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Promouvoir la pratique du warrantage pour faciliter l’accès aux intrants aux petits agriculteurs dans la zone d’intervention du PICOFA, au Burkina Faso

Souvent présenté comme un outil de spéculation sur les fluctuations de prix et d’accès au crédit, le warrantage permet aussi aux producteurs de se protéger d’une pression sociale qui les pousse à ponctionner régulièrement une partie de leurs récoltes et à mettre en danger la sécurité alimentaire de leur ménage en période de soudure. Dans la région Est du Burkina Faso, le Projet d’investissement communautaire en fertilité agricole (PICOFA) a entrepris de disséminer la pratique du Warrantage auprès des groupements de femmes et de jeunes en vue de réduire la vulnérabilité des ménages en période de soudure et faciliter l’accès aux crédits, parfois nécessaires au développement d’activités génératrices de revenus

Burkina Faso : un pays agricole par excellence

Traditionnellement, l’agriculture est l’activité économique la plus importante du Burkina Faso ; car elle fait vivre plus de 10.Millions de burkinabè et occupe plus de 84.1% de la population active. A la différence des autres pays de l’Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso se consacre essentiellement à la culture vivrière, avec pour objectif d’arriver rapidement à une complète autosuffisance alimentaire de ses populations. Ainsi, la majeure partie de ses terres cultivées est consacrée à la production de céréales : le sorgho ou gros mil dans les régions plus arrosées et le petit mil dans les régions sèches et sur les sols sableux. A elles deux, ces céréales africaines fournissent plus de 1.6 millions de tonnes par an et occupent 73% des terres cultivées du Burkina Faso.

Depuis plusieurs années cependant, l’agriculture burkinabé est confrontée à plusieurs problèmes dont l’exploitation des ressources naturelles sans renouvellement et sans apport suffisant d’éléments nutritifs et de matière organique et les pratiques paysannes non favorables à la conservation du capital sol. Les terres agricoles deviennent de plus en plus pauvres et les terres pastorales de plus en plus dégradées. Les pertes de terres sont estimées à 10-15 tonnes par hectare et par an et le taux de matière organique est très faible (environ 0,6 % à 0,8%) entraînant une faible capacité de rétention de l’eau et une faible capacité d’échange cationique.

Pour renverser cette tendance, le Gouvernement a adopté en 1998, avec l’appui des partenaires au développement, une Stratégie Nationale de Gestion Intégrée de la Fertilité des Sols (SNGIFS) et un Plan d’Action de Gestion Intégrée de la Fertilité des Sols (PAGIFS). Il a alors demandé l’appui des bailleurs de fonds, notamment le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) et le Fonds Africain de Développement (FAD), pour financer le Projet d’investissement communautaire en fertilité agricole (PICOFA). Initié pour une durée de huit (8) ans (2004-2012), le projet a couvert les cinq (5) provinces de la région Est du Burkina Faso (le Gourma, la Kompienga, la Gnagna, la Komondjari et la Tapoa) où le phénomène de la pauvreté et le problème de la dégradation des sols se manifestent particulièrement.

Résoudre les contraintes au développement agricole dans la région Est

Pour résoudre ces contraintes, une recherche action participative en milieu réel a été conduite par un consortium avec pour objectif de développer et mettre au point neuf (9) paquets technologiques selon les zones agro-écologiques de la région de l’Est et des principales spéculations des producteurs.
Le PICOFA a adopté une approche « plan villageois de gestion intégrée de la fertilité des sols (PVGIFS) » comme outil de planification et de gestion intégrée de la fertilité des sols (GIFS). L’approche combine plusieurs technologies : conservation des Eaux et des Sols, Agroforesterie, défense et restauration des sols, utilisation d’engrais minéraux, de semences améliorées, conseil à l’exploitation, etc. Ainsi 40 PVGIFS élaborés entre 2006 et 2012, 25 ont été mis en œuvre à travers la vulgarisation des paquets technologiques dans des champs écoles en comparaison avec les champs témoins caractérisés par la pratique paysanne.

Le tableau suivant fait état des principales améliorations des rendements constatés :

Spéculation Situation de référence (2006) Situation actuelle (2010-2012)
Mil 550 kg/ha 950 kg/ha
Sorgho 650 kg/ha 1,3 t/ha
Maïs 750 kg/ha 3,1 t/ha
Riz pluvial 1,3 t/ha 4 t/ha
Niébé 550 kg/ha 787 kg/ha

En apportant un soutien aux actions d’intensification des productions agricoles, le problème de disponibilité et d’accessibilité des intrants de qualité s’est vite posé (engrais minéraux surtout). En outre, à la récolte, les besoins d’argent poussent les paysans à céder la production au premier venu à bas prix (excès d’offre), tandis que la nécessité de commencer une nouvelle saison agricole ou de se nourrir quelques mois plus tard les obligera à recourir au marché pour acheter vivres et semences à prix élevés (excès de demande). Le paysan se retrouve ainsi coincé dans un cercle vicieux :

Pour faire face à ce problème et gérer de manière efficace l’accroissement des rendements des principales spéculations, le projet a mis en place des boutiques d’intrants et introduit le Warrantage dans ses zones cibles en partenariat avec le Réseau des caisses populaires du Burkina (RCPB). Une ligne de crédit de 90 millions a été mise à disposition à cet effet.

Les boutiques d’intrants pour lutter contre les problèmes d’approvisionnement

Avec ses partenaires que sont Institut de l’environnement et de la recherche agricole (INERA), l’International Fertilizer Development Center(IFDC), la Direction Régionale de l’Agriculture et de l’Hydraulique (DRAH), les Commerçants d’intrants et les d’Organisations Professionnelles Agricoles (OPA) et Comité villageois de développement (CVD), le PICOFA a développé un mécanisme d’accès aux intrants à travers la mise en place de boutiques d’intrants de proximité.

