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Fermes écologiques au Burkina Faso : exemples d’une agriculture durable et résiliente
Le « Mouvement des Paysans Sans Frontière » a réussi le pari de démontrer qu’avec une bonne organisation sociale et une détermination, toute portion de terre procure des ressources pour le bien-être de l’homme. Sous le label « ferme écologique », ce groupe de producteurs réalise une agriculture intégrée, productive et durable dans la localité à forte densité humaine de Bingo (Burkina Faso), où les terres encroutées sont prédominantes du fait de la pression foncière. Cet article relate l’historique, les acteurs, les techniques et les acquis des fermes écologique, un modèle d’exploitation des terres qui a relevé à Bingo, le défi de « produire en quantité et en qualité tout en réduisant la pression sur les ressources naturelles ».
La sécurité alimentaire est l’un des plus grands enjeux de l’adaptation au changement climatique dans les pays en voie de développement comme le Burkina Faso. Cependant, le pays est soumis depuis plusieurs décennies à une forte dégradation de ses ressources naturelles, limitant ainsi le développement de ses productions agro-sylvo-pastorales.
Face à ce défi, des changements fondamentaux doivent être apportés à nos systèmes agricoles. Dans cette perspective, le projet « Accroissement de la Capacité Adaptative des Communautés Locales au Changement Climatique » a eu pour objectif « d’accroître la capacité adaptative des communautés et la résilience des écosystèmes dans les espaces d’influence des massifs forestiers aménagés ».
Mis en œuvre par l’UICN, il a essentiellement soutenu de 2010 à 2015 des microprojets portant des dynamiques pertinentes d’adaptation locales.
Le projet « Renforcement des Capacités d’Adaptation au Changement Climatique des Producteurs par la Création de Fermes Ecologiques et la Restauration du Couvert Végétal dans la commune de Bingo » est une illustration. A travers ce projet, l’UICN a appuyé les organisations paysannes à l’image du Mouvement des Paysans Sans Frontière (MPSF) à mettre en place des fermes écologiques. MPSF est un groupement composé d’hommes créé en 1993 qui est devenu par la suite une association mixte avec 52 groupements en 2003. Elle met en œuvre l’initiative des fermes écologiques dans la région de Bingo.
Outre, les bons rendements agricoles qui forcent l’admiration, la disponibilité en fourrage, en bois énergie, en fruits, légumes et feuilles, améliorent la résilience des populations. Au regard de l’affluence et de l’intérêt des visiteurs, les fermes écologique de Bingo sont l’exemple d’une nouvelle agriculture, volontaire et adaptée à notre contexte pour une autopromotion paysanne et pour subvenir au besoin alimentaire au Burkina Faso et dans le monde.
L’historique des fermes écologiques et les acquis à ce jour
La dynamique des fermes écologiques à Bingo émane de Zongo Yéro, un passionné d’agriculture, d’élevage et de la nature. Son petit frère, ingénieur d’élevage, lui fit un jour la réflexion : ’’si tu nourris bien les animaux, si les animaux nourrissent la terre, la terre va te nourrir’’. En méditant cette affirmation mais surtout en cherchant comment cela peut – il se faire, Yéro posera en 1991 les bases d’une exploitation familiale intensive intégrant agriculture, élevage aux arbres sous le label de ’’ferme écologique’’. Son défi est de produire en qualité et en quantité suffisants dans un contexte de pression foncière, d’accélération de l’érosion des sols et de baisse de la pluviométrie. Il renforce le dispositif avec deux légumineuses.
En 1992, il introduit le pois d’angols (Cajanuscajan) à partir de Léo, puis le Gliricidiasepium en 1994 à la faveur d’un voyage d’études en Côte d’Ivoire. L’introduction en 2013, d’un puits dans l’enceinte clôturée de la ferme occupe efficacement le producteur en inter-saison avec une diversification et un accroissement de rendements significatifs.
