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Bamboutos, Ouest du Cameroun, face à une pénurie d’eau liée au changement climatique

Durant l’année 2007, la ville de Mbouda, située au piémont de l’un des versants
des Monts Bamboutos a connu une pénurie d’eau sans précédant qui a duré plus
de 4 mois, poussant les 20.000 habitants de la bourgade à aller chercher de l’eau de boisson, ou de l’eau tout court, dans la principale ville voisine à 20 km ou alors dans les villages situés plus loin. Comment en étions nous arrivés la ? Pour beaucoup, cette situation résulte des effets pervers du changement climatique combinés aux actions anthropiques. Pour faire face à cette situation et réduire ce risque climatique engendrant la rareté de l’eau dans cette zone à fort potentiel agricole des solutions et technologies en matière de gestion intégrée de l’eau sont mises en œuvre par les ONG locales en collaboration avec les populations.

Une région à fort potentiel agricole, mais face une forte pression sur les ressources en eau

Massif unique et important par ses potentiels agricoles, implanté dans une des
régions les plus densément peuplées du Cameroun, et offrant une qualité de vie
intéressante au point de vue des ressources naturelles et culturelles, les Monts
Bamboutos culminent vers 2800m. Ils hébergent des ressources végétales et
animales uniques, quasi-endémiques et jouissent d’un micro climat qui depuis les temps des occupations coloniales en ont fait un lieu de grande réputation.

A côté de l’implantation d’une vaste plantation de thé et des eucalyptus pour la fourniture de l’usine en bois, les cultures maraîchères et l’élevage extensif bovin ont réduit considérablement le couvert végétal en quelques décennies. La fréquence des conflits entre acteurs plus ou moins licitement installés a fini par faire voir au grand jour les origines liées à l’économie de l’eau. L’appropriation abusive ou le détournement carrément des sources d’eau, leur utilisation inefficiente en absence de suivi rigoureux et des approches égoïstes ne tarderont pas à démontrer des conséquences immédiates, sur les sites, et de proche en proche sur les communautés humaines vivant plus bas.

Les zones entières des Monts Bamboutos constituent un vivier des produits agricoles « tempérés » pour toute la sous région Afrique centrale. Elles connaissent rarement du repos tout au long de l’année, avec des jeunes entrepreneurs ingénieux qui développent diverses stratégies de captage et d’irrigation, lesquelles permettent de produire des tonnes de légumes divers sur toute l’année. Vers les sommets plus froids, des pans entiers ont été plantés d’eucalyptus, arbre dont la croissance rapide est liée aussi à sa gourmandise en eau. Entre les deux, de vastes zones sont transformées en pâturages, dont les capacités de charges sont en général largement dépassées, avec à la clé un dénudement rapide, une érosion poussée et une infiltration en eau très réduite.

Des risques liés au climat accentuent le problème…

Les risques climatiques dans la région sont plus que jamais très perceptibles et régulièrement mis en première ligne dans les actions à entreprendre. Il aura donc fallu vraiment un signal. Et les signaux de réponses ne manquent pas.
KFA, une ONG locale qui depuis le milieu des années 90 identifia les risques climatiques, notamment, les variations de régimes hydrographiques associées à la gestion calamiteuse des bassins versants des Monts Bamboutos. Les études commises et les conclusions mirent en avant l’irresponsabilité d’une part de certains membres des communautés, mais encore plus du silence ou alors du manque d’action des différentes administrations, y compris la mairie située sur les hauteurs.

Les actions de lobbying étant encore peu comprises ou faiblement prises en compte, ses conclusions émurent par sa pertinence et sa cohérence, surtout dans les medias, mais sans aucune action réelle. Cependant, la Mairie de Batcham (entre 1600- 1800m) avait envisagé un vaste reboisement conservatoire des bassins versants.

L’expérience fut perdue dans les dédales des procédures administratives : personne ne sait ni le nombre ou encore mieux la situation des arbres.

Des initiatives et technologies pour la gestion intégrée de l’eau

Si diverses analyses de style purement académique ont été entreprises par des
universitaires, la plus part du temps pour enrichir des revues et autres bibliothèques, les actions de remédiation tardent à prendre corps. Mais elles existent, éparses au début, mais connaissant maintenant une certaine coordination des initiatives.

ACREST, autre ONG bénéficiant d’une écoute large au plan de la mobilisation des ressources, essaie depuis des années de proposer des solutions alternatives à la surconsommation des énergies, notamment à travers la promotion des microcentrales hydro électriques, la carbonisation des résidus de culture, et des fours écologiques, moins consommateurs de bois. Elle organise des sessions de formation des populations et vient de lancer avec l’appui de l’IUCN un programme de reboisement communautaire de 5ha dans les zones de naissance des sources d’eau et de protection des bassins versants. Elle entend au bout de 24 mois associer les initiatives de 5 villages situés entre 1600-2000m en vue du reboisement, des méthodes alternatives d’irrigation moins consommatrices en eau et de la meilleure gestion des eaux de surfaces. Autrement, il ne suffit pas d’apprécier les risques climatiques majeurs, mais surtout d’entreprendre des actions durables, opportunes et stratégiques pour y remédier.

Félix Meutchieye,

Ingénieur Agronome-Géographe environnementaliste,

Université de Dschang

Olivier Fokam Miantsa,

Ingénieur des Eaux, forets et Chasse,

Université de Dschang

Djioguo Neigha Augustin,

Ingénieur des Travaux Agricoles,

Université de Dschang