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Sécurité alimentaire et augmentation durables des revenus des ménages : la RNA au secours des producteurs à Kaffrine (Sénégal)

Dans le souci de trouver des stratégies durables et respectueuses de l’environnement pour la réduction de la vulnérabilité des populations et l’accroissement de leurs revenus, World Vision Sénégal (WVS) à travers sa Base de Kaffrine (centre du Sénégal), a initié, à partir de 2008 un projet de Gestion de la Régénération Naturelle Assistée (RNA) par les agriculteurs. Ce projet a mobilisé
l’intervention de plusieurs partenaires.

Kaffrine est une nouvelle région administrative du Sénégal. Elle est
si- tuée dans le centre du pays notamment dans le bassin arachidier. Elle
abrite, une des plus importantes bases d’intervention de WVS. Des leçons apprises par WVS de ses expériences notamment dans la partie nord du Sénégal (les régions de Louga et Thiès), il est apparu indispensable
de veiller à renforcer les revenus monétaires des ménages accompagnés par un focus sur une gestion rationnelle des ressources naturelles avec un souci de les préserver pour les générations futures. L’expérience de terrain a montré que face à la dégradation avancée de l’environnement, les populations
autochtones sont enclines à se déplacer vers des zones plus clémentes laissant derrière elles d’importants investissements déjà réalisés.

Dans le souci d’éviter ces risques pouvant annihiler les efforts de développement entrepris/déployés dans ses programmes notamment à Kaffrine, WVS a lancé un projet de Gestion de la RNA par les agriculteurs dans deux de ses programmes avec l’intervention de plusieurs partenaires.
Aujourd’hui, ce projet élargi depuis 2009 aux sept programmes en cours dans la région dure jusqu’en 2012.

Le projet vise à accroître durablement les revenus des ménages et la sécurité
alimentaire avec un focus sur l’adoption de comportement favorisant la protection de l’environnement et l’utilisation de la régénération naturelle assistée.

Un projet, plusieurs partenaires, un apprentissage mutuel…

Ce projet est mis en œuvre dans dix communautés rurales (CR) dont celles de
Touba Mbella dans le département de Birkelane. Le choix de ces CR a été guidé par une dégradation galopante de la végétation ligneuse et un niveau d’adoption de la régénération naturelle assistée (RNA) qui est faible malgré les nombreux rejets de souches existants (272 pieds/ha de Guiera senegalensis et 291 pieds/ha de Combretum glutinosum au minimum).

Si la mise en œuvre du projet est avant tout l’affaire des agriculteurs qui doivent pratiquer la technique de RNA, l’appui de plusieurs partenaires est indispensable pour obtenir le succès escompté. La régénération naturelle assistée consiste à laisser au cours du défrichement (en saison sèche ou en
saison des pluies) un à trois (3) rejets issus des souches des différents arbres et arbustes (entre 80 à 150 pieds à l’hectare) pour qu’ils poursuivent leur croissance.

Les différentes étapes de la réalisation de la RNA sont :

- repérage et sélection des rejets à protéger ;
- coupe des rejets non sélectionnés ;
- entretien et élagage des rejets sélectionnés chaque année ;
- exploitation raisonnée des branches issues des arbres régénérés en fonction
des espèces et des besoins (fourrages, bois, matière organique etc.).

La pratique de la RNA permet de lutter contre une surexploitation des ressources naturelles pour répondre aux besoins de production agricole et pastorale et de l’énergie domestique qui aboutit à la dégradation de la base de production dont les conséquences sont : l’érosion hydrique et éolienne, la baisse
de la fertilité des terres etc. Le choix de cette approche est le fruit d’une visite d’échange effectuée par un staff de WVS dans la région de Maradi au Niger où la RNA est pratiquée sur des milliers d’hectares.

Ainsi, des techniciens en RNA mais aussi les dirigeantes des collectivités locales
d’intervention, les autorités administratives interviennent à différents niveaux.
L’intervention de toutes ces parties prenantes se justifie d’autant plus que ce
projet fait d’abord appel à un changement de comportement suivi d’actions pratiques comme la réalisation de 11089 ha de RNA en l’espace de trois ans. Cela illustre un engagement à préserver l’environnement pour améliorer les revenus agricoles tout en ne compromettant pas l’avenir des générations futures.

Afin d’éviter des dispersions, les responsables du projet ont, dans un premier temps, identifier toutes les parties prenantes à tous les niveaux qui peuvent apporter une contribution pour la réussite. Ainsi plusieurs partenaires ont été identifiés notamment au niveau local et régional (groupements de paysans et éleveurs, l’inspection des eaux et forêts, les conseils ruraux, les autorités
administratives, les Inspections scolaires, etc.), au niveau national (ONGs, Organismes de Recherche, de Conseil agricole). Ensuite, un atelier d’échange et de partage d’une journée animé par le management du projet est organisé pour harmoniser une compréhension commune et partagée du projet par toutes les parties prenantes. Les tâches dévolues à chaque partenaire sont
identifiées et définies. Ainsi l’inspection des eaux et forêts a en charge la production des plants, suivi de la plantation et la formation des agriculteurs sur la pratique de la RNA. Quand à l’Agence Nationale de Conseil Agricole Rural (ANCAR), elle joue un rôle d’appui conseil pour les activités d’accompagnement (maraîchage, riziculture, apiculture, embouche). Les inspections de l’éducation ont pour tâches l’intégration de l’éducation environnementale dans les
modules d’enseignement avec un focus sur les techniques de RNA à la suite de
la formation des enseignants des écoles ciblées.

