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Sénégal : le maraîchage écologique comme stratégie de renforcement de la résilience des femmes du Ferlo

Au Sénégal, le Ferlo est une zone semi-aride où les populations à dominante pastorale font face à plusieurs défis climatiques. Toutefois, les écosystèmes offrent de réelles opportunités de valorisation des pratiques agroécologiques capables de renforcer la dynamique des exploitations familiales et la production vivrière. L’ONG AVSF a amené les femmes à percevoir les bénéfices économiques et environnementaux de l’agroécologie dans cette région où la sédentarisation des communautés d’éleveurs est devenue un enjeu majeur.

Le Ferlo sénégalais appartient à la région sahélienne de l’Afrique de l’Ouest. C’est une bande de territoires faisant la transition, à la fois climatique et biologique, entre les domaines sahariens au nord et soudanien au sud. Elle couvre le département de Ranérou-Ferlo et une partie des départements de Dagana, Podor, Matam, Kanel, Linguère, Louga, Mbacké, Tambacounda, Goudiry et Bakel. Elle s’étend sur une superficie de 78 600 km2, soit 40% de la superficie du Sénégal.

C’est une entité bioclimatique définie en première instance par son climat tropical aride à semi-aride, contrôlé par la mousson du Golfe de Guinée et les alizés maritimes et continentaux (Le Houérou & Popov, 1981 ; Toupet, 1992 ; Hiernaux et al, 2006).

Les pluviométries y varient entre 800mm au Sud à 300mm au Nord. Elles sont en général exclusivement concentrées entre juillet et septembre (saison des pluies chaude et humide). Lors de la saison sèche, seules deux ressources en eau sont disponibles.

Les mares d’eau temporaires se forment pendant la saison des pluies et persistent jusqu’en décembre ou janvier. L’accès à cette eau est déterminé par des règles locales : il faut avoir l’accord des communautés voisines pour l’exploiter. Il arrive cependant que les mares se dessèchent de manière précoce. Il existe également l’eau des forages quelque fois à disponibilité limitée due à l’arrivée du cheptel transhumant.

Le type d’élevage qui y est pratiqué est extensif et transhumant. La pratique de l’élevage dans la zone est un élément fondamental en raison des savoirs endogènes et des expériences capitalisées pendant des siècles.

La transhumance s’effectue entre avril et août et les principales destinations sont les régions de Kaffrine, Kédougou et Tambacounda et vers la région de Kayes au Mali. La durabilité de ce type d’élevage extensif repose sur la présence de terres de parcours communautaires et la mobilité des troupeaux qui permettent une valorisation optimale de la biomasse disponible. C’est là une pratique d’adaptation particulière, qui consiste à abandonner les cultures et le campement principal si cela est nécessaire.

La mobilité est plus ou moins possible selon le système d’exploitation. Ce choix est défini selon plusieurs paramètres, à savoir l’importance des revenus tirés de l’agriculture et la possibilité financière et matérielle de faire voyager toute la famille.
Cette donnée est fondamentale pour les mouvements de longue distance.

Cela demande des moyens considérables : les femmes et les enfants, une douzaine d’ânes, trois à quatre charrettes pour transporter les affaires du campement, des chambres à air pour l’eau, un stock alimentaire d’un mois, de l’argent pour les dépenses courantes, une main-d’œuvre pour assurer la conduite et le gardiennage une fois à destination, entre autres.

Ainsi, les familles qui ont des moyens suffisants partent plus tôt et plus loin. A l’inverse, les éleveurs aux moyens limités ne partent que sous la contrainte. Ceux qui ont des troupeaux peu volumineux ne transhument pas. Ils restent entre leurs forages d’attache et ceux limitrophes.

Il faut toutefois noter une sédentarisation de plus en plus importante des familles dans le Ferlo, laquelle s’accompagne par conséquent d’une évolution des systèmes d’élevage (stabulation d’une partie du troupeau, organisation pour l’approvisionnement en intrants, diversification des activités avec l’aviculture, l’embouche, le maraichage, etc.). Parallèlement, de nouveaux besoins apparaissent, tant pour la sécurité alimentaire que pour l’amélioration des conditions de vie.