Les producteurs et les productrices rencontrent en effet plusieurs problèmes pour s’approvisionner en intrants. Les principaux problèmes sont : Prix élevés des intrants, Insuffisance de connaissances des intrants par les producteurs et productrices, Rupture de stocks et l’impossibilité d’acheter en détails sur les marchés, Eloignement des points d’approvisionnement.

Le rôle de la boutique d’intrants est alors de mettre à disposition et à proximité des producteurs des intrants de qualité, notamment des semences améliorées, des engrais, des produits phytosanitaires, des produits vétérinaires, etc.

Les OPA/CVD ont bénéficié d’une subvention de départ avec des intrants composés de semences améliorées, d’engrais (Urée, NPK) et des produits de traitement. Un comité ainsi que des outils de gestion ont été mis en place et leurs capacités renforcées.

Mise en place d’un crédit céréalier à travers le Warrantage

L’opérationnalisation du Warrantage dans la zone d’intervention du PICOFA a suivi le processus suivant : (i) organisation d’un voyage d’étude au Niger en 2008 au profit de 20 producteurs, dont 3 femmes, pour voir comment le procédé est mis en œuvre au Niger ; (ii) formation des producteurs et autres partenaires sur le processus du warrantage et techniques de conservation des stocks ; (iii) mise en place et formation des comités de gestion ; (iv) constitution des stocks (produits, techniques) ; (v) évaluation des stocks constitués ; (vi) Accords des crédits et conduite d’activités génératrices de revenus.
Les produits agricoles warrantés concernent :
-  le Maïs (37%)
-  le Riz (24%)
-  l’Arachide (19%)
-  le Mil (10%)
-  le Sorgho (5%)
-  le Niébé, Le Soja, le Voandzou (4%)
-  le Sésame (1%)
Le Warrantage a contribué à faciliter l’accès aux intrants aux petits agriculteurs, à réduire le bradage des récoltes, à la conduite d’activités génératrices de revenus (embouche, maraîchage, petit commerce, etc.), à l’obtention de crédits intrants, au renforcement de la résilience des populations et à la réduction de leur endettement à la période de soudure.

Données de la conduite du Warrantage dans la région Est

Données de la conduite du Warrantage dans la région Est

Renforcement de la résilience des petits producteurs et amélioration des revenus des ménages

Si à ce jour le warrantage ne représente que 2 % du portefeuille de crédits agricoles de la RCPB et moins de 1 % de la production agricole nationale, c’est toutefois un produit en plein essor. Il n’existe pas de données précises à l’échelle nationale mais des taux de croissance du warrantage ont été estimés à partir des volumes de crédits attribués par le RCPB. D’après ces estimations, les volumes de crédit ont augmenté de 191 % entre les campagnes 2011-2012 et 2012-2013. En outre, pour soutenir le mécanisme, le PICOFA a réalisé 23 magasins de stockage. Outre les intérêts que le warrantage représente pour les producteurs, une des raisons de son essor est sa rentabilité pour les institutions de microfinance dans la mesure où le taux de remboursement des crédits est proche de 100 %, la production entreposée ser¬vant de garantie.

A côté du warrantage, un système de microcrédit, toujours dans le cadre du partenariat avec le RCPB, a permis l’octroi de 250 000 000 F CFA de crédits à 4 014 personnes dont 3 104 femmes (dans 269 groupements villageois) pour le développement d’AGR (petit commerce, embouche, transformation de produits agro-sylvo-pastoraux, produits forestiers non ligneux, etc.).Par cette contribution du PICOFA et d’autres partenaires dans ce domaine, le Warrantage est devenu un produit financier du RCPB.

Difficultés de mise en œuvre du warrantage

Malgré les bons résultats, le projet a rencontré des difficultés dans la mise en œuvre du warrantage. En effet, les mauvaises conditions de stockage (magasin pas bien approprié, absence de palettes, non traitement avant entreposage, début de stockage échelonné, etc.), les difficultés d’obtention des sacs à triple fonds, l’octroi tardif du crédit et la faiblesse de la mise en relation avec le marché pour écouler le stock de façon groupée, limite considérablement l’efficacité de la pratique.

Pour y faire face, des mesures correctives notamment une meilleure organisation des acteurs afin de renforcer leur capacité de représentativité et de force de proposition, l’ intensification des productions agricoles à travers une plus large vulgarisation des paquets technologiques performants avec l’accompagnement du conseil agricole, le renforcement des capacités des acteurs pour assurer le SIM et la promotion des produits, la faciliter l’accès des sacs de conservation adaptés, le renforcer le conseil agricole à travers l’établissement d’un partenariat avec les radios communautaires en négociant des plages spécifiques pour la diffusion des bonnes pratiques agricoles, les paquets technologiques, les points des intrants, le SIM, le renforcement des capacités de stockage des produits agricoles à travers la construction de magasin, et le renforcement du dispositif de boutiques d’intrants, ont été initiées par le PICOFA.

Projet d’investissement communautaire en fertilité agricole (PICOFA)
M. Jacob OUEDRAOGO
Coordinateur national
BP 272 Ouagadougou Burkina Faso
Tel. +226 40 77 72/70 21 62 40
Email : Jacobouedra@yahoo.fr ; picofa@fasonet.bf

Documents utilisés :
FAO, Guide pratique sur les boutiques d’intrants, Vol : Présentation de la
boutique d’intrants agricoles
, 2011