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Appui aux initiatives et innovations paysannes porteuses pour réduire la vulnérabilité des exploitants familiaux au Niger : l’approche du PPILDA
Pour promouvoir les initiatives et innovations paysannes d’amélioration des conditions de vie des communautés paysanne du département d’Aguié (région de Maradi Niger), le Projet de promotion de l’initiative locale pour le développement à Aguié (PPILDA) a adopté une « Approche d’appui aux initiatives et innovations paysannes porteuses ». Il s’agit d’un processus qui se veut être un outil fiable et généralisable d’identification, de validation, de promotion et de diffusion des innovations et initiatives dans la zone du projet. L’approche vise à aider les communautés dans l’analyse physique et socioéconomique de leur milieu, pour qu’elles puissent proposer des solutions à mettre en œuvre avec l’appui des partenaires. Elle doit permettre de mesurer les portées et l’impact des innovations et initiatives, de répondre de façon efficace et durable aux préoccupations des populations bénéficiaire et de mettre au point des mécanismes et stratégies de diffusion et de pérennisation de celles qui sont jugées pertinentes.
Un processus d’appui en huit étapes majeures
Le processus d’appui aux initiatives et innovations paysannes porteuses comporte huit (8) étapes principales, à savoir :
Autodiagnostic villageois et planification des activités : avec comme objectif d’appuyer les communautés villageoises à identifier et prioriser leurs contraintes et leurs potentialités et à proposer des solutions qu’elles traduiront en activités porteuses susceptibles de répondre à leurs préoccupations majeures. Elle se fait en assemblées villageoises regroupant toutes les composantes et catégories sociales et aboutit à l’élaboration des plans d’actions villageois et inter villageois qui seront mis en œuvre dans une dynamique de développement local.
Repérage et caractérisation des initiatives et innovations : il s’agit d’identifier les initiatives et innovations développées par les populations en vue de faire face aux contraintes diverses ou d’exploiter le répertoire existant (par exemple celui du Programme d’Appui à l’Initiative et à l’Innovation Paysannes/PAIIP, d’un service technique ou d’une ONG). Cette étape conduite par une équipe restreinte de spécialistes des questions sociales, économiques et agronomiques, constitue une phase complémentaire aux autodiagnostics car elle permet de rencontrer individuellement les innovateurs et de discuter largement avec eux. Au cours de ces investigations, les différentes modalités des initiatives et innovations et leurs pratiquants sont connus.
Mise au point des initiatives et innovations : après la caractérisation, il est procédé à une expérimentation de l’innovation soit en milieu paysan, soit en station en vue de mieux dégager sa pertinence et son efficacité sous les angles techniques, économiques et sociaux. Cette mise au point est faite de façon conjointe en partenariat avec les chercheurs, les populations et les porteurs de l’initiative ou de l’innovation.
Autoévaluation : il s’agit de partager et échanger sur les résultats issus de l’expérimentation. Chaque acteur se prononce sur la pertinence et l’efficacité des résultats obtenus et des décisions sont prises. L’innovation jugée pertinente (elle peut permettre de résoudre la contrainte ou d’exploiter les opportunités) et efficace (elle résout la contrainte dans les conditions de l’adoptant) passe à l’étape de socialisation ; dans le cas contraire, elle est rejetée ou soumise à d’autres analyses.
Socialisation des initiatives et innovations : l’objectif de cette étape est de porter à la connaissance des populations les avantages de l’innovation, ce qui permettra d’en mesurer la portée. Par la suite, le libre choix est donné à tous ceux qui remplissent les conditions techniques, économiques et sociales de l’appliquer.
Capitalisation : elle consiste, sur la base des principaux résultats obtenus à l’issue des phases ci -dessus, à sortir un document qui décrit de façon détaillé le contour de l’initiative ou de l’innovation. En fonction des groupes-cibles, plusieurs types de supports sont produits pour mieux passer l’information. Pour les paysans, ce sont des fiches techniques ou des affiches simplifiées qui sont produites et mises à la disposition des vulgarisateurs (services techniques ou groupements paysans). A l’intention des partenaires de la recherche ou d’autres projets, des documents de capitalisation plus détaillés sont produits.
Diffusion : l’objectif ici est d’assurer l’adoption à grande échelle de l’innovation. Les principaux canaux utilisés sont les séances d’animation villageoise, les émissions radiotélévisées, les visites d’échanges, etc.