Les subventions de l’UICN depuis 2012 ont renforcé la dynamique à travers les 12 villages de la commune : - i) 32 fermes écologiques individuelles ; - ii) 2 fermes semencières communautaires dont une est équipée de forage et de moyens d’exhaure solaire pour la maraicheculture ; - iii) 1 ferme communautaire à jardin nutritif et de maraichage équipé de forage et moyens d’exhaure solaire, etc.
Organisation et objectifs de la Ferme Ecologique (FE)
La FE est une exploitation stabilisée d’au moins 1 ha. Individuelle ou communautaire, elle est organisée comme suit :
un pare-feu circulaire de 10 m de large ;
une haie morte ;
Dans les fermes individuelles, elle est à base de taillis de branches issues de la Régénération Naturelle Assistée (RNA) ou d’essences envahissantes dans la zone ;
exemple Azadiractaindica (neem). Cette haie est une cloture à grillage tissé plus pérenne pour les fermes communautaires ;
une haie vive à 50 cm de la haie morte constituée d’épineux ;
un brise-vent à 8 cm de la haie vive ;
Des couloirs de Gliricidiasepium à intervalle compris entre 12 et 20 m et destinés à enrichir le sol en azote ;
Au moins deux fosses fumières/ ha afin d’améliorer les propriétés du sol par l’apport en fumure organique. Diverses techniques DRS/CES sont combinées pour restaurer la fertilité du sol.
L’objectif de la ferme est d’intégrer l’agriculture, l’élevage à la protection de l’environnement afin de produire en quantité et en qualité, tout en réduisant la pression sur les ressources naturelles. Avec la conviction qu’aucune terre n’est définitivement impropre à l’agriculture, MPSF met en branle une batterie de technologies CES/ DRS pour valoriser toute portion de terre dans l’amélioration de la résilience au CC. En sus de la plantation de légumineuses (Gliricidiasepium, Moringaoleifera), la restauration des terres encroutées ‘’zipélé’’ est effective par la fumure organique, les techniques du Zaï, de demi-lunes et de cordons pierreux qui favorisent : une augmentation de l’infiltration, une restauration de la végétation herbacée, une augmentation des rendements.
La Gouvernance du processus
Afin de soutenir et pérenniser les acquis, MPSF a mis en place le dispositif suivant :
Trois attestations de possession foncière garantissent la sécurisation des infrastructures communautaires : Jardin nutritionnel (2 ha) ; ferme écologique semencière (5ha) et fermes écologique de production semencière et maraîchère (3 ha) ;
Quatre comités de gestion des aires et équipements communautaires de production (y compris les moyens d’exhaure des fermes individuelles). Chaque comité applique les termes d’un cahier de charge élaboré et validé en Assemblée Générale ;
Six techniciens spécialistes chargés de former et accompagner les candidats à l’agriculture durable et d’encadrer les stagiaires : deux en intensification élevage, deux en intensification agricole, deux en production et exploitation sylvicole ;
Douze femmes assurent la gestion du jardin nutritif en vue d’une amelioration de l’équilibre alimentaire et nutritionnel ;
Dix pépiniéristes assistent tout producteur désireux de créer sa ferme écologique ;
l’implication effective des responsables communaux, des acteurs techniques (INERA, agriculture, des partenaires au développement, etc.
Des impacts socioéconomiques mais aussi écologiques
Les fermes écologiques ont procuré d’importants changements dans les conditions de vie des producteurs. Dès 1992, M. Zongo a mis fin aux multiples sollicitations (argent, vivres, etc.) avec son petit frère fonctionnaire. En espace de cinq ans, il a acquis : - i) deux bœufs de production laitière (650 000F CFA), - ii) un taureau de race (600 000F CFA), - iii) une nouvelle moto (SUZUKI), - iv) un véhicule, etc.
La grande majorité des promoteurs de fermes ont renforcé leurs équipements de production et enregistré un accroissement de rendements de plus de 200%. Exemple d’Ablassé : trois charretées de céréale récoltées sur 1 ha de terrain jadis inculte. Chez Madi, le rendement est passé de trois sacs à huit sacs de 100kg en une campagne.
