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Bénin : Intégration Agriculture et Elevage (SIAE) endogènes pour favoriser la fertilité des sols

Au Bénin, les difficultés des producteurs en rapport avec la fertilité des sols se sont accrues surtout à cause de la pression démographique et l’intégration entre l’agriculture et l’élevage figure parmi les solutions les mieux appropriées à cette situation. Cet article découle de l’étude Performance des Systèmes Intégrant Agriculture et Elevage (SIAE) endogènes au Bénin sur trois zones agro-écologiques que sont le Littoral, l’Atlantique et le Borgou.

La fertilité des terres agricole, la base de la survie des ménages ruraux du Bénin

Le secteur agricole béninois, occupe environ 70 % de la population active et contribue pour environ 33,2% à la formation du Produit Intérieur Brut (PIB) (INSAE, 2008). Malgré cette importante frange de la population qui se retrouve dans le secteur, la proportion de personnes estimées en insécurité alimentaire en milieu rural (15,3%) est près de deux fois supérieure à celle en milieu urbain (7,9%) (PAM, 2009). L’amélioration des performances du secteur agricole constitue la clé de voûte des solutions aux problèmes de la famine et de la pauvreté (IFPRI, 2003). Par ailleurs, le déclin de la fertilité des sols lié à la surexploitation des terres a entraîné une diminution sensible de la productivité et des rendements de culture, la dégradation voire la détérioration de la base des ressources naturelles. Les revenus agricoles en sont amoindris et la pauvreté s’installe progressivement tout en rendant difficile l’accès aux intrants.

Pour y remédier, l’intégration agriculture-élevage a été proposée dès les années 90 pour intensifier les systèmes de production grâce aux trépieds vertueux de la traction animale (travail du sol à la charrue), la production de fumure organique (étable fumière, parc amélioré) et de fourrage (stockage de résidus de culture, culture fourragère) (Dugué, 1989 ; Landais et Lhoste, 1990). Ainsi, l’intégration de l’agriculture et de l’élevage permet-elle de valoriser les complémentarités entre les systèmes de culture (production fourragère, fixation symbiotique de l’azote et recyclage des éléments minéraux) et les systèmes d’élevage (production de fumure organique et d’énergie) pour réduire la consommation de carburant, de fertilisants chimiques et d’aliments concentrés. L’intégration agriculture-élevage est apparue dans le monde vers la moitié du siècle dernier, et particulièrement en Afrique dans les années 1970 comme une solution très avantageuse, susceptible d’ouvrir de nouvelles perspectives à un système agricole en stagnation ou en recul tout en étant une alternative pour un système d’élevage pastoral en péril (Ouédraogo, 1998). En effet, la pression démographique a occasionné la raréfaction des terres cultivables et de pâturages au profit des habitations et en même temps une augmentation galopante de la demande en produits alimentaires d’origine agricole. Ainsi, les producteurs ont-ils intensifié leurs activités agricoles et du coup ont progressivement fait chuter la fertilité de ces quelques hectares encore affectés à la production agricole. L’urgence a donc été de trouver des solutions alternatives pour compenser un tant soit peu les prélèvements et restaurer progressivement la fertilité de ces terres. Cette situation a facilité l’avènement des pratiques d’intégration agriculture élevage qui, depuis des décennies, sont mises en œuvre par les agriculteurs et les éleveurs en vue d’améliorer la productivité et faire face à la demande de produits alimentaires sans cesse croissante (Djènontin, 2010).

L’adoption des SIAE augmente les revenus des producteurs…

Dance cas ci, la performance se rapporte ici à l’amélioration du revenu des producteurs, et donc le revenu sera utilisé comme une mesure de performance. L’analyse de la performance des SIAE endogènes entreprise est fondée sur la comparaison des moyennes des revenus obtenus par les producteurs des trois catégories de SIAE endogènes. Le revenu des producteurs de la catégorie « Intégration totale » est largement supérieur à celui des producteurs de la catégorie « Faible intégration » qui est à son tour supérieur au revenu des producteurs de la catégorie « Pas d’intégration ». Les résultats de cette comparaison de moyennes indiquent également que le modèle est globalement significatif (p<0,05). Ces résultats précisent par ailleurs qu’il y a une différence significative entre les revenus obtenus par les producteurs des trois niveaux d’intégration avec une tendance évolutive au fur et à mesure que le niveau d’intégration augmente. Ainsi, l’intégration agriculture-élevage contribue-t-elle à l’amélioration des revenus de producteurs ; ce qui explique cette différence. Il est ainsi observé une amélioration du revenu des producteurs ayant recours à l’intégration agriculture-élevage.

