvisionne. Tout en préservant les équilibres, l’agroécologie peut viser un certain niveau d’intensification pour contribuer efficacement aux enjeux alimentaires de la planète. Ses résultats se mesurent en particulier en termes de qualité nutritionnelle, sanitaire et environnementale des produits. Ils se mesurent aussi en termes de préservation du potentiel de production.

L’agroécologie est mise en œuvre à l’échelle d’un espace productif dans lequel elle aura un impact plus important sur la préservation de son agrosystème. Elle a le mérite de contribuer à l’amélioration de la productivité des activités agricoles, à sa durabilité et la préservation de la biodiversité.

Relever les défis ensemble en partant de l’existant et de ses réalités….

Face à cette situation, les acteurs s’organisent et mettent en place des initiatives qui apportent des réponses certes à petite échelle, mais appropriées et durables. Il s’agit par exemple du projet « Adaptation Togo, Durabilité et Résilience de l’Agriculture familiale dans la région des Savanes ». Il a utilisé l’approche champ-école pour atteindre une cible de 2000 familles et encourager les producteurs à changer leurs systèmes de production qui avaient fragilisé les ressources productives et conduit à la migration et au développement des emplois non agricoles dans une zone (Myriam Mackiewicz-Houngue).

Par ailleurs, le phénomène de la variabilité climatique s’impose aujourd’hui comme une réalité à laquelle nos sociétés devront s’adapter. De nombreux secteurs d’activités doivent désormais anticiper divers scénarios du futur climatique de nos environnements et développer des stratégies pour faire face aux conséquences . C’est ainsi qu’au Bénin, dans la périphérie de Parakou, les maraichers font face à des ravageurs et des infections de leurs plants par le biais d’une lutte biologique pour assurer la poursuite de leurs activités dans la zone, sans compromettre les écosystèmes et assurer une rentabilité économique (Gildas Louis Djohy).

Au Niger, une initiative appuyée par l’Agence Internationale de Coopération Japonaise (JICA) dans les régions de Maradi et Tahoua est en train de contribuer à l’ODD 6 en facilitant l’accès à l’eau et assurant une gestion durable de cette ressource. Elle a permis de réhabiliter 18 bassins de rétention d’eau de pluie. La gestion est confiée des comités locaux paysans.

Cette valorisation des eaux de pluies a contribué à l’augmentation des surfaces cultivables, cela afin d’accroitre la production agricole et réduire l’insécurité alimentaire dans les régions bénéficiaires (Abdou Assoumana). D’autres initiatives agroécologiques qui concourent à l’atteinte des ODD composent ce numéro de la revue AGRIDAPE.

Aujourd’hui, avec les pressions humaines de plus en plus fortes sur les ressources naturelles, l’agroécologie mérite une plus grande attention de la part des gouvernements, des acteurs de la société civile, des réseaux de producteurs, des chercheurs etc. Cette synergie, si jamais elle se réalise, peut participer à la définition d’un cadre politique propice à une mise à l’échelle des pratiques agroécologiques, à une sécurité alimentaire plus durable, donc à une transition vers des systèmes agricoles plus résilients contribuant à l’atteinte des ODD.