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Faciliter l’accès à des intrants de qualité : la stratégie du PADER-BGN pour renforcer l’autonomie semencière des paysans de Basse Guinée Nord

La production et la diffusion de semences par les porteurs de microprojet améliorent l’accessibilité aux semences de qualité, les revenus et les conditions de vie des agriculteurs. C’est ce que démontre l’initiative du PADER-BGN, un projet initié en octobre 2004 et mis en œuvre en Guinée dans deux régions administratives (Boké et Kindia), cinq préfectures (Boffa, Boké, Fria, Dubréka et Télimelé) et 26 Communes Rurales.

Le PADER-BGN vise la production et la diffusion de semences de qualité. Dans les zones d’intervention du projet, on constatait, avant sa mise en œuvre, une grande faiblesse des rendements des petits producteurs (seulement 600 kg/ha pour le riz de coteau et 1200 kg/ha pour le riz de bas-fonds). Des rendements faibles causés non seulement par la pauvreté des sols mais aussi par l’insuffisance et l’inaccessibilité de semences de qualité dues aux carences dans leur distribution et à l’inexistence d’un système de multiplication de proximité.

Pourtant, en ce domaine, la demande est forte. En 2011, par exemple, les besoins en semences de riz étaient supérieurs à 38 tonnes et le projet a reçu 702 demandes des producteurs. Elles concernent des zones agro-écologiques variées, allant des coteaux favorables à la culture pluviale aux mangroves pour les cultures de riz tolérantes à la salinité, en passant par les bas-fonds qui offrent la possibilité de faire plusieurs campagnes et les plaines d’eau douce exploitées en période hivernale.

L’amélioration de la production agricole, l’un des piliers de la politique guinéenne de développement agricole, passe par l’utilisation de semences de qualité. Cet enjeu a été rappelé par le Président de la République guinéen, le Pr. Alpha Condé. Lors d’une rencontre avec des acteurs du développement agricole, il a jugé inconcevable que la Guinée, malgré ses énormes potentialités, continue encore à attendre les bateaux de riz importés.

C’est la raison pour laquelle l’initiative de multiplication et de diffusion de semences de riz a été lancée. Il s’agit d’améliorer la production agricole et les revenus et d’assurer la sécurité alimentaire. De façon spécifique, le projet vise à rendre plus disponibles et plus accessibles aux petits producteurs, précisément les exploitants de la Basse Guinée Nord, des semences de qualité. L’initiative s’adresse singulièrement aux jeunes et aux femmes des exploitations à dominante production végétale en pluvial et à force de travail limitée (5 personnes en moyenne) par exploitation familiale. Ils cultivent entre 1 et 1,5 hectare de terre dont l’accès, sur la base d’un prêt annuel conforme au droit foncier coutumier, reste précaire.

Former les paysans à la production et à la conservation des semences

Le projet a formé 377 paysans dont 73 femmes sur les techniques de production et de conservation de semences, la déontologie semencière, de même que la formation en GERME 1 (Gérez Mieux Votre Entreprise) et en PACTE (Partenariat pour des Actions Concertées par des Transferts et des Echanges).
Les micro-entrepreneurs semenciers ont été aussi accompagnés dans la structuration avec la mise en place de 21 coopératives communales et de 5 unions préfectorales de semenciers. Il a reçu de l’IRAG, l’Institut de Recherche Agronomique de Guinée, à travers les stations de recherche de Kilissi et Koba, environ 67 tonnes de semences de base.

Tableau 1 : Variétés de riz mises à la disposition des micro-entrepreneurs de production de semences

Sur la base d’un contrat tripartite de multiplication de semences établi par le PADER-BGN, les multiplicateurs s’engagent à utiliser les intrants mis à leur disposition exclusivement sur la superficie prévue à cet effet, à respecter les itinéraires techniques préconisés, à livrer une redevance correspondant au double de la quantité de semences reçue au bénéfice des autres producteurs et à poursuivre la production et la diffusion de semences de façon durable dans leur localité.

Le PADER-BGN a appuyé la multiplication des semences de riz au niveau local, à travers la mise à disposition d’autres intrants (engrais, pesticides) et d’équipements tels que des motoculteurs, des attelages, des pulvérisateurs à dos, des bâches, des sacs vides et du petit outillage.
La multiplication des 67 tonnes de semences de base a permis d’obtenir environ 2 875 tonnes de semences de qualité acceptable (2006-2012). Par ailleurs, 3031 petits producteurs ont été dotés en semences de qualité (20 kilogrammes en moyenne par personne) au prix moyen de 3000 GNF par kilogramme, là où le prix de la semence non subventionnée oscille entre 5000 et 7000 GNF par kilogramme.

Le PADER-BGN a aussi conclu un contrat de suivi technique avec l’Agence nationale de promotion rurale et du conseil agricole (ANPROCA), un contrat de production de semences de base et de formation des semenciers avec l’Institut de recherche agricole de Guinée et un contrat pour la certification des semences produites avec la Direction Nationale de L’Agriculture (DNA).