A l’issu de l’atelier d’orientation des partenaires, le partenariat est formalisé avec l’élaboration et la signature des conventions.

Pour la mise en œuvre effective, les moyens financiers et matériels sont mis à
la disposition de chaque partenaire pour l’exécution des taches dévolues. A la fin de chaque trimestre un rapport d’activités sur le suivi des indicateurs est élaboré. Des réunions de coordination sont également tenues pour évaluer le niveau de mise en œuvre des engagements de chaque partie.

Quelques résultats du partenariat

Grâce au processus de partenariat où chaque partie prenante se sent responsabilisée, à mi-parcours de la mise en œuvre du projet, des résultats encourageants ont été obtenus. Des formations en techniques de greffage sur le Zizuphus Mauritiana pour les producteurs de la vallée de Diassoum (dans la CR de Touba Mbella) et les techniques de plantation des manguiers et agrumes dans le verger de koumbidia (CR de Saly Escale) ont été effectuées. Mille cent cinquante leaders sont imprégnés de l’importance de la gestion de l’environnement pour la préservation de la nature en général. Ils sont surtout conscients du rôle qu’ils doivent jouer dans la sensibilisation des communautés.

On note aussi que les femmes sont de plus en plus engagées dans la protection de l’environnement. Quatre vingt trois femmes ont bénéficié d’une formation et d’un encadrement. Elles sont plus motivées dans les activités environnementales et économiques. Mieux, elles sont toujours présentes dans des activités.

Avantages de la RNA…

Il a permis de démontrer que celle-ci a un effet positif sur le rendement de
cette spéculation. Il existe une différence significative entre la production en grains dans les deux régimes. Le régime avec RNA est beaucoup plus productif que celui sans RNA. Le premier a donné 767kg/ha alors que le second n’a produit que 296kg/ha. A coté de cette hausse significative du rendement à l’hectare, les espèces comme Combretum glutinosum (ratt) et Piliostigma
reticulatum
(Nguiguis) qui sont abondantes dans les champs surtout sous forme de rejets de souche font partie des cinq premières espèces préférées par les agriculteurs dans les parcelles de culture selon une enquête de
perception que nous avons menées auprès de 500 ménages en 2008 dans la zone du projet. Étant donnée que les retombées de la RNA ne sont pas si immédiates et pour faciliter l’engouement des populations dans la pratique de la RNA, le projet a développé des activités d’accompagnement avec un
accent particulier sur le maraichage à cause de l’existence de bas fonds. La culture maraîchère a suscité un grand intérêt au niveau des communautés.

Avec le soutien de l’ANCAR, beaucoup de producteurs s’adonnent à cette activité pour des besoins de consommation et aussi comme source
de revenus. Cela démontre l’importance que les communautés accordent à la création de richesses par les activités génératrices de revenus.

Deux visites d’échanges au Sénégal ont été organisées. L’une portait sur l’expérience des communautés encadrées par Plan International dans la zone de Saint-Louis sur la RNA et les activités d’accompagnement.

L’autre visite, en partenariat avec IED Afrique, a porté sur l’élaboration et le
fonctionnement des conventions locales dans la zone de khatre-SY sur la protection de l’environnement par les populations.

Globalement, il a été constaté, les impacts suivants :

- les populations, en général, les leaders paysans et les enfants particulièrement sont sensibilisés et formés aux activités de protection de l’environnement pour une agriculture durable ;

- les paysans ont accès à diverses sources de revenus agricoles ;

- des projets durables (car la gestion de ces projets est entièrement assurée par et pour les agriculteurs) de gestion de la régénération naturelle par les agriculteurs sont implantés dans 7 ADP de WVS

Le Jatropha curcas et d’autres espèces agroforestières (Zizyphus mauritiana, Faidherbia albida, Acacia nilotica et Pterocarpus erinaceus)
sont plantés respectivement en haies vives et dans les champs. Ces espèces sont plantées au niveau de parcelles de cultures à cause de leurs usages multiples : fertilisant, production de bois de services ou d’œuvre, fourrage, rôles alimentaires et en pharmacopée.

L’association haie vive de Jatropha curcas et espèces agroforestières dans les
champs permet en plus des avantages cités ci-dessus, d’assurer une protection contre l’érosion éolienne et hydrique et la divagation des animaux favorisant ainsi une restauration des terres dégradées.

Conclusion

A Kaffrine, il a été constaté une nette prise de conscience des défis liés à une gestion rationnelle et concertée des ressources naturelles. Toutes les parties prenantes se sont mobilisées dans le seul souci de relever le défi de l’amélioration des revenus agricoles des ménages tout en assurant une gestion rationnelle des ressources naturelles et notamment forestières. Par ailleurs, avec les activités de sensibilisation effectuées dans les villages, les écoles, etc., les élèves (enfants) sont plus intéressés à la protection de l’environnement. On note une forte participation des filles aux différents cours.

Charles BAKHOUM,

Directeurs des Opérations à World Vision Sénégal

Email : charles_bakhoum@wvi.org

Mamadou FALL

Chargé du programme à IED Afrique

Email : mfall@iedafrique.org