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Promouvoir la diversification agricole pour lutter contre l’insécurité alimentaire dans le Centre-Nord du Sénégal

L’appui conseil et la vulgarisation de techniques agricoles innovantes constituent des axes importants de la stratégie d’intervention de la FADEC/SUD, une organisation de producteurs intervenant dans le centre-nord du Sénégal. C’est ainsi que pour contribuer à la revitalisation du secteur agricole mis à mal par une sécheresse chronique qui a engendré une baisse de la productivité dans sa zone d’intervention, la FADEC/SUD a initié un projet de diversification agricole, à travers l’introduction du maraîchage. Elle a par ailleurs développé un ambitieux programme de renouvellement semencier pour soustraire les paysans de la dépendance aux fournisseurs d’intrants et améliorer la qualité de la production. Ces deux initiatives ont eu un impact très positif sur la vie des populations.

Une activité agricole fortement dépendante des cultures vivrières et de rente

La Fédération des Associations de Développement Communautaire (FADEC/SUD) est une organisation de producteurs sénégalais créée il y a 14 ans. Mise en place par les populations de la zone centre-nord du Sénégal, après le départ de l’ONG World Vision, elle compte, à son actif, 22 700 membres répartis dans 334 villages (départements de Tivaouane, Bambey, Diourbel et Louga). Sa zone d’intervention couvre 18 collectivités locales principalement rurales.

Elle développe une politique d’accompagnement des populations rurales de cette zone à différents niveaux (santé, éducation, accès à l’eau, artisanat et développement rural).

La zone d’intervention de la FADEC/SUD est l’une des régions les plus pauvres du Sénégal. Les populations tirent la majorité de leurs revenus des cultures céréalières et de rente effectuées pendant la saison des pluies.

Or, il s’avère que ces productions voient leurs rendements baisser d’une façon remarquable depuis plusieurs années suite à l’appauvrissement des terres et à la baisse de la pluviométrie. A titre d’exemple, les rendements céréaliers sont passés de 800 kg / ha à 500 kg /ha durant ces 5 dernières années.
Le potentiel hydraulique de la zone est constitué de centaines de puits-forages construits par l’ONG World Vision. Faute d’équipements d’exhaure, plusieurs de ces infrastructures étaient inexploitées.

Devant ce tableau très peu reluisant, un exode important est noté notamment chez les jeunes.

Face à cette situation, la FADEC / SUD a développé des programmes innovants pour stopper cet exode et permettre d’une façon générale à ces populations d’améliorer leur sécurité alimentaire.

Introduction du Maraîchage pour diversifier l’activité agricole

Promouvoir le maraîchage dans la zone continentale du Sénégal constituait un véritable défi. Défi, parce que traditionnellement les cultures maraichères au Sénégal sont l’apanage presque exclusif de zones spécifiques caractérisées par une certaine richesse de leurs sols et une nappe phréatique à fleur de terre (les Niayes et la Casamance). Ici, dans la zone d’intervention de la FADEC/SUD, la nappe se situe à 40 m sous terre.
Défi, aussi, parce que culturellement ces populations n’étaient habituées, depuis de nombreuses générations, qu’à la culture vivrière (mil, sorgho, niébé..) et de rente (arachide) pratiquée pendant la saison des pluies. Dans l’esprit des populations et des autorités locales, la culture maraichère était inconcevable.

Il a fallu toute la détermination de la FADEC/SUD pour relever le défi et initier une véritable révolution culturelle avec l’appui de quelques paysans pionniers. Avec ces derniers, elle a lancé une politique de promotion de l’activité maraîchère avec le slogan « un ménage, un périmètre maraîcher » qui a fini d’occuper plus de 580 ménages dans les arrondissements des Mérina Dakhar et Niakhène dans le département de Tivaouane.
L’idée était que chaque ménage puisse cultiver une parcelle et améliorer sa sécurité alimentaire. Ce processus de diffusion a été facilité par la présence d’eau productive (excédent) des forages et la mise en place d’intrants agricoles (semences, engrais, fonds de roulement) et la disponibilité d’un staff technique pour encadrer les paysans. La FADEC / SUD a développé une ligne de crédit à travers son institution de Microfinance (la MEC / FADEC KAJOOR) très dynamique dans l’autopromotion du monde rural.

