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Garantir un accès permanant au financement pour assurer la viabilité des OP : l’expérience du PADER-G/Tchad

Le PADER-G s’engage pour une nouvelle approche d’encadrement des OP dans le Guéra (région du Tchad), pour en faire de vrais artisans de développement de la région. Un an après la mise en œuvre des actions du Programme sur le terrain, l’approche capte l’attention des bénéficiaires et donne des résultats intéressants.

La nécessité d’opérer l’appui sur un nombre restreint d’OP dynamiques

Maillon intermédiaire pour le ciblage des ruraux pauvres, les Organisations Paysannes (OP) constituent, une excellence porte d’entrée pour l’identification et la priorisation des besoins des petits producteurs. L’ancrage de ces organisations dans le paysage et les dynamiques agricoles, économiques et sociales fait d’elles, un important facteur de durabilité et de pérennisation des interventions. Cependant, on constate que les approches généralement utilisées pour assurer l’implication des bénéficiaires à travers les organisations de base ne s’appuient pas suffisamment sur le renforcement des dynamiques existantes et ont tendance dans certains cas, à multiplier des structures selon un modèle qui serait (soit disant) adapté au type d’intervention. Il en découle, un foisonnement d’organisations de base qui quelques fois regroupent les mêmes personnes (OP, comités de développement, comités de gestion, comités de surveillance…) rendant ainsi difficile un véritable renforcement organisationnel capable de servir de levier pour agir sur la pauvreté rurale. En outre, la dynamique de ces organisations, faiblement structurées et constituées au gré des opportunités semble reposer sur la capture des rentes des projets de développement qui interviennent dans leur espace géographique.

Au regard de cette situation, il était crucial d’accorder une place de choix à l’analyse des dynamiques locales existantes lors de la formulation du Programme d’Appui au Développement Rural dans le Guéra (PADER-G). Le diagnostic réalisé par le FIDA en 2010, a montré que sur le millier d’organisations que compte le Guéra, seulement 10% fournissent des services de qualité à leurs membres. C’est la raison pour laquelle, les actions du PADER-G devraient permettre d’accroitre l’offre de services des OP à travers le développement des activités novatrices et rentables.

Cette offre devrait permettre aux petits exploitants agricoles d’avoir une maîtrise de leur environnement économique et d’en tirer les meilleurs profits en termes de revenu monétaire agricole et de positionnement stratégique. Un défi crucial pour la réussite du PADER-G mais, difficile à relever au regard d’un contexte caractérisé par une multiplicité d’acteurs intervenants dans le Guéra. Il a donc paru important de prendre du recul par rapport aux méthodes, outils et démarches employés par ces différents acteurs. Cette prudence se justifiait d’autant plus que le diagnostic de 2010 concluait, qu’un appui orienté vers un nombre réduit d’OP dynamiques, jetterait des bases solides à l’émergence d’un mouvement paysan capable de défendre l’intérêt des producteurs et de délivrer des services de qualité à ses membres. C’est ainsi qu’une quarantaine d’OP jugées viables et dynamiques ont été sélectionnées par le PADER-G. L’appui fourni à ces OP se base sur le renforcement des capacités techniques et la mise en place d’un système de financement durable en leur faveur. A court terme, ces actions devraient permettre de constituer une ossature solide autour de laquelle pourrait se construire un réseau d’organisations paysannes orientées vers la professionnalisation.

Un dispositif multi-acteurs orienté vers une responsabilisation des OP

La plupart des organisations paysannes de la région travaillent sur des bases de relation de voisinage ou de parenté autour de la prise en charge d’un certain nombre d’activités à caractère économique, social, et culturel. Malgré leur caractère hétéroclite, on constate progressivement un rattachement des organisations sur la base du principe de proximité. C’est ainsi que selon les cas, on rencontre des groupements de base et des unions de groupements. Le dispositif d’appui préconise une interaction entre ces acteurs à la base et favorise leur mise en relation avec d’autres acteurs institutionnels.

