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Editorial

Avec l’agriculture familiale, le monde peut se nourrir de manière saine, équitable et durable

En cette fin d’Année internationale de l’Agriculture Familiale (AIAF), force est de constater que près d’un milliard de personnes, à travers le monde, dont les deux tiers sont des petits paysans, souffrent de malnutrition et de famine tandis que « les émeutes de la faim » deviennent de plus en plus courantes dans de nombreuses régions.

L’Afrique subsaharienne est la région la plus concernée et où la proportion de la population affectée est la plus élevée au monde (32%), soit 223 millions de personnes sous-alimentées. Dans cette région du monde, près de 40% des enfants souffrent de retard de croissance et les niveaux de mortalité des moins de 5 ans demeurent inacceptables.

Il est reconnu aujourd’hui que la contribution directe du secteur agricole à la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations est sans doute l’amélioration de la disponibilité alimentaire, à travers une production agricole en quantité et qualité suffisante prise en charge pour sa plus grande partie par les exploitations familiales.

En effet, selon la FAO, sur les 570 millions d’exploitations agricoles du monde, neuf sur dix sont des fermes familiales et produisent environ 80 pour cent de nos aliments. Elles constituent alors des piliers majeurs de la lutte contre la faim et la malnutrition et l’agriculture familiale reste l’une des rares alternatives pour asseoir une sécurité alimentaire et nutritionnelle durable.
Considérant que les causes de la malnutrition et de la sous-nutrition sont pluridimensionnelles, il faut donc des solutions pluridimensionnelles et intersectorielles.

Cette recherche de solutions efficaces et pérennes engagement aujourd’hui un grand nombre d’acteurs qui mettent en place diverses initiatives pour éradiquer la faim et les carences alimentaires.

Une agriculture et une alimentation durables prendront en compte tous les aspects économiques, écologiques, sociaux, mais aussi politiques.
L’agro-écologie représente le modèle agricole le plus à même de répondre aux différents piliers de la sécurité alimentaire. Elle permet d’accroitre la productivité au niveau local, contribue à l’amélioration de la disponibilité alimentaire et permet de réduire la pauvreté rurale. De plus, elle renforce l’accessibilité des petits exploitants à une alimentation plus variée, tout en préservant la durabilité des écosystèmes.

Une vision commune pour éradiquer la malnutrition

Depuis plusieurs décennies, la communauté internationale accorde une attention particulière à la malnutrition dans le monde. Vingt deux (22) ans après la première conférence des Nations Unies sur la nutrition, le nombre de personnes souffrant de la faim et de la malnutrition n’a pas cessé d’augmenter. Ce constat renvoie à la nécessité de mettre en place des réponses multisectorielles et pluridimensionnelles et de promouvoir la territorialisation des politiques alimentaires et nutritionnelles.

En effet l’alimentation et la nutrition sont intimement liées et la lutte contre le fléau de la malnutrition doit passer nécessairement par la mise en place de systèmes alimentaires locaux dynamiques dans lesquels les agriculteurs familiaux ont un rôle central.

Tout au long de cette Année internationale de l’agriculture familiale (AIAF 2014), différents intervenants ont formulé des recommandations politiques spécifiques et ont proposé des bonnes pratiques. Ils proposent entre autres recommandations de traiter la question de l’agriculture familiale à travers une approche intersectorielle, de faciliter l’accès à l’eau et à la terre, à la lumière des directives volontaires pour favoriser l’équité dans l’utilisation des ressources.

Dans ce numéro, nous donnons un aperçu sur les conclusions de la 2ième Conférence Internationale sur la Nutrition (CIN2) qui s’est tenue à Rome du 19 au 21 novembre 2014 et qui a été donc l’occasion pour la société civile et les mouvements populaires d’envoyer un message fort aux gouvernements du monde, mais aussi pour s’accorder sur les moyens à mettre en œuvre pour éradiquer ce fléau.

La déclaration finale de cette conférence atteste en effet que la nutrition « ne peut être prise en charge que dans le contexte de systèmes alimentaires locaux prospères et dynamiques, profondément ancrés de manière écologique, rationnels du point de vue de l’environnement et appropriés culturellement et socialement. ».

A travers ce message, certain dirigeants d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique, ainsi que des gouvernements d’Europe, reconnaissent que le modèle agricole actuel constitue le principal problème et qu’il est nécessaire de reconnaitre un droit à l’alimentation pour tous.