Stratégies d’intervention de la FADEC/SUD

Depuis sa création, la FADEC/SUD s’efforce de démontrer aux communautés paysannes de sa zone d’intervention qu’à force d’engagement et de volonté, elles peuvent développer sans grandes difficultés des activités de maraîchage, quand bien même les conditions pédoclimatiques sont réputées peu propices. Elle a adopté la stratégie de la preuve par l’action pour amener les paysans à adopter le maraîchage. Au départ, elle a ciblé 3 paysans de 3 villages pilotes qu’elle a accompagnés dans la mise en œuvre des premières expériences maraîchères. Il s’agit d’Ablaye Gadiaga, du village de Ndop Gadiaga, de Cheikh diop de Darou Sam et de Maguette Sarry de Gatt Yaram. Ces 3 paysans ont été formés aux techniques de maraîchage et suivis durant tout le processus de production.

Les premières récoltes enregistrées ont été tellement importantes que les autres populations des 3 villages ne se sont pas fait prier pour solliciter à leur tour l’accompagnement de la FADEC pour démarrer des activités de maraîchage.

Ce que l’organisation a fait, mais en adoptant une démarche innovante. Contrairement aux organisations d’appui au développement qui injectent de l’argent pour financer les activités des paysans, la FADEC refuse d’instaurer une culture de dépendance financière des paysans vis-à-vis d’elle. En effet, au cours de la première année, appelée « année zéro », c’est le paysan qui finance tout, de l’achat des intrants à l’exploitation. La FADEC ne fait que suivre et apporte l’appui conseil nécessaire pour amener le paysan à respecter toutes les étapes de la production. Elle peut aussi faciliter l’obtention de certains intrants grâce à son réseau de partenaires spécialisés dans la fourniture de semences et autres.

Au bout de la deuxième année, le paysan a la possibilité de solliciter un prêt auprès de la mutuelle mise en place par la FADEC, grâce aux cotisations des paysans. Mais au lieu de donner de l’argent liquide au paysan, la mutuelle procède à une évaluation des besoins en intrants et se charge d’acheter ces intrants pour lui. Ce système permet d’éviter le risque que le paysan utilise cet argent à d’autres fins.

En dépit de la pauvreté générale des populations, la plupart a adhéré à ce système.
Mais la mise à l’échelle de l’activité de maraîchage a été surtout facilitée par l’organisation de visites d’échange dans les stations de Tropica-Sem, une organisation spécialisée dans la production de semences.

Les paysans qui ont participé à cette visite d’échange sont des délégués villageois choisis à l’issue d’assemblées générales. Ils sont des paysans leaders qui jouissent d’un capital estime important au sein de leur village. Ils ont été choisis pour leur intégrité, leur engagement en faveur de la communauté, leur capacité à porter la voix de toute la communauté. La visite a permis aux paysans leaders d’échanger avec les techniciens de Tropica-Sem sur les méthodes de culture et d’entretien des périmètres.

A la suite de cette visite, les paysans leaders sont allés rendre compte aux habitants de leur village.

Ces visites ont été complétées par des sessions de formations dans de nombreux domaines notamment le maraîchage (maternité, civisme, etc., sont parmi les autres domaines ciblés pour le renforcement de capacités).
Pour toucher le maximum de gens, les modules de formation ont été traduits en wolof, la langue locale et mis à la disposition des populations.

La collaboration avec les médias a aussi eu un impact non négligeable sur la diffusion du maraîchage dans la zone. De nombreux organes de presse, principalement la télévision nationale du Sénégal (RTS), ont contribué au décloisonnement des premières expériences à travers des émissions réalisées avec les paysans. Les témoignages sur les bons résultats enregistrés et sur les changements positifs intervenus dans la vie de certains paysans depuis qu’ils ont commencé à pratiquer le maraîchage, ont sonné comme un déclic pour beaucoup d’autres paysans qui désormais manifestent un grand intérêt pour le maraîchage.

Mise en place d’un programme de multiplication semencière

Pour promouvoir l’activité agricole dans sa zone d’intervention, la FADEC /Sud ne se limite pas seulement à travailler à sa diversification à travers l’introduction, par exemple, du maraîchage. Elle tente également de renforcer l’autonomie des paysans dans la production d’intrants. Elle a conçu, depuis quelques années, un programme de production de semences céréalières avec l’ISRA (Institut Sénégalais de Recherche Agronomique). L’idée est que les producteurs puissent disposer de semences de qualité qui leur offre un rendement nettement supérieur à celui des semences « tout venant ».
Consciente que la hausse des rendements liée à l’utilisation de semences certifiées est de l’ordre de 25 à 35 % par rapport à celui obtenu par les semences en vrac, la FADEC / SUD a constitué un réseau de 100 producteurs semenciers qui occupent actuellement 147 ha de terres. Sa production est encore notoirement insuffisante. Elle couvre cependant déjà 34%des besoins en semences certifiées de mil, de sorgho, de niébé de la zone d’intervention.

