Accueil / Publications / AGRIDAPE / L’ agroécologie au service des ODD / Culture légumière à Parakou : bio-contrôle des maladies et des ravageurs pour (...)
Culture légumière à Parakou : bio-contrôle des maladies et des ravageurs pour une production responsable et un équilibre des écosystèmes
Au Bénin, le développement des maladies et des ravageurs dans la production maraîchère au cours de ces dernières années constitue une contrainte majeure pour la durabilité de la filière et une production saine et responsable prônée à travers les Objectifs de développement durable (ODD). Les résultats des enquêtes menées à Parakou montrent que les maraîchers développent une diversité de méthodes préventives et utilisent, en cas d’attaque des cultures par les parasites, des produits biologiques. Le contrôle biologique des nuisibles vise la protection des cultures, en privilégiant l’utilisation de substances naturelles qui contribuent à l’équilibre des écosystèmes comme l’indique un des ODD.
Le maraîchage représente une activité économique très importante pour les ménages urbains et péri-urbains du Bénin, mais il a subi une forte pression parasitaire au cours des dernières décennies du fait des changements environnementaux.
Ces ravageurs et maladies sont, entre autres, des insectes (criquets, mouches, papillons), des acariens, des champignons, des chenilles, des mouches blanches, des teignes de chou, des nématodes, l’oïdium ou le blanc, le mildiou, l’alternariose, la pourriture grise et la tache bactérienne.
Ces nuisibles évoluent très rapidement sur les cultures à cause des mutations climatiques et environnementales, notamment les fortes précipitations, l’humidité élevée et la hausse des températures (Hamdane, 2015 ; Djohy, 2016). Ils sont parfois transmis soit par les semences, le sol, les insectes, les outils de travail ou l’environnement. Ils se manifestent à tous les stades du cycle végétatif (Dandjinou, 2014).
Face à ces nuisibles qui menacent la vie socio-économique des producteurs et la durabilité du secteur maraîcher, les maraîchers de la ville de Parakou avaient recours aux produits chimiques pour contrôler ces nombreux ravageurs et pathologies végétales. Mais face aux coûts élevés de ces pesticides chimiques et surtout les impacts négatifs perçus par les communautés sur leur usage, on note de plus en plus un grand engouement des maraîchers pour les intrants organiques qu’ils produisent et s’en servent dans le cadre de diverses stratégies agro-écologiques.
Enjeux de la lutte chimique en production légumière
Le maraîchage est confronté au ravage des nuisibles qui, à chaque saison culturale, sont responsables de la perte d’une large part des récoltes. On note aussi une baisse croissante des rendements et une diminution considérable du revenu des maraîchers. Face à ce fléau, le recours aux pesticides chimiques a été l’option de nombreux producteurs.
L’utilisation des pesticides industriels s’est largement répandue dans la plupart des zones de production légumière. Les herbicides, les insecticides, les fongicides et autres pesticides acquis sur le marché informel étaient abondamment utilisés par les producteurs, dans un contexte de manque de mécanisme de contrôle.
Bien que ces produits soient reconnus par les maraîchers comme plus ou moins efficaces dans l’entretien et le suivi de leurs exploitations, les producteurs ont cependant observé divers impacts négatifs sur les sols, les cultures, les ressources en eau et associent aussi à ces produits de nombreux cas locaux d’intoxications alimentaires.
L’utilisation des produits chimiques est alors apparue pour certains d’entre eux comme une menace pour l’homme, son environnement de vie et de travail et aussi pour les ressources alimentaires commercialisées ou autoconsommées, issues de ses activités de production.
Cette perception locale qui est parfaitement en accord avec les données scientifiques disponibles est à la base d’un changement de comportements et de stratégies observé au cours de cette étude. En effet, plusieurs auteurs ont déjà mis en évidence les effets pervers des pesticides chimiques qui causent d’énormes dégâts en matière de santé humaine et environnementale (Samborn et al., 2004). Assogba-Komlan et al. (2007) et Sæthre et al. (2011) avaient par exemple décelé dans les légumes du Sud du Bénin des teneurs en résidus chimiques dépassant la norme recommandée, de 0,5μg/g pour les organochlorés.
Au-delà, l’acquisition des intrants chimiques reste un enjeu majeur pour les petits exploitants familiaux qui ne bénéficient d’aucun mécanisme de crédit d’intrants comme c’est le cas par exemple dans d’autres filières agricoles, notamment la production cotonnière.
Face à toutes ces difficultés, les maraîchers locaux puisent dans leur ingéniosité pour développer des pratiques agro-écologiques respectueuses de l’environnement, en mobilisant sur place et sans grand coût des feuilles, écorces et graines de diverses espèces végétales dont ils dérivent des pesticides organiques pour la lutte contre divers ravageurs et maladies de légumes. Ces innovations gagnent du terrain et constitue de plus en plus une alternative efficace selon les maraîchers.