Dans sa réflexion sur la nutrition au Sénégal, M. Matar Gaye estime que la nutrition telle qu’on la présente en général n’est pas prise réellement en compte dans les comportements alimentaires. Il insiste sur le caractère subjectif de la nutrition, une subjectivité véhiculée par la « préférence » humaine. En outre, selon lui, pour conduire un changement de comportement, il est nécessaire d’avoir une entrée par ménage.

Des sources alternatives de nourriture

Dans toutes les régions du monde, la biodiversité offre des ressources alimentaires très accessibles qui peuvent renforcer la sécurité nutritionnelles des populations. Il existe des espèces souvent méconnues mais qui offre pourtant de multiples vertus pour l’alimentation humaine et des animaux domestiques.

Le Moringa en est l’exemple parfait. Présent dans la région intertropicale, cet arbre dont les feuilles et les graines sont très riches en vitamines, est utilisé comme complément alimentaire à moindre coûts et constitue une source de revenu supplémentaire pour les ménages. Aujourd’hui les acteurs se mobilisent autour de la promotion de cet arbre pour une large diffusion de ces vertus dans les écoles et les villages.

Dans cette quête de diversité alimentaire, la revalorisation des mets traditionnels ne doit pas être oubliée. Les ancêtres ont en effet laissé un large héritage de mets équilibrés et très digestes. Au Ghana, le Centre pour le développement des connaissances et des organisations autochtones (CIKOD) organise des foires alimentaires pour vulgariser le savoir faire culinaires traditionnel et lutter contre la malnutrition.

D’un autre côté, face à l’accès difficile aux aliments, des stratégies d’atténuation de la malnutrition sont souvent mis en place au niveau communautaire. C’est le cas dans la région Sud du Cameroun, où le cobaye constitue une source de protéines pour l’alimentation et son élevage domestique permet de fertiliser les jardins potagers dans les concessions. Des recettes novatrices sont développées pour accompagner la consommation de la viande de Cobaye.

Plus loin, dans la région Centre, la consommation des insectes se développement de plus en plus. Dans cette zone, les hannetons (plus les larves), les chenilles (notamment les processionnaires), les sauterelles, etc. représentent des ressources très exploitées pour l’alimentation et leur commercialisation en milieu urbain constitue un grand potentiel économique pour les ménages ruraux.

L’Ecole au centre de la lutte contre la malnutrition

Les enfants de moins de 5 ans sont les plus affecté par la malnutrition, d’où la nécessité d’intégrer les questions nutritionnelles dans le curricula ainsi que faire la promotion d’un environnement scolaire qui favorise la santé et la nutrition des écoliers. Comme le souligne M. Matar Gaye, l’école constitue le meilleur vecteur de l’éducation nutritionnelle à travers les cantines scolaires. Au Bénin où 44,6% des enfants de moins de 5 ans souffrent de retard de croissance due à la malnutrition, l’Initiative Ecoles Amies de Nutrition (IEAN), à travers une approche transversale basée sur le renforcement des capacités et la promotion du micro-jardinage favorise une alimentation saine et équilibrée dans les écoles.

Conclusion

Une alimentation saine et équilibrée est le socle d’une vie saine et d’une subsistance solide et durable. Pour cela il faut bâtir des systèmes alimentaires solides autour des exploitations familiales. Elles sont les seules garantes de la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

Cependant elles font face à de nombreux défis qui les empêchent de jouer pleinement leur rôle. Pour les pays en développement, il faudrait mettre en œuvre des politiques agricoles plus orientées sur la nutrition. Il est fondamental de soutenir et d’améliorer les pratiques agroécologiques car elles permettent de satisfaire la demande alimentaire des ménages, tout en respectant l’environnement. Sans oublier le rôle prépondérant des femmes dans la stabilité nutritionnelle des ménages.

Il nous revient ainsi de se demander, comment les communautés paysannes s’organisent pour trouver des alternatives au déficit alimentaire ? Quels mécanismes devrait-on mettre en place pour initier un changement de comportement vis à vis de la nutrition ? Quels exemples concrets avons-nous sur les liens entre agriculture familiale, agro-écologie et nutrition ? Les ménages paysans souffrent-ils de la famine ou de la malnutrition ? Quelles en sont les causes ? Comment pouvons-nous résoudre ce problème ?

Ce dernier numéro d’AGRIDAPE de l’Année Internationale de l’Agriculture Familiale, entend donner des éléments de réponse à ces questions et engager la réflexion sur la mise en place de réponses efficaces et durables pour l’éradication de la faim et la malnutrition.