On constate ainsi, chez certains, une installation définitive (même si le lien avec le terroir d’origine est maintenu), contribuant à la création de villages de plus en plus importants, notamment autour des forages, avec le corolaire de besoins des populations en termes de services économiques (commerces) et sociaux (écoles, centres de santé). Cela entraîne la sédentarisation complète de certains troupeaux qui, en saison sèche, se rendent quotidiennement au forage pour s’abreuver et des prélèvements plus importants sur la biomasse et les ressources ligneuses autour des forages.

Ce processus de sédentarisation en cours engendre des conflits d’accès aux ressources disponibles. Les forages attirent de nouvelles populations, provenant de l’extérieur, mais surtout de l’intérieur de la zone, au niveau des villages et de leurs alentours. Avec l’installation de ces agro-éleveurs, de nouveaux établissements humains se créent (villages/hameaux) non loin des points d’eau.

Une situation très favorable à l’éclatement de conflits. Il faut noter que dans le Ferlo, sauf exception, les cultivateurs sont également éleveurs. La gestion hydraulique et l’usage des terres sont donc au cœur des enjeux de développement dans cette zone.

Longtemps réservé à l’élevage extensif, le Ferlo dispose d’un écosystème fragile menacé par le phénomène des changements climatiques et ses communautés sont de plus en plus exposés aux crises et catastrophes récurrentes : sécheresse, dégradation des sols, déforestation, etc.

Ainsi, le pâturage naturel qui permettait d’assurer l’alimentation du bétail n’est plus suffisant pour la survie de ces populations. D’ où la nécessité, pour les femmes du Ferlo qui s’adonnaient plus particulièrement à la traite et à la vente du lait (qui devient de plus en plus rare en saison sèche), de diversifier leurs stratégies d’adaptation basées sur des modes de production extensifs plus résilients en réponse aux changements climatiques constatés.

Avec l’amélioration des conditions d’accès aux ressources en eau favorisée par la construction de nouveaux forages au Ferlo par le PUDC (Programme d’urgence de développement communautaire), ainsi que l’évolution des besoins alimentaires des populations, les conditions de diversification des systèmes productifs sont favorables.

Les femmes du Ferlo qui, traditionnellement, accèdent peu à des sources de revenus, représentent une frange très vulnérable aux changements climatiques. Pour mieux renforcer la résilience de ces femmes, le développement du maraichage, fondé sur des pratiques agroécologiques autour des forages, se présente comme une activité incontournable. C’est le défi qu’a voulu relever Agronomes Vétérinaires Sans Frontières (AVSF) dans la zone.

Objectif de l’expérience

Le développement du maraîchage à base agroécologique vise particulièrement à répondre aux défis de la sécurité alimentaire dans le Ferlo. Ainsi, AVSF s’appuie sur les services écosystémiques pour le bien-être rural et la conservation de la biodiversité à travers le recours aux innovations agroécologiques telles que le compostage, les bio-pesticides, la lutte biologique, les pratiques et technologies endogènes portées par les agriculteurs locaux comme la jachère, les rotations culturales, l’assolement, etc.

Présentation

La promotion de l’agroécologie dans un contexte de changement climatique constitue une innovation première d’AVSF dans cette partie du Ferlo. L’agroécologie apparaît de plus en plus comme une réponse pertinente á la problématique d’adaptation agricole des régions sèches. Que ce soit en matière de gestion de l’eau, de préservation du sol contre l’érosion et de la gestion de la fertilité des sols.

Nous travaillons particulièrement avec des femmes regroupées en GPF (groupement de promotion féminine) dans les communes de Thiel, Barkedji, Ouda laye, Labgare et Vélingara. Un encadrement d’AVSF basé spécialement sur les pratiques agroécologiques est développé dans ces zones précitées. Ceci se focalise particulièrement sur les pratiques endogènes et la valorisation du fumier organique très disponible dans la zone par le compostage.