Evaluation de l’adoption : il s’agit de déterminer, dans le cadre du suivi-évaluation, le taux d’adoption de l’innovation ainsi que les effets et impacts ou bénéfices engrangés.
Initiatives et innovations promues
Une trentaine d’initiatives et d’innovations paysannes dans divers domaines (production agricole et animale, sécurité alimentaire, gestion des ressources naturelles, socio-organisationnel, institutionnel), ont été répertoriées. Celles qui ont fait plus l’objet d’adoption avec des impacts plus perceptibles sur notamment la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages, sont les suivantes :
Parcelles d’Initiatives Paysannes (PIP) agricoles : Les PIP sont des dispositifs participatifs de démonstration de technologies porteuses issues de la recherche ou du milieu paysan. Elles se basent sur un partenariat entre paysans, chercheurs et agents de vulgarisation. Dans l’idéal, elles sont situées à proximité d’une grande voie de communication pour faciliter l’accès aux bénéficiaires et, plus en général, à tous les producteurs qui peuvent s’y intéresser.
Leur processus de mise en place commence par un autodiagnostic villageois, et il se poursuit par l’identification des sites, des participants et par la négociation sur le dispositif de mise en œuvre et de suivi évaluation à mettre en place. La mise en place comprend aussi des échanges avec d’autres PIP, et se termine par une autoévaluation au niveau du village et de la grappe de villages. Des actions d’accompagnement (accès aux intrants…) sont aussi prévues, ainsi que la capitalisation et diffusion des résultats.
Champs de Diversité Phytogénétiques : Le CD est un dispositif participatif de renforcement des capacités des paysans en termes de connaissance, de conservation et de valorisation des ressources phytogénétiques agricoles.
Les CD poursuivent plusieurs objectifs : (i) La découverte de la diversité phytogénétique et variétale issue du milieu paysan ou des structures de recherche ; (ii) La caractérisation des variétés (précocité, résistance à la sécheresse, aux ennemis des cultures, niveau de rendement,...) ; (iii) L’acquisition d’outils d’aide à la décision par rapport au choix des variétés et des ressources Phytogénétiques, et ; (iv) La mise en place d’un dispositif de conservation des ressources phytogénétiques agricoles.
Les CD se basent sur un partenariat entre paysans, chercheurs et agents de vulgarisation : leur processus participatif de mise en place commence par un autodiagnostic villageois, et il se poursuit par l’identification des sites, des participants et par la négociation sur le dispositif de mise en œuvre et de suivi-évaluation à mettre en place. La mise en place comprend aussi des échanges avec d’autres CD, et se termine par une foire de semences et autoévaluation au niveau du village et de la grappe de villages. Des actions d’accompagnement (accès aux intrants, outils, …) sont aussi prévues, ainsi que la capitalisation et diffusion des résultats. Les CD sont réalisés de juin à octobre. Les CD ont concerné aussi bien les adultes que les jeunes, filles et garçons.
Appui Conseil Agricole Paysans (ACAP) : L’ACAP mise sur des groupements de jeunes paysans (hommes et femmes) pour renforcer les capacités de production agricole des ménages paysans. Il a pour objectifs principaux : (i) D’appuyer les ménages dans l’amélioration de leur niveau de production agricole par le choix de variétés végétales et l’application de technologies performantes et adaptées à leur contexte ; (ii) De renforcer l’offre locale paysanne de services pour que les populations puissent être accompagnées dans la durée, tout en créant des emplois rémunérateurs pour les jeunes.
Les paysans vulgarisateurs sont issus de groupements de jeunes (10 par groupement). Ils reçoivent une formation de la part du Service Technique de l’Agriculture, qui est ensuite chargé du suivi et de la supervision de leur travail. Ils assurent l’encadrement des ménages bénéficiaires, choisis sur la base de leur degré de vulnérabilité, pendant toute la durée de la campagne agricole. Des chercheurs et des ONG les appuient avec des formations sur les nouvelles variétés végétales et sur les technologies à diffuser. Les autorités communales et préfectorales et l’équipe du PPILDA s’occupent de la sensibilisation des bénéficiaires et de la supervision des paysans vulgarisateurs.