L’ONG Oxfam Intermón, dans le cadre d’une convention de mise en œuvre s’occupe du montage des plans d’affaires au profit des OP. Ces plans sont financés par le réseau de microfinance, mis en place sur le financement du FIDA, sur la base d’une clé de répartition variable selon la nature du microprojet. Le financement comprend une part de subvention, une part de crédit contracté auprès des caisses d’épargne et de crédits complétée par l’apport propre de l’OP. La proportion de crédit et de l’apport propre des promoteurs avoisine quelque fois les 50% du financement. Cette option vise à renforcer la responsabilisation des OP dans la gestion des fonds mis à leur disposition tout en raffermissant les relations entre ces organisations et les établissements de microfinance.

Un plaidoyer a été entrepris auprès des autres acteurs intervenants dans le financement rural pour accroitre le fonds de crédit et de subvention de manière à pérenniser le dispositif.

Les deux grandes étapes marquantes de l’expérience

Deux principales étapes se dégagent de la mise en place de cette expérience. Il s’agit du renforcement organisationnel des OP et l’opérationnalisation du dispositif de financement rural en faveur de ces entités.

- Renforcer les capacités des OP pour plus de dynamisme

Au démarrage du PADER-G, des ateliers d’explication et de sensibilisation ont été organisés dans chaque département afin d’expliquer aux OP la vision du programme en matière d’appui à la structuration des organisations paysannes. A la suite de ces sensibilisation, des rencontres ont été organisées avec les OP afin d’identifier et de hiérarchiser les services économiques prioritaires qu’elles peuvent offrir à leurs membres. Cela a permis aux acteurs d’internaliser la démarche expérimentée par le PADER-G et de comprendre le rôle qu’ils pourront jouer dans ce processus ainsi que des avantages qu’ils pourront en tirer.

A l’issue de cette phase, un diagnostic rapide complémentaire a permis d’élaborer un plan de renforcement des capacités en faveur des OP. La mise en œuvre de plan s’est s’effectue sur la base des formations thématiques sur des aspects liés à la gestion, l’entreprenariat et la commercialisation mais aussi, par un programme d’alphabétisation dans les villages où sont issues les OP. À ce jour, 35 centres fonctionnels comptant plus de 1000 auditeurs sont régulièrement suivis par l’inspection départementale d’alphabétisation du Guéra.

L’appui fourni par le PADER-G a permis de raffermir le sentiment des OP de s’engager dans une démarche considérée par certains comme une révolution positive dans le domaine de l’appui à la structuration des organisations paysannes dans le Guéra. A la suite de cet appui, on constate un renforcement de l’encrage institutionnel des OP et l’accroissement de leur crédibilité vis-à-vis des ONG, des services déconcentrés de l’État et des institutions de microfinance.

- Opérationnaliser un dispositif de financement rural en faveur des OP

Dans le cadre du financement des initiatives des OP, une réflexion de départ a été menée au sein de l’équipe du projet. La réflexion a notamment porté la problématique du financement des microprojets par subvention à fonds perdus. A l’issue de ces réflexions un manuel de gestion de ce fonds a été rédigé en interne et validé avec l’appui d’un consultant avec la participation d’autres acteurs au développement intervenant dans la région. Le schéma de financement des microprojets retenu par le manuel comporte une part de subvention et une part de crédit contracté par les OP auprès l’Union des Caisses d’Epargne et de Crédit du Guéra (UCEC-G) complétée par l’apport propre de l’OP. L’ensemble du financement est logé dans le compte de l’OP ouvert dans l’une des caisses de l’UCEC-G.

Le Taux d’intérêt applicable aux crédits du Fonds d’Appui aux OP ne comprend pas le taux de base qui est le coût de la ressource, sauf en cas de conversion de ce fonds en dépôt à termes. Dans ce cas, le taux de rémunération sera alors inclus au taux de sortie du crédit. Par ailleurs, l’échéancier de remboursement des crédits tient compte de la rentabilité de l’activité concernée, et négocié d’accords-parties entre les OP et l’UCEC-G. Ce mécanisme a permis aux OP de renforcer les liens avec l’UCEC-G.