Renforcer la sensibilisation

D’ores et déjà, il faut se réjouir des succès de cette initiative de multiplication des semences. Sans aucun doute, elle s’est avérée pertinente et a prouvé sa compatibilité avec les contraintes majeures diagnostiquées, grâce à une forte mobilisation des porteurs et une formation de qualité. L’exécution du projet a fait émerger une dynamique organisationnelle autour de l’activité de production de semences, avec la mise en place de 21 coopératives communales et de 5 unions préfectorales de semenciers. Permet d’éviter des dérapages tels que les détournements de fonds ou d’objectifs.

Le PADER-BGN a renforcé le suivi rapproché des activités de production semencières par les opérateurs de mise en œuvre du projet agents de l’ANPROCA ainsi que la sensibilisation à travers des contrats avec les stations de radios rurale et communautaires de la zone sur le fait que les semences ne sont pas destinées à « faire bouillir la marmite ».

Augmentation des rendements

L’accessibilité des semences, l’amélioration du revenu, l’amélioration des conditions de vie ainsi que la mise en place des coopératives sont des critères sur lesquels porte l’appréciation de cette expérience et sa pérennisation.

En ce qui concerne la disponibilité des semences, les conditions d’accès ont énormément évolué. Avant la mise en œuvre de l’initiative de production de semences de base, les producteurs étaient véritablement à la merci des usuriers qui leur imposaient des conditions drastiques. A titre d’exemple, pour un prêt de 20 kilogrammes de semences, ils devaient rembourser 100 kilogrammes, à la fin de la campagne paddy. Certains producteurs étaient obligés de se transformer en ouvriers agricoles, travaillant six heures par jour pour trois kilos de semences, au détriment de la mise en valeur de leur propre champ.

Grâce au projet, ils produisent aujourd’hui des semences de meilleure qualité et en commercialisent une partie (par exemple en 2012, ils ont vendu au Gouvernement, à travers leurs coopératives, 32 tonnes de semence de riz).
Ils s’affranchissent ainsi des usuriers. Naturellement, l’augmentation de l’offre de semences a beaucoup fait baisser leur prix qui est passé de 6000 à 4500 GNF par kilogramme permettant la généralisation de la pratique de multiplication des semences.

Une telle évolution a généré l’augmentation des rendements, qui sont passés de 600 kilogrammes à environ deux tonnes à l’hectare sur les coteaux, et de 1200 kilogrammes à trois tonnes à l’hectare dans les bas-fonds et 3,5 à 4 Tonnes dans les mangroves. Les superficies cultivées et la production ont par ailleurs sensiblement augmenté dans les zones d’implantation des microprojets sur les semences par exemple les micro-entrepreneurs semenciers membres des coopératives ont emblavés plus de 370 ha de riz. Un des effets de l’initiative est aussi qu’elle a permis la réplication des formations reçues par les micro-entrepreneurs auprès d’autres producteurs de leur localité. Quant au coût d’accès des petits producteurs aux semences, il a été fortement réduit : ils ne payent aux multiplicateurs, pour en bénéficier, que 20% de la quantité de semences reçues.

En termes d’amélioration des revenus, il faut prendre en compte la création d’emplois et l’augmentation des rendements chez les semenciers. 1 460 multiplicateurs, employant des saisonniers, ont été recensés. Il y a aussi des « réplicateurs » et leurs ouvriers. Le chiffre d’affaires réalisé par les microprojets de la zone de Télimélé a dépassé 205 millions de GNF pour un résultat net de 103 585 463 millions. Tout cela favorise la réduction du chômage et accentue la solidarité familiale et communautaire − une réalité aujourd’hui −, même s’il existe des problèmes de sécurisation des fonds pour des porteurs, du fait de l’éloignement des Associations de Services Financiers (ASF) par rapport à certaines zones d’intervention. On a aussi noté, concomitamment à l’augmentation des revenus des populations, l’effet inattendu – même s’il demeure quelque peu marginal − du développement de la polygamie dans certains cas !

Sécurité alimentaire

La réduction de la pauvreté permet aussi aux bénéficiaires d’accéder à davantage de services et de confort. On le constate à travers le passage des maisons en briques de banco à des maisons en briques de ciment, à travers l’amélioration de l’équipement domestique (lit, ampoules fluorescentes, téléviseurs, etc.). On le constate aussi à travers la satisfaction accrue des besoins primaires (santé, habillement, scolarisation des enfants). La sécurité alimentaire a été relevée grâce à une production en hausse et à une alimentation diversifiée et plus régulière (augmentation du nombre de repas par jour). Le rapport d’impact final du PADER-BGN indique qu’en 2013, 89 % des ménages ont déclaré avoir connu au moins une période de disette au cours des 12 mois qui ont précédé l’enquête contre 94% en 2006, soit une amélioration de 5 points.

La mise en œuvre de la production et de la diffusion des semences a largement contribué à améliorer l’accessibilité aux semences de qualité, les conditions de vie et le niveau de sécurité alimentaire des paysans bénéficiaires de la Basse Guinée-Nord.

Djibril Tamsir BANGOURA

PADER BGN