En effet, dans ces parcelles maraîchères, un ensemble de pratiques respectueuses de l’environnement sont mises en exergue, le tout formant un système intégré ayant un objectif commun qui est la gestion durable des ressources (eau, sol, végétation …).

Gestion des périmètres maraîchers

Les périmètres maraîchers étant conduits par des groupements, des stratégies de gestion communautaire vont être définies, et ce en collaboration avec les groupements pour respecter leurs choix et principes de gestion. Pour la gestion des parcelles, les différents cas de figure possibles sont les suivants :

  • chaque membre du groupement dispose de sa parcelle qu’elle gère au sein du périmètre ;
  • tous les membres du groupement gèrent ensemble tout le périmètre ;
    On essayera d’avoir tous les deux cas de figures au sein de différents périmètres afin de pouvoir faire, à la fin, une analyse comparative du mode de gestion communautaire des périmètres maraîchers.
    En ce qui concerne la gestion des pépinières, deux cas de figures présentent aussi :
  • si chaque membre a sa parcelle individuelle à gérer alors les pépinières seront communes à tous les membres désirant exploiter et transplanter la culture semée en pépinières (possibilité de désigner entre elles, des personnes chargées de l’entretien des pépinières) ;
  • si tous les membres du groupement gèrent ensemble le périmètre alors les pépinières vont aussi être gérées par l’ensemble du groupement.

Quant à la gestion du matériel et des intrants agricoles, elle incombera au bureau du groupement.

Ainsi, après la clôture par grillage ou haie morte pour sécuriser le périmètre contre les animaux en divagation, on met en place un « mur écologique », c’est-à-dire une plantation d’arbres épineux sur la première ligne de périmètre du champ. L’espèce utilisée pour la réalisation de ce « mur écologique » est l’Acacia mellifera, (arbre épineux à feuilles caduques qui possède de multiples branches en forme d’entonnoir et à la couronne arrondie). Cette espèce est reboisée avec une distance d’un mètre entre chaque individu pour permettre leur ramification. Une fois ramifiée, l’entassement entre les branches restent plus denses et constitue un mur plus durable.

Ainsi, nous mettons en place des cultures associées : tomates oignons carottes, tout en veillant sur l’alternance de cultures à enracinements variés comme les lignes de maïs entre les légumineuses qui permettent d’améliorer la structure du sol, une composante essentielle de sa fertilité. Ensuite, les arbres fertilitaires (leuceina) et fruitières (citronniers, goyaviers…) sont installés dans l’ensemble de chaque périmètre pour réduire la chaleur (très forte) sur les cultures et renforcer le sol en matière organique.

Et enfin, la lutte contre les bioagresseurs qui se fonde essentiellement sur la production de biopesticides à base d’Azadiracta indica et de Calotropis procera plus connus sous le nom local de Neem et poftan respectivement.

- Exemple du compostage

Les matières organiques d’origine végétale et animale sont mises en fermentation pendant une certaine période afin de réduire leur rapport C/N (carbone/azote), ensuite les amener au champ et enfin apurer la matière organique issue du compostage. L’opération consiste à augmenter la quantité de la matière organique pour la production agricole.

L’objectif est aussi d’améliorer les propriétés physico-chimiques et biologiques du sol afin qu’il puisse exprimer sa productivité. Le compost augmente la capacité de rétention de l’eau du sol et contribue ainsi à la réduction du stress hydrique des cultures pouvant être accentué par la variabilité climatique. Le compost permet aussi l’augmentation des rendements et de réduire l’insécurité alimentaire.

- Exemple du neem

Les pratiques de lutte contre les parasites des plantes par l’usage du neem représentent une alternative écologique, qui permet de diminuer l’utilisation de pesticide chimique pour le traitement des maladies des plantes. Cette pratique réduit le risque de pollution par l’usage des pesticides chimiques et permettra aux paysans de faire face aux risques d’attaque sur les plantes de nouvelles maladies liées au changement climatique.