Des avantages indéniables selon l’avis des bénéficiaires

Au niveau actuel de la mise en œuvre de l’expérience, l’étude d’évaluation de l’impact et des changements induits n’a pas encore été conduite. Cependant, les différents suivis et les entretiens avec les OP font ressortir un réel engouement pour cette nouvelle démarche et pour les avantages que ces organisations en tirent. Les membres des OP apprécient particulièrement, le fait qu’ils accèdent plus facilement au financement et qu’ils se dynamisent à travers des appuis combinant le renforcement des capacités techniques et le développement des activités rentables.

- Amélioration de l’accès au financement rural

Les membres des OP sont unanimes sur le fait que l’amélioration de leur relation avec l’UCEC-G a permis de renforcer leur crédibilité vis-à-vis des autres partenaires au développement. L’accès au crédit à des taux préférentiel et la subvention accordée par le PADER-G leur permet de développer les activités rentables et de renforcer leurs capacités financières. Dans plusieurs cas, on constate qu’en plus de créer de la richesse, le dispositif mis en place raffermie les liens entre les membres de l’OP. En effet, il fait naitre une certaine solidarité autour des activités développées par chaque OP. A la longue, l’émulation créée par le dispositif pourrait être un tremplin pour le renforcement du dynamisme de ces OP.

- Amélioration des capacités techniques, économiques et de plaidoyer des OP

Le principe de base de l’expérience est que le renforcement des capacités classique des OP ne doit pas occulter leur renforcement économique et de plaidoyer.

En effet, ces trois dimensions (Institutionnelle, économique et plaidoyer) sont largement interconnectés dans le processus qui se déroule sur le terrain. Si l’appui aux fonctions économiques des OP est indispensable à leur viabilité et à leur visibilité opérationnelle en particulier vis-à-vis de leurs membres, l’appui institutionnel (gestion, gouvernance, fonctionnement) est aussi essentiel pour le bon pilotage de l’ensemble de leurs activités. D’autre part, la fonction de plaidoyer des OP doit être soutenue afin de renforcer leur participation aux processus politiques notamment en matière de sécurité alimentaire dans la région du Guéra. L’analyse de la situation sur le terrain, à la lumière des entretiens avec les membres des OP, montre que ceux-ci commencent à prendre conscience de cette interconnexion et ressentent les avantages d’une telle approche.

En effet, Les sessions de formation ont permis à 200 dirigeants d’OP du Guéra d’acquérir des rudiments pour l’amélioration du leadership au sein de leurs organisations respectives. Au delà des résultats quantitatifs, le montage des plans d’affaires, par un processus participatif, a permis de recadrer la vision des OP, de les inscrire sur le long terme et de les orienter vers des créneaux porteurs en vue de faciliter leur future professionnalisation. Par ailleurs, les OP appuyées par le PADER-G ont gagné en crédibilité vis-à-vis d’autres partenaires qu’ils soient privés (acteurs des filières agricoles par exemple) ou publics (bailleurs de fonds, Gouvernement, etc.).

Des perspectives prometteuses

Pour un accès permanent des OP au financement, il est nécessaire de rendre durable le dispositif mis en place. En effet, l’érosion anticipée du fonds de subvention constituera un risque pour le fonctionnement de ce dispositif. C’est pourquoi, il est nécessaire de fédérer les actions des autres projets et partenaires au développement intervenant dans le financement rural autour de cette initiative de manière à ce que le maximum de financement destiné à la région du Guéra passe par ce dispositif. Ce plaidoyer à déjà commencé avec l’implication de ces acteurs dans le processus de mise en place du dispositif et se poursuit au quotidien par la diffusion des résultats obtenus.

Les différentes démarches que le PADER-G entreprend dans le sens de ce plaidoyer font croire qu’il se positionne comme un acteur incontournable dans l’appui à l’émergence d’un mouvement paysan fort dans la région.

Par M. Gabpobé Aristide

Responsable de la Composante « OP » PADER-G