Quelques méthodes de limitation des infestations des exploitations maraîchères
Les maraîchers de Parakou mettent en œuvre plusieurs stratégies d’inspiration locale pour prévenir ou protéger leurs cultures contre les ravageurs et les maladies (Figure 2). Dans une dynamique préventive, ils inspectent plus régulièrement leurs jardins afin de détecter très tôt la présence de nuisibles. Leurs approches préventives combinent aussi plusieurs autres pratiques telles qu’un meilleur assainissement et une bonne hygiène au sein des exploitations maraîchères, qui sont plus régulièrement débarrassées des mauvaises herbes, hôtes potentielles de ravageurs. Les producteurs adoptent aussi des variétés résistantes aux ravageurs promues par les institutions d’appui-conseil et réajustent leurs pratiques de rotation, d’assolement et d’association des cultures.
De nouveaux types de planches de 30 à 60 cm de hauteur sont installés pour faciliter la circulation de l’eau en saison pluvieuse dans les plaines inondables. Le sarclo-binage et le buttage sont des systèmes qui permettent respectivement de rendre le sol perméable à l’eau, de minimiser les pertes d’eau dues à l’évaporation, de conserver l’humidité dans le sol et de ramener la terre aux pieds des plants.
Les réaménagements dans les périodes d’arrosage des cultures favorisent un meilleur développement des cultures et contribuent à limiter l’apparition de certaines pestes sur les exploitations légumières. Les pesticides biologiques viennent en appoint à ce dispositif pour un meilleur contrôle, en cas d’infestation des cultures.
Quelques méthodes biologiques de contrôle des ravageurs et des maladies
L’utilisation d’extraits de plantes pour lutter contre les ravageurs et les maladies n’est pas une pratique nouvelle. Malgré l’engouement pour les produits chimiques dans le contrôle des parasites des cultures maraîchères, les producteurs de la commune de Parakou accordent de plus en plus une place très importante aux pesticides biologiques au cours de ces dernières années.
Les extraits de feuilles et de graines de plusieurs plantes notamment le neem (Azadirachta indica), le papayer (Carica papaya) et le tabac (Nicotiana tabacum) sont les bio-pesticides les plus populaires contre les parasites dans les zones urbaines et péri-urbaines de Parakou (Bénin). Les maraîchers vont chercher eux-mêmes dans la brousse les feuilles ou les graines de ces différentes plantes ou les font pousser près de leurs champs.
L’utilisation de ces solutions permet aux maraîchers de limiter l’utilisation inappropriée de pesticides chimiques, tout en assurant un meilleur contrôle des ravageurs. Selon Gnago et al. (2010), ces bio-pesticides permettent de mieux contrôler les pucerons (Aphis gossypii, Myzus persicae et Brevicoryne brassicae), les chenilles (Plutella xylostella, Hellula undalis et Spodoptera littoralis), les punaises (Nezara viridula et Dysdercus spp), les criquets (Zonocerus variegatus) et les mouches blanches (Bemisia tabaci).
Les graines de neem (Azadirachta indica) sont les plus utilisées par les maraîchers pour préparer les bio-pesticides. Ces graines contiennent une plus grande quantité de substances actives que les feuilles, mais les feuilles ont l’avantage d’être disponibles toute l’année. Les différentes substances biologiques sont nocives pour les ravageurs des cultures maraîchères soit par contact, par inhalation ou par ingestion. Il est donc nécessaire d’observer les cultures et les ravageurs pour savoir où et quand l’application des bio-pesticides sera la plus efficace contre les nuisibles.
Les pesticides naturels sont biodégradables et deviennent inactifs en quelques heures ou quelques jours. Les substances sont utilisées sur les cultures en fin de soirée, elles perdent leur efficacité au soleil. L’agroécologie est au cœur des dynamiques adaptatives des maraîchers qui aspirent de plus en plus à une gestion plus innovante et plus harmonieuse de leurs systèmes de production et un développement durable.
Avantages et limites des produits biologiques
Contrairement aux produits chimiques, les extraits aqueux de lutte biologique contre les ravageurs et les maladies des cultures, ne laissent aucun résidu de longue durée qui reste dans l’environnement. La lutte biologique minimise les problèmes de sécurité environnementale et sanitaire.
Ainsi, les produits biologiques sont moins dangereux pour l’environnement et diminuent le risque de présence de résidus chimiques dans les aliments produits. Mais ils ont une action plus ou moins rapide sur les nuisibles et nécessitent parfois un environnement spécifique pour être efficaces contre les ravageurs. Cette alternative biologique aux pesticides chimiques pour le contrôle des nuisibles permet aux producteurs d’améliorer leur rendement et de réduire les risques sanitaires et environnementaux liés à l’usage des pesticides.
Les méthodes de contrôle biologique sont de plus en plus sollicitées, ces dernières années, dans la ville de Parakou. Elles permettent aux producteurs de lutter contre les nuisibles sans mobiliser de grands moyens financiers et de réduire les difficultés liées à l’accès aux produits chimiques.