Le Neem agit sur les insectes comme une hormone juvénile : l’azadirachtine, la principale substance active, ingérée par la larve, empêche la mue. L’insecte reste au stade larvaire et meurt. Les insectes se détournent des cultures traitées. Un insecte qui ingère du végétal traité avec de l’huile de Neem subit de désordres digestifs et cesse de s’alimenter.

Le coût de la technologie est très faible. Les produits sont disponibles en milieu paysan. La fabrication des solutions ne nécessite pas de matériels spécifiques. Le paysan peut utiliser le matériel à sa disposition.

Dans la production agricole ou forestière, l’huile de neem permet la mise en place de procédés efficaces et respectueux de l’environnement pour les cultures. L’huile de neem agit en tant que stimulant des défenses naturelles de la plante. Sous certaines formes, l’huile stabilise et maintient la qualité des sols au niveau des oligoéléments : elle favorise l’apport d’azote, de phosphore et de potassium. Elle permet d’augmenter en quantité et en qualité la production légumière, fruitière tout en préservant la qualité des aliments.

Toujours dans l’accompagnement de ces pratiques, une sensibilisation sur les méfaits des intrants chimiques vient renforcer davantage l’importance d’avoir recours à ces pratiques.

Rôles des acteurs impliqués : prise en compte du genre

Dans le domaine foncier, même si la législation n’établit pas de discrimination, les droits d’usage favorisent les hommes qui exploitent la terre avec la main-d’œuvre familiale constituée par les femmes et les jeunes. Les femmes accèdent beaucoup plus à la terre en groupement qu’à titre individuel.

Compte tenu de ces faits, les périmètres maraîchers seront portés par les femmes et l’accès à la terre deviendra plus simple en collaboration avec les collectivités territoriales. Le Projet mettra en œuvre une démarche inclusive à l’égard des plus pauvres, des femmes regroupées en organisations.

A cet effet, des actions de sensibilisation de proximité et d’information à la base sont réalisées par les équipes de terrain. Ces activités s’appuient sur les organisations communautaires de base, de façon à toucher tous les villageois et à faciliter l’accès du plus grand nombre, en particulier les plus vulnérable, aux activités agricoles génératrices de revenus soutenues par le projet de lutte contre la désertification par l’appui au pastoralisme dans le Ferlo.

Constituées en groupement de promotion féminine, les femmes s’activent dans les périmètres maraîchers durant toute l’année. En effet, les parcelles variant entre un hectare et demi-hectare sont attribuées par la commune aux groupements ou à la fédération des groupements. Elles sont organisées en groupe de travail à tour de rôle pour certaines et pour d’autres la parcelle est répartie par lopins de terre et chacun se charge de sa planche qu’elle gère individuellement. Les recettes sont réparties entre les bénéficiaires selon la finalité de la production, c’est-à-dire destinée à l’autoconsommation ou à la commercialisation.

Par ailleurs, en plus de l’attribution des périmètres, les autorités locales et administratives jouent aussi un rôle important sur la réduction du coût de l’eau. Ceci, grâce au plaidoyer qui se mène auprès d’elles-mêmes, du bureau de l’Association des usagers du forage (ASUFOR) ou du comité ad-hoc.

Dans un souci de pérennisation et d’autonomisation complète de ces femmes, les appuis matériels et semences du projet ne sont assurés que pendant la première année du partenariat. L’appui est toutefois continu, s’agissant du renforcement de capacité en agroécologie. Mieux, un suivi régulier est effectué par le dispositif de terrain du projet pour appuyer davantage la gestion administrative et financière.

Résultats obtenus

La production agroécologique des légumes dans le Ferlo a permis aux femmes rurales d’avoir une activité génératrice de revenus supplémentaires.
Ainsi, le maraîchage leur offre une possibilité de subvenir aux besoins du ménage.

