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Champs-écoles pour l’ agroécologie : pour diffuser des systèmes de production durable au Nord Togo
Dans le cadre de la mise en œuvre du « Adaptation Togo, Durabilité et Résilience de l’Agriculture familiale dans la région des Savanes », 2000 familles ont été ciblées pour un processus d’apprentissage dans des champs-écoles. Le but est d’amener les paysans à s’approprier des pratiques agroécologiques au Togo, en renforçant leurs capacités pour une production alimentaire plus responsable comme le recommande les Objectifs de développements durable.
La région des savanes constitue une des zones aux sols les plus fortement dégradés du Togo, en raison de la forte densité de population conjuguée à la fragilité de ces sols. Les pratiques agricoles ont évolué sous l’effet de l’augmentation de la densité de population, avec la disparition des jachères, le déboisement progressif, l’absence de résidus de cultures restitués aux sols (récolte, brûlis, pâturage, bois de chauffe) et la mise en culture de terrains pauvres ou dégradés.
La combinaison de ces pratiques entraîne la diminution de la couverture et de la matière organique des sols, accentue le phénomène d’érosion auquel ces terres sableuses sont sensibles et, in fine, induit une diminution des rendements.
La diminution des surfaces disponibles par actif et la baisse des rendements ont été compensées par une intensification en force de travail et en intrants ainsi que par la recherche de sources de revenu externes (migrations, emplois non agricoles). Les pratiques agricoles les plus répandues combinent actuellement un double billonnage à une utilisation importante d’engrais de synthèse.
Le maraîchage est en expansion mais avec également un recours massif aux engrais minéraux et aux pesticides, souvent d’origine et qualité douteuses, utilisés sans protection ni respect des dosages.
C’est dans ce contexte que le projet « Durabilité et Résilience de l’agriculture familiale dans la région des Savanes » a démarré en 2014, mis en œuvre par AVSF en partenariat avec l’ONG locale Recherche, Appui et Formation aux Initiatives d’Auto-développement (RAFIA), avec le soutien financier du Fond Français pour l’Environnement Mondial.
Améliorer la résilience des exploitations familiales
L’objectif est de lutter contre la dégradation des terres par le développement d’une agriculture durable du point de vue environnemental, économique et social.
Il s’agit spécifiquement de restaurer les sols et les milieux dégradés avec la mise en place de systèmes de culture résilients : diffusion de pratiques agricoles durables (compostage etc.), aménagements anti-érosifs et reboisements.
Le second objectif vise à améliorer la résilience des exploitations agricoles face aux aléas climatiques et économiques grâce à la diversification des productions : le maraîchage de contre-saison et l’élevage de volailles et petits ruminants. L’union régionale des producteurs (UROPC-S) est accompagnée pour améliorer l’écoulement des productions.
Enfin, le projet soutient la concertation régionale entre les acteurs de l’agroécologie, dont les capacités sont renforcées, et l’élaboration de références, avec, en particulier, la réalisation d’une étude sur le stockage de carbone dans les sols ,menée par l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD ) et l’ITRA (Institut Togolais de Recherche Agronomique), qui permettra de confirmer les pratiques agricoles durables adaptées localement.
Une approche participative et une démarche scientifique
Dans le but de diffuser des pratiques agricoles durables, de faire émerger et valider des innovations qui s’adaptent aux contraintes des producteurs, notamment socio-économiques, et dans le même temps de créer des références techniques pour le contexte local, des champs-écoles ont été mis en place pour des cultures d’hivernage (céréales et légumineuses) et pour du maraîchage de contre-saison.
Le champ-école, un laboratoire paysan
Le champ-école est une méthode d’apprentissage mutuel par l’action : un groupe de vingt à trente paysans issus d’un même village (dont des femmes, parfois majoritaires) se constitue, questionne les pratiques agricoles locales, met en place des essais de cultures et échange des expériences. En se réunissant périodiquement pour la culture d’une parcelle, les producteurs et productrices comparent les résultats des pratiques, mais aussi leur bilan économique, tout en étant accompagnés par des techniciens. Mise à disposition par un membre ou louée par le groupe, la parcelle est aussi un lieu d’accueil de visites d’échange entre groupes d’agriculteurs. Les champs-école permettent en outre de mettre en place des essais innovants, menés avec une approche scientifique et rigoureuse grâce à l’appui de l’équipe du projet et des agents du service public de conseil agricole –ICAT-, afin de mettre au point des références techniques adaptées localement.
18 champs-écoles de cultures maraîchères ont à ce jour été implantés sur les trois premières années du projet (2015, 2016 et 2017). Au total 312 personnes sont concernées et 4 visites d’échange entre producteurs des différents champs-écoles ont été organisées.
Les thèmes principaux d’échange et d’expérimentation sont la détermination de la densité optimale de plants au repiquage (tomate et oignon), l’utilisation de la fumure organique et la réduction des doses d’engrais minéraux, et les pesticides naturels (à base d’oignon, piment, ail, neem). Des cultures nouvelles sont également mises en place sur de petites parcelles (chou, carotte).