La lutte biologique est une approche basée sur l’expérimentation et l’observation qui permet de gérer et de rentabiliser les cultures en harmonie avec leur environnement. Cette pratique permet aux exploitants maraîchers de lutter plus efficacement contre les nuisibles, d’améliorer leurs conditions de vie et d’être plus respectueux de l’environnement.
Recommandations et perspectives de long terme
Les légumes constituent une composante importante des régimes alimentaires quotidiens des populations au Bénin, et des sources importantes de revenu, particulièrement dans les zones urbaines et péri-urbaines de Parakou au nord-Bénin. Pour réduire la dépendance des systèmes de culture vis-à-vis de la lutte chimique contre les parasites, il faut encourager les producteurs dans la mise en œuvre des pratiques agroécologiques et l’amélioration des différents produits biologiques innovés.
Du fait d’impacts environnementaux et sanitaires en général plus faibles que l’utilisation de produits chimiques, le bio-contrôle a une image positive auprès des maraîchers, des consommateurs et des différents acteurs du secteur. Les produits biologiques sont cependant loin de répondre à tous les besoins en matière de lutte contre les ravageurs et les maladies des cultures. Ainsi, il faudrait former et encourager les maraîchers à utiliser les pratiques de bio-contrôle pour la protection de leurs cultures ; promouvoir l’innovation pour le développement de nouvelles techniques sûres et efficaces de production des bio-pesticides de lutte contre les nuisibles ; favoriser la mise sur le marché des bio-pesticides ; suivre le développement des usages des produits de bio-contrôle et créer un cadre réglementaire de production, de vente et d’usage des produits biologiques.
Le contrôle des bio-pesticides et des engrais, et le suivi de leurs impacts environnementaux sont nécessaires dans la municipalité de Parakou. La commercialisation des intrants agricoles, doit être réglementée afin d’assurer un meilleur contrôle des importations sur le territoire communal, en lien avec la politique gouvernementale de production agricole et maraîchère. Il importe d’élaborer des textes communaux pouvant mieux réguler la distribution et l’utilisation des produits phytosanitaires en milieu maraîcher, pour des fins de protection sanitaire et environnementale.
Les autorités municipales pourraient mener également une politique de subvention des coûts des produits pour les rendre plus disponibles et accessibles à temps aux maraîchers. Il serait aussi judicieux d’accompagner les maraîchers dans le sens d’une maîtrise des bonnes pratiques d’utilisation des différents produits de contrôle des nuisibles, à travers des formations et des sensibilisations conséquentes.
Gildas Louis Djohy
Expert en Politique d’Adaptation aux Changements Climatiques, ONG Better Life, Bénin
Contact : gildasdjohy@gmail.com
Remerciements
Cette étude a été financée par l’African Climate Change Fellowship Program (ACCFP), et réalisée à Parakou (Bénin) dans le cadre d’un partenariat entre deux organisations locales : LARES-ONG et Better Life-ONG. J’exprime ma profonde gratitude à l’Institute of Resources Assessment (IRA) de l’Université de Dar Es Salam (Tanzanie) qui m’a formé en expertise des politiques d’adaptation climatique en Afrique.
Références
Assogba-Komlan F., Anihouvi P., Achigan E., Sikirou R., Boko A., Adje C., Ahle V., Vodouhe R., Assa A., 2007 : Pratiques Culturales et Teneur en Eléments Antinutritionnels (Nitrates et pesticides) du Solanum macrocarpon au Sud du Bénin. Africain Journal of Food, Agriculture, Nutrition and Developement, 7, 1-21.
Dandjinou V., 2014 : Notes techniques sur le maraîchage. Faculté d’Agronomie, Université de Parakou, Parakou, Bénin, 30 p.
Djohy G. L., 2016 : Vulnérabilité des ressources en eau au changement climatique et stratégies d’adaptation des maraichers des zones urbaines et peri-urbaines du Nord-Benin. Rapport de recherche, African Climate Change Fellowship Program, Parakou, 59 p.
Gnago J. A., Danho M., Atcham Agneroh T., Fofana I. K., Kohou A. G., 2010 : Efficacité des extraits de neem (Azadirachta indica) et de papayer (Carica papaya) dans la lutte contre les insectes ravageurs du gombo (Abelmoschus esculentus) et du chou (Brassica oleracea) en Côte d’Ivoire. International Journal Biological and Chemical Sciences, 4(4) : 953-966.
Hamdane A. M., 2015 : Les principales maladies des cultures maraîchères protégées. Présentation de la journée de formation AVFA, 42 p.
Sæthre M. G., Svendsen N. O., Holen B., Assogba-Komlan F., Godonou I., 2011 : Pesticide residues analysis for three vegetable crops for urban consumers in Benin. Bioforsk Report, 6 : 1-29.
Sanborn M., Cole D., Kerr K., Akil C., Sanin L. H., Bassil K., 2004 : Pesticides Literature Review. Ontario College of Family Physicians, Toronto, 186 p.