En moyenne, il est admis que 60 à 70% de l’azote, 80 à 85% du phosphore et 95 % du potassium ingérés se retrouvent dans les déjections (Page et al., 1993). C’est pourquoi la fumure organique dont l’application fournit des éléments nutritifs aux plantes et améliore la structure du sol est de plus en plus promue (Ullah et al., 2008 ; Agbo et al., 2012). Parmi ces fumures organiques, il y a les fientes de poulets très prisées en agriculture urbaine au Sud Bénin et qui reviennent moins chères aux maraichers (Atidégla, 2011). Cela se traduit donc par la réduction des coûts de production des cultures, l’augmentation de la productivité et par ricochet l’augmentation de la marge financière issue de la vente de ces produits. En ce qui concerne les animaux, leur alimentation aux résidus de récoltes réduit les coûts de production, et donc permet aux producteurs d’investir ses ressources financières dans d’autres activités (Kpanou, 2014). En outre, au Sénégal, les résidus de récolte jouent un rôle important dans l’alimentation du cheptel, les pailles de céréales sont entièrement récoltées et stockées en meule au niveau des concessions et sont essentiellement utilisées pour l’alimentation des animaux (Dieye et Gueye, 1998). Cela ne traduit que l’application des techniques d’intégration agriculture-élevage permet au producteur d’accroître son revenu. En somme, sur le plan économique, seuls les agro-éleveurs ont mis en place un système performant (Vall et al., 2012). En effet, celui-ci est principalement basé sur une intensification par le capital et l’utilisation d’intrants achetés sur le marché, voire de main d’œuvre temporaire recrutée dans les exploitations les plus modestes. La présence de l’élevage répond principalement à une volonté de capitalisation. L’association de l’agriculture et de l’élevage est effective dans ces exploitations, mais elle ne contribue que de façon assez marginale à la production de fumure organique. En revanche, l’énergie animale est fortement sollicitée pour les travaux agricoles. Ces résultats du Burkina corroborent ceux du Bénin. En effet, les agro-éleveurs du Bénin intensifient par le capital (équipement d’attelage, abri pour bœufs de trait, etc.) et le recours aux intrants plus importants comme les engrais minéraux. Alors, les rendements coton et maïs, et les revenus sont plus élevés, mais aussi des marges coton et maïs qui ont tendance à être plus élevées que dans les deux autres systèmes.

Analyse de la perception des producteurs sur les avantages de l’intégration relatifs aux rendements des cultures

Pour presque la totalité des répondants concernés (98,1%), l’intégration agriculture élevage et surtout l’utilisation des déjections animales pour la fertilisation du champ améliore la productivité des cultures. En effet, selon les producteurs, les déjections animales renforcent la fertilité par l’apport des microorganismes qui créent un environnement plus adéquat au développement harmonieux des cultures en maintenant l’humidité du sol dans le contexte actuel de changement climatique.

Analyse de la perception des producteurs sur les avantages de l’intégration relatifs aux coûts de production des cultures

51,9% des producteurs concernés estiment que le coût de production des cultures avec intégration est plus faible alors que 44,4% pensent le contraire. En effet, le recours aux déjections animales réduit l’utilisation des engrais chimiques et minéraux pour certaines cultures. Cependant, pour d’autres cultures notamment les cultures maraîchères, les déjections animales doivent être utilisées au même titre que les engrais chimiques et de ce fait le coût de production en est affecté surtout chez les producteurs qui ne possèdent pas leur propre élevage et qui paient les fientes de volailles.

Des contrats de fumure organique, pour des SIAE performants…

L’intégration agriculture-élevage la plus pratiquée actuellement par les producteurs prend la forme d’un transfert de faibles quantités de biomasse végétale vers les unités d’élevage (Kpanou, 2014). Ces sujets d’élevage produisent en retour de grandes quantités de fumure animale qui sont peu utilisées pour la fertilisation des cultures. Ainsi, la performance obtenue au niveau des systèmes intégrant agriculture et élevage (SIAE) endogènes peut donc être considérée comme un résultat et non comme un plan, car le producteur se serait adapté aux conditions environnementales, économiques, physiques et de disponibilité en main d’œuvre et en d’autres facteurs de production (Richards, 1993). Ce qui l’aurait amené à un niveau d’intégration agriculture élevage donné. A force d’expérience, le producteur n’anticipe-t-il pas des évènements ou facteurs externes en vue d’obtenir des résultats de plus en plus performants (Kpanou, 2014) ?

Toutefois, en considérant que les agriculteurs et éleveurs sont devenus des agro-éleveurs, ces différents systèmes intégrant l’agriculture-élevage ne permettent pas encore à ces deux catégories d’acteurs d’utiliser de façon optimale les déjections animales pour les uns et les débris de récolte pour les autres. Ces systèmes peuvent donc être améliorés dans le sens d’une agriculture économiquement et écologiquement plus viable (Traore et al., 2007). Ainsi, pouvons-nous espérer des contrats de fumure organique entre agriculteurs et éleveurs. Ces contrats permettront de garantir à l’agriculteur la quantité de fumure organique indispensable à la croissance de ses cultures. En retour, cela garantirait aux éleveurs une biomasse en quantité suffisante entrant dans l’alimentation de ses animaux. Cette situation favoriserait ainsi la sédentarisation des uns et évitera la destruction des champs chez les autres.

Ben-Vital Kpanou,

Agroéconmiste,

Assistant de recherche au Département d’économie de Soco-Anthropologie et de Communication de la Faculté des Sciences Agronomiques/Université d’Abomey-Calavi

benvital89@gmail.com

Houinsou Dedehouanou,

Maître assistant, Enseignant-Chercheur au Département d’économie de Soco-Anthropologie et de Communication de la Faculté des Sciences Agronomiques/Université d’Abomey-Calavi

Email:hdedehouanou@hotmail.com

Sofwaan Bakary,

Assistant de recherche au Département d’économie de Soco-Anthropologie et de Communication de la Faculté des Sciences Agronomiques/Université d’Abomey-Calavi

Email : sofwaan90@yahoo.fr

Ivan Koura

Doctorant en Sciences et Techniques de Production Animales de la Faculté des Sciences Agronomiques/Université d’Abomey-Calavi

Email : kouraivan@gmail.com

Frédéric Houndonougbo

Maître de conférences, Enseignant-Chercheur au Département de Sciences et Techniques de Production Animales de la Faculté des Sciences Agronomiques/Université d’Abomey-Calavi

Email : fredericmh@gmail.com

Pascal Houngnandan

Maître de conférences,

Enseignant-Chercheur au Département de Sciences et Techniques de Production Végétales de la Faculté des Sciences Agronomiques/Université d’Abomey-Calavi

Email : phoungnandan@yahoo.com