Les producteurs ont répliqué plusieurs apprentissages des champs-écoles, par exemple le repiquage en ligne de l’oignon (étendu au repiquage du riz par les femmes), la culture d’oignon avec le compost uniquement et l’utilisation de pesticides naturels. Les maraîchers améliorent également la conservation de l’eau grâce à l’utilisation du compost, la diminution de la taille des "cuvettes" et l’optimisation des densités de plants.
Appropriation
Les producteurs ont commencé à répliquer certains apprentissages des champs-écoles, par exemple le repiquage en ligne de l’oignon, qui a également été étendu au repiquage du riz par les femmes. La comparaison des marges brutes des champs école avec celles obtenues par les producteurs a incité ces derniers à diminuer les doses d’engrais minéraux et à s’investir dans la production de compost.
Ainsi, les champs-écoles ont montré qu’il est possible de cultiver l’oignon avec uniquement du compost (dix tonnes à l’hectare), ou en combinaison avec une dose de fumure minérale réduite de 56% (5 tonnes de compost associé à 150 kilos d’engrais minéral à l’hectare) pour obtenir un rendement minimum de 10 tonnes par hectare, voire bien au-delà si de bonnes conditions d’arrosage sont réunies.
De plus, grâce à la maîtrise de la production du compost et l’autoproduction des semences d’oignon, cette activité ne demande pas de liquidités importantes, et devient ainsi accessible aux femmes. Elle constitue ainsi une source de revenus importante.
Des références pour la fertilisation et la densité ont également été produites pour la tomate : par exemple, 10 tonnes de fumure organique, associée à 100 kg par hectare d’engrais minéral peuvent suffire pour avoir un rendement minimum de l’ordre de 500 kg par are (soit 50 tonnes à l’hectare), si de bonnes conditions d’arrosage sont réunies, ce qui constitue une diminution de 76% de la dose moyenne d’engrais minéral apportée par les producteurs.
De plus, l’efficacité des traitements naturels à base de neem, piment, oignon et ail est apparue clairement. Ils permettent de diminuer voire supprimer l’utilisation de pesticides de synthèse et de maîtriser les coûts de production, d’autant plus que les cours des prix de la tomate sont très volatils.
« Grâce à l’utilisation du compost »
Par ailleurs, 19 champs-écoles de cultures pluviales, impliquant 179 producteurs, ont été mis en place au cours des campagnes agricoles 2015, 2016 et 2017, et 4 visites d’échange entre les sites ont été menées. Ces champs-école ont permis d’aborder de nombreux thèmes, tels que les associations de culture (maïs-niébé et maïs-soja), la lutte contre le Strigahermonthica(plante parasite des champs), l’orientation du travail du sol suivant les courbes de niveau, la densité de culture, la réduction des doses d’engrais minéraux et l’utilisation des pesticides naturels (pour le niébé).
La production de compost à l’aide des résidus de culture a également été réalisée. De plus, de nombreux thèmes sont abordés de manière transversale, tels que la rotation des cultures, la conservation de l’eau et des sols, les pesticides naturels et la protection lors des traitements phytosanitaires. En fin de campagne, un bilan économique est systématiquement réalisé pour comparer les résultats des parcelles et évaluer le travail requis (main-d’œuvre, temps et pénibilité).
Tout au long des cycles des cultures, sont réalisés des relevés scientifiques par l’équipe du projet, avec l’appui des agents de l’ICAT. Les indicateurs choisis comprennent notamment la densité de plants, l’observation des attaques de parasites et une notation participative de la production. Pour les cultures pluviales s’y ajoutent la hauteur des plants à l’épiaison des céréales, le taux de couverture du sol et l’enherbement.
Des observations du profil de sol ont également été menées, afin de connaître la structure du sol et son potentiel, pour adapter les pratiques culturales.
Les résultats ont montré qu’il est possible, grâce à l’utilisation du compost (à raison de 5 tonnes par hectare), de diminuer de 50% la dose d’engrais minéral préconisée au niveau national (200kg/ha NPK 15-15-15 + 100kg/ha urée 46-0-0) sans affecter significativement les rendements du maïs.
Les tests ont également confirmé l’intérêt du semis de 2 rangées de soja par billons, l’efficacité des traitements naturels à base de neem pour la culture pure du niébé et la possibilité de produire ces deux légumineuses sans apport de fumure.
Perspectives
En 2017, afin de suivre l’évolution des pratiques agricoles, 21 producteurs membres des champs-écoles ont été suivis dans leurs propres parcelles (leurs itinéraires techniques ont été suivis et des carrés de rendement ont été réalisés).
Jusqu’à la fin du projet, les champs-école (maraichers et pluviaux) vont se poursuivre avec une autonomisation des groupes concernés. Ils pourront non seulement approfondir les thèmes étudiés, mais également mettre en pratique les acquis des formations et d’un voyage d’échange au Burkina Faso et tester des innovations, avec l’appui ponctuel de l’équipe du projet.
Myriam Mackiewicz-Houngue
Contact : m.mackiewicz@avsf.org
Informations sur le projet :