Des résultats satisfaisants

Le succès de cette initiative de la FADEC/SUD ne se dément pas. Les premiers périmètres ont été créés à partir de rien, il y a à peine 7 ans. Aujourd’hui, la FADEC/SUD a mis en place une coopérative de Maraîchers du Cayor (CMC) constituée de 600 producteurs occupant 300 ha de cultures. La production annuelle moyenne s’élève à 1.800 tonnes (réparties entre l’oignon, l’aubergine, le concombre, la tomate et le chou).

Dans le seul village de Touba Dior, plus de 100 tonnes d’oignon sont récoltées annuellement. Cet oignon alimente de nombreux marchés du Sénégal, notamment Dakar. De plus en plus de villageois veulent se lancer maintenant dans l’exploitation maraîchère, ayant pu constater de leurs yeux que cette expérience novatrice obtenait de bons résultats et avait un impact réel sur le pouvoir économique et social des populations. En effet, les périmètres installés par la FADEC/SUD prouvent sans équivoque qu’il est possible de retirer un revenu significatif (de l’ordre de 350.000 FCFA par producteur sur 5 mois de campagne) de la culture maraîchère alors même que les conditions d’exploitation sont très loin d’être optimisées.

Ces revenus viennent s’ajouter à ceux perçus de l’activité céréalière qui a, elle aussi connu une nette amélioration grâce à la production de semences de qualité. La vulgarisation des semences céréalières a su garantir au producteur des certitudes sur la germination, la productivité des cultures et la qualité des produits récoltés.

Il est à noter, aussi, le retour massif des jeunes dans leur terroir réduisant ainsi l’exode vers les grandes villes (Dakar, Touba, Mbour, Saint-Louis…).
Un ancien apprenti chauffeur habitant le village de Ndop Gadiaga, aujourd’hui reconverti en maraîcher grâce au projet de la FADEC/SUD témoigne : «  grâce à ce nouveau travail, je gagne bien ma vie. Je n’ai plus besoin d’aller à Dakar pour me faire de l’argent. J’ai même volé quand j’étais à Dakar pour avoir de quoi survivre. Aujourd’hui je ne fait plus tout cela et je gagne décemment ma vie ».

Dans la même veine, un autre jeune confie ne plus sortir de son village qu’à l’occasion du « Magal » de Touba (fête religieuse). Sa vie a aujourd’hui pris un tournant très positif depuis qu’il s’est lancé dans le maraîchage avec l’appui de la FADEC. Ancien contrebandier, il revendait de la marchandise introduite frauduleusement des pays voisins à Touba et dans d’autres villes du Sénégal. Cette activité l’a conduit en prison et c’est à sa sortie qu’il a pris contact avec la FADEC qui l’a aidé à mettre en place un périmètre maraîcher qu’il exploite jusqu’à maintenant.

Certains villages (Thiambène, Lambène), presque totalement désertés par leurs populations à cause de la pauvreté commencent à reprendre vie grâce au maraîchage et à l’amélioration de la productivité céréalière possible avec les semences produits localement.

Quelques obstacles

Le succès de ces initiatives a parfois buté sur quelques obstacles :
-  Psychologiques et culturels : Les paysans étant habitués à utiliser des semences en vrac, il manquait des paramètres de comparaison entre les semences certifiées et celle « tout venant ».

-  Structurels : Il s’agit de la maîtrise de l’eau liée à la réticence de certains gestionnaires de forages quant à une éventuelle utilisation des excédents d’eau pour mener des activités maraîchères. Le prix de l’eau, qui n’est pas harmonisé, constitue également un point de discorde.

Enseignements

L’enseignement majeur à retenir de ces expériences de la FADEC / SUD, c’est qu’il est possible de faire face aux difficultés du monde rural (revenu économique, emploi, sécurité alimentaire) en adoptant des solutions endogènes.

Cependant, il n’est pas toujours évident d’obtenir de tels résultats, s’il n’ya pas une appropriation parfaite de ces initiatives par les populations à la base.

Facilement réplicables et très peu coûteuses, elles constituent la clé pour soustraire définitivement les régions du Sahel des affres de la famine. En permettant aux populations d’améliorer leurs revenus, ces démarches participent grandement à la lutte contre la pauvreté rurale.

« En pensant local, nous réfléchissons et agissons ensemble »
FADEC/SUD

http://www-fadecsud.asso-web.com

Ndiamé THIAM
Chargé de programme (Agriculture & Elevage) – FADEC/SUD
ndiamethiam@live.fr

Babacar MBAYE
Coordonnateur FADEC/SUD
bacargueye@yahoo.fr