Apport localisé de fumure de caprins : Cette innovation vise à :
- Fertiliser le maximum de superficie possible avec le minimum de fumure organique.
Valoriser au maximum les quelques têtes de petit bétail dont peuvent disposer les femmes.
L’application de cette technique suit 5 étapes :
- Collecter la fumure au pied des animaux aux piquets ;
Débarrasser la fumure du sable et d’autres débris grossiers ;
Transporter la fumure au champ (sur la tête, à dos d’âne ou charrette) ;
Constituer des tas ; de cette manière les termites contribueront à la minéralisation de la fumure, ce qui facilite l’assimilation par les plantes.
Distribuer la fumure (on épand le contenu des deux paumes d’un main par poquet, soit environ 150g) et remuer la terre. L’opération est menée deux fois : au stade de la levée avancée du mil après le démariage, et au stade de la montaison, toujours après une bonne pluie.
Domestication du Cassia tora : La domestication du Cassia Tora vise à contribuer au renforcement de la sécurité alimentaire des populations. La domestication se fait par l’identification d’une densité optimale de production et par la multiplication des semences.
Les étapes de production du Cassia tora sont :
Acquisition des semences ;
Apport de fumier et préparation de la parcelle en mai ;
Semis en juin de 5 à 10 graines par poquet avec un écartement de 0.5 m x 0.5 m en culture pure (culture de case) ou en association avec d’autres cultures au champ ;
Sarclage et démariage deux semaines après semis ;
Premier prélèvement des feuilles lorsque les plants ont entre 20 et 30 cm ;
Les autres prélèvements se font au besoin ;
Récolte des graines à la maturité.
Cette technique a été diffusée auprès de toutes les catégories sociales, mais elle intéresse plus en particulier les femmes.
Banque de Soudure (BS) : Les banques de soudure (BS) sont un dispositif de prévention et de gestion de l’insécurité alimentaire que le PPILDA a élaboré en tirant les leçons de la crise alimentaire de 2005. Elles visent à :
- Mettre des vivres à la disposition des populations pendant la période de soudure ;
Renforcer le dispositif global de gestion de l’insécurité alimentaire au niveau des villages ;
Permettre aux groupes les plus vulnérables d’éviter le salariat agricole et de rester travailler dans leurs champs pendant la période de soudure, en améliorant ainsi leur propre production.
Les BS sont un système de crédit non monétaire géré par un comité entièrement féminin. Elles ouvrent pendant la période de soudure ; les femmes du village y empruntent du mil qu’elles remboursent en nature à la récolte, avec un intérêt de 20% maximum qui permet la reconstitution du stock et le fonctionnement de la BS. L’accès est réservé aux femmes, sur la base de critères de vulnérabilité établis en assemblée générale féminine au début de l’opération.
Semis de noix de doum : Dans le village de Dan saga, les paysans ont constaté que la présence du palmier doum (Hyphaene thebaica) dans les champs peut contribuer efficacement à la lutte contre la baisse continue de la fertilité des sols et l’érosion hydrique et éolienne. Le Programme d’Appui aux Initiatives et Innovations Paysannes (PAIIP), en collaboration avec les paysans, a introduit cette espèce dans les champs dunaires de la zone d’Aguié. Les résultats positifs constatés par les populations ont fait en sorte que de nouveaux villages sollicitent l’introduction de cette espèce. C’est pour cela qu’à partir de 2005 le PPILDA a pris le relais dans la poursuite de cette opération.
Les objectifs principaux de cette innovation sont de lutter contre l’érosion, d’améliorer la fertilité des sols et d’obtenir également de la matière première pour la confection artisanale.
Le projet appuie les populations dans l’acquisition des noix de doum. Les contributions des bénéficiaires s’élèvent à 500 FCFA par sac (qui coûte 2.500 FCFA).
Agriculture de conservation : Le terme « agriculture de conservation » désigne l’ensemble des pratiques agricoles qui, tout en visant la rentabilité et la durabilité de l’activité agricole, concourent également à la protection de l’environnement. Le PPILDA, en partenariat avec le projet Promotion de l’Agriculture de Conservation parmi les petits producteurs de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (SCAP), également financé par le FIDA, a expérimenté et diffusé des technologies de gestion de la fertilité des sols inspirées de l’agriculture de conservation sur ses Parcelles d’initiative paysanne (PIP).