Les revenus annuels de l’exploitation des champs collectifs en semences certifiées et de base sont de l’ordre de 4 millions et devraient atteindre 5 millions d’ici fin 2016. Les prévisions sont de l’ordre d’un million de recette au niveau des fermes écologiques individuelles dotées de puits maraîchers.
Du côté des productrices, les acquis très diversifiés, vont du renforcement des moyens de production (achat de bœufs de trait à 200 000 F), à l’amélioration des conditions de vie. Salamata Kaboré du groupe chargé de la ferme à jardin nutritif confia en mai 2015 : « avant la promotion des fermes écologiques, nous coupions le bois pour vendre afin de survivre. A l’époque, les agents des Eaux et Forêts nous pourchassaient à travers les brousses. Maintenant, nous vendons nos productions et nous arrivons à subvenir aux besoins de nos familles respectives notamment la scolarité, l’habillement et les soins sanitaires ». outre l’amélioration des revenus, l’alimentation familiale a connu une nette évolution grâce aux feuilles et légumes fraiches.
Depuis 1994, l’épouse de Zongo, n’a plus coupé du bois en brousse. Le bois de chaque opération de taillis du Gliricidia procure au-delà de la consommation domestique, des revenus pouvant atteindre 150 000 F CFA.
D’autres effets pertinents sont observés tels :
l’accroissement de la diversité et la disponibilité du fourrage des animaux ;
l’amélioration de la cohésion sociale par une forte réduction des dégâts d’animaux sur les cultures ;
la réduction progressive de l’exode vers les villes. Les revenus générés favorisent le maintien d’hommes et de femmes dans leur famille tout au long de l’année.
Sur le plan écologique, on peu aussi noter :
la diminution des coupes abusives du bois par les femmes (pour consummation domestique et génération de petits revenus par la vente de bois) grâce au développement du maraîchage et à la disponibilité du bois de chauffe issu de taillis des légumineuses ;
la lute contre la divagation des animaux par la disponibilité du fourrage ligneux (Gliricidiasepium, Cajanuscajan) ;
la restauration des terres dégradées et la valorisation de terrains nus jadis incultes par des technologies adaptées (zaï, demi-lunes, cordons pierreux, fosses fumières, plantations de légumineuses) ;
la diminution des défrichements saisonniers à vocation agricole grâce aux fermes écologiques.
Vers une mise à l’échelle des savoirs locaux
Les fermes écologiques sont basées sur des techniques et savoir-faire paysans, fondements d’une agriculture intégrée écologique et durable. La promotion des fermes est aussi un exemple d’apprentissage mutuel entre agriculteurs, techniciens et chercheurs. Cette conviction a été formulé par Sawadogo Moumini, chef de programme UICN Burkina Faso au regard des acquis lors de la visite commentée de mai 2015 : « les communautés ont un savoir-faire qui demande à être soutenu, à être mis en exergue, à être accompagné ».
Il est possible d’arrêter la surexploitation et les cercles vicieux induits par les pratiques de gestion destructives, et de préserver la santé humaine, de soulager la faim et le désespoir. Cela requiert l’amélioration des capacités adaptatives des populations à travers la consolidation des pratiques porteuses de résilience et leurs mises à échelle. L’expérience des fermes écologiques comme base d’une agriculture écologique doit être généralisé dans les pays en voie de développement comme le Burkina Faso. Selon (Badgley et al, 2007) , l’agriculture écologique peut produire jusqu’à 80% de plus à l’hectare. C’est la seule qui sera capable d’ici à 2050 de nourrir toute la population mondiale en installant partout où cela est nécessaire des petites fermes locales très productives.
Célestin Poda
Ingénieur des Eaux et Forêts,
Chargé du suivi évaluation du projet CC/ASDI/UICN
Contact e-mail : Celestin.PODA@iucn.org
Oumarou Seynou
Ingénieur des Eaux et Forêts,
Chargé du projet CC/ASDI/ UICN
Oumarou.SEYNOU@iucn.org
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