En début de projet, six périmètres ont été aménagés dans les communes de Vélingara et de Thiel avant de passer à 14 autres répartis entre les communes de Oudalaye, Labgare, Barkedji puis à 20 périmètres en novembre 2018. Au total, 1030 femmes sont directement bénéficiaires de parcelles maraîchères au Ferlo. Ce tableau suivant indique les résultats chiffrés obtenus dans certains périmètres.

Economie générée par périmètre

Recettes totales générées par périmètre de mars à novembre 2018

Dans ce graphique, nous remarquons que les périmètres de la fédération de Thiel, de Barkedji et de Dirfel ont généré les plus grandes recettes. Ce qui pourrait être expliqué par le fait qu’ils ont d’abord les plus grandes superficies et 1ha, 2ha et 1ha respectivement. Mais aussi par le fait que les charges sont moindres dues à la réduction du coût de l’eau et l’installation du système goutte-à-goutte par le projet « ega egga » fait que l’eau est utilisée de manière économe.

En effet, l’avantage de ce système d’arrosage dans cette zone du Ferlo où l’eau reste le principal facteur limitant pour le maraîchage, c’est qu’en plus d’être pratique, il est programmable. L’eau ne touche pas vos plantes. Elle entre directement dans le sol permettant du coup d’éloigner les différentes maladies qui peuvent apparaître lorsque l’eau stagne sur les plantes. Ce système permet aux dames d’économiser de l’énergie et de s’adonner à plusieurs tâches à la fois.

Par ailleurs, dans les autres périmètres, non seulement ils ont des superficies réduites mais le coût de l’eau est encore plus élevé, avoisinant les 350 à 400 F CFA le mètre cube. Ce qui augmente les charges et par conséquent réduit la recette finale. Néanmoins, des efforts sont en train d’être faits car le projet « ega egga » a entamé des plaidoyers au niveau des ASUFOR pour une réduction du coût de l’eau dans ces périmètres.

Ainsi, nous avons obtenu des résultats dans les unités pastorales de Djoulky où l’eau est gratuite pour les femmes, mais aussi à Younouféré où trois de nos périmètres encadrés bénéficient d’une tarification forfaitaire à 5000 F CFA le mois quel que soit le volume d’eau consommé. Cependant, le problème demeure toujours dans les unités pastorales telles que Labgare, Lougueré thiolly, etc.

Impacts

Les impacts positifs de ces pratiques agroécologiques concernent d’abord la fertilité organique et minérale des sols, ainsi que le stockage de carbone dans les sols lié lui-même à la fertilité organique, même si l’effet n’est pas toujours significatif.

La demande en périmètres maraîchers dans cette zone est toujours croissante sans compter les autres initiatives mises en place grâce à l’impact de certains périmètres comme Thiel qui a pu donner naissance à trois autres périmètres dans l’unité pastorale. Ou encore le périmètre de la fédération de Younouféré ayant remporté le deuxième prix du concours femmes en maraîchage « MO WARGNI NAFTORO » dans le département de Ranérou initié par les autorités administratives, les services techniques et certains projets de la zone.

Sur le plan nutritionnel, les femmes affirment avoir une possibilité de varier leur alimentation. Ce qui impacte directement sur leur santé. D’ ailleurs, d’après l’infirmière de Dayane, village situé dans la commune de Vélingara Ferlo, depuis l’implantation du périmètre, le taux de malnutrition des enfants du village a considérablement baissé.

Les résultats de ces pratiques agroécologiques dans le Ferlo se distinguent non seulement par la place importante du maraîchage comme activité génératrice de revenus des femmes, mais aussi dans la santé de la famille principalement des enfants. En effet, les femmes ont affirmé, dans les zones d’intervention du projet, que « même si nous ne commercialisons pas effectivement tous les produits, nous avons constaté une amélioration de la santé de nos enfants ».

Résultat ne pourrait être aussi élogieux compte tenu des problèmes de malnutrition généralement observés dans la zone. Une alimentation saine et variée grâce à une production de légumes naturels sans aucun produit chimique est enfin obtenue dans ces ménages ruraux du Ferlo.

Difficultés rencontrées

Dans l’appui-accompagnement des femmes sur le maraîchage, les principaux problèmes rencontrés restent ceux de l’eau liés à son coût élevé, mais aussi aux pannes de forage récurrentes et de longues durées qui font que certains périmètres n’aboutissent pas à la récolte. On peut citer, entre autres exemples, les cas notés à Thionokh, Vélingara et Dayane.

D’ autres facteurs tels que la divagation des animaux restent fréquents même si le projet a mis à la disposition de certaines bénéficiaires du grillage. Par ailleurs, utiliser moins de produits chimiques entraîne fréquemment une baisse des rendements, surtout en zone tropicale, d’où la nécessité d’augmenter le prix du produit agroécologique.

Cela nécessite un plan de communication et de marketing pour les périmètres destinés à la commercialisation. L’autre problème pour les systèmes agroécologiques concerne la pénibilité du travail qui est plus élevée. Pour faire accepter les femmes et les engager à supporter cette charge, il faut beaucoup de sensibilisation sur les méfaits des intrants chimiques.

Enfin, la vulgarisation des pratiques agroécologiques devient plus difficile lorsqu’ il existe localement des ruptures de transfert de connaissances et de savoir-faire traditionnels ou lorsque les pratiques apparaissent trop complexes.

Durabilité et stratégie de pérennisation

Dans un souci de durabilité des activités, AVSF a mis en œuvre un système de subventions dégressives. A la première année, l’apport du groupement est au tour de 20%. Ce qui peut être évalué en nature par rapport à leurs investissements d’avant-projet (périmètre déjà clôturé, bassin, etc.) ou bien financier, s’il s’agit d’un périmètre nouveau à installer.

Pour la deuxième année, l’apport d’ AVSF est passé de 80% à 40%. En dernière année, le GPF se prend en charge intégralement. Ceci est développé dans le but de rendre autonome le GPF afin que l’activité continue à la fin du projet.

Toujours dans le but de pérenniser les activités, nous évitons aux GPF de devoir revenir sur certains investissements tels que le grillage, en mettant en place des plantes de méllifeira constituant ainsi un mur écologique. De plus, nous encadrons les GPF dans la gestion financière ainsi que dans l’anticipation sur les risques, comme la mise en place de l’Office des forages ruraux (OFOR), une réforme nationale qui pourrait totalement modifier le partenariat avec les ASUFOR sur la réduction du coût de l’eau.

Enseignements et défis

Le premier enseignement tiré de ces pratiques montre que la diversification de ces cultures a permis une amélioration nutritionnelle et alimentaire. Elle a aussi permis de baisser les coûts de production (intrants externes), de générer des recettes et d’augmenter le revenu et l’autonomie des femmes. La réduction sensible des intrants chimiques à une plus grande échelle permettrait donc de réduire les risques pour l’environnement et la santé des populations.

Ces pratiques agroécologiques valorisées par AVSF dans le Ferlo sont par ailleurs des connaissances et des savoir-faire préexistant localement. Elles ont été renforcées et articulées à l’expérimentation scientifique pour donner ces résultats prometteurs. Elles peuvent donc conduire vers une résilience durable.

L’agroécologie se repose sur la préservation et la valorisation d’une grande diversité génétique d’où la nécessité pour AVSF d’amener ces femmes vers la production de leurs propres semences agricoles pour assurer davantage cette transition agroécologique.

Khady Diagne Sognane

Agronome spécialisée en gestion des risques liés à l’insécurité alimentaire en Afrique,
Responsable de la production végétale dans le cadre du projet Lutte contre la désertification par l’appui au pastoralisme dans le Ferlo (ONG AVSF - Sénégal)

Contact : kdiagne05@gmail.com