Ces techniques concernent :
la récupération et la mise en culture des sols dégradés à travers la confection de demi-lunes agrosylvo-pastorales et de zaïs agricoles à Bardakoye et à Kanda.
le mulching (épandage de tiges dans les champs pour combattre l’érosion hydrique et éolienne), combiné avec un système d’association bénéfique de cultures (ex. : céréales-légumineuses légumes, photo 4) à Dan Saga, Guidan Bakoye et Kodaou.
la multiplication végétative par le marcottage ou la transplantation d’essences susceptibles d’améliorer la fertilité des sols (ex. : Guiera senegalensis à Guidan Bakoye ou Hyphaene thebaica à El Guéza).
La jachère améliorée avec plantation d’une légumineuse à Guidan Bakoye, Dan Saga et Kodaou.
La coupe des tiges à 15 cm à Guidan Bakoye et Kodaou.
Régénération Naturelle Assistée (RNA) : Dans plusieurs zones de la région de Maradi, la surexploitation des ressources naturelles a abouti à une dégradation des terres cultivables. Le défrichement amélioré ou régénération naturelle assistée (RNA) constitue une réponse efficace à ce problème. Les populations du département d’Aguié l’ont adopté massivement, soutenues par un partenariat entre le PPILDA, la Direction Départementale de l’Environnement et de la Lutte contre la Désertification (DDE/LCD) et des groupements paysans de services.
Cette action vise à accroître la disponibilité de terres de pâturage pour les populations ; elle contribue également à améliorer les revenus des catégories vulnérables, et en particulier des jeunes.
Le PPILDA mène deux activités principales dans le cadre de la promotion de la RNA, à savoir : i) la sensibilisation des populations et les démonstrations sur les techniques de RNA dans les villages ; ii) la mise en place d’un dispositif organisationnel de protection de la RNA basé sur des comités villageois de surveillance.
Les espèces les plus courantes utilisées en RNA sont : Guera senegalensis ; Combretum glutinosum ; Piliostigma reticulatum
RESULTATS OBTENUS
Innovations | Résultats et Impact |
---|---|
PIP | *90 PIP mises en place (de 2005 à 2012) *2700 stagiaires formés dont 870 femmes *16200 bénéficiaires touchés suite aux formations dispensées par les stagiaires * Vulgarisation de variétés précoces et à haut rendement de mil sorgho niébé et arachide * diffusion de variétés de niébé résistantes aux pucerons *Diffusion de technologies et innovations paysannes |
CD | *37 CD mis en place de 2005 à 2012 *1 110 bénéficiaires directs formés (dont 330 femmes). *13 320 bénéficiaires touchés *Vulgarisation des connaissances sur une cinquantaine de variétés améliorés et locales * Gain en production de 23 à 50% * 11 groupements paysans CD créés pour la réplication des actions dans d’autres terroirs *création de banques de semences inter villageoises et organisation de 4 foires locales de semences |
Domestication du Cassia tora | * Amélioration des revenus des femmes par la vente des feuilles vertes ou séchées ; une marge nette allant de 15 818 à 66 050 FCFA peut être dégagée par année. * Amélioration de la qualité nutritionnelle des repas des paysans adoptants |
Appui conseil agricole paysan (ACAP) | *2 750 chefs de ménages vulnérables encadrés * Constitution de 11 groupements paysans de services en vulgarisation agricole *20 millions FCFA environ engrangés en 3 ans, soit un revenu monétaire annuel d’environ 61000 FCFA par paysan vulgarisateur. *Augmentations des rendements agricoles de 65 à 100% selon les cultures ; *Amélioration des conditions de vie |
Banque de soudure | *284 banques de soudure mises en place et formation des comités de gestion composés exclusivement de femmes sur la gestion * Réduction de la période de soudure de un à deux mois selon la taille du ménage * Réduction d’environ 50% du temps consacré au salariat agricole |
RNA | * Inversion du phénomène de la désertification dans le département d’Aguié * Réduction du nombre de semis (de 3-5 avant à 1-2 après l’adoption de la pratique) * Augmentation des rendements en grains du mil (de 30 à 220 kg /ha selon l’âge de la RNA) * Amélioration de la disponibilité de fourrage et de bois pour les ménages adoptants * Accroissement des revenus des ménages (+70.000 F CFA par an pour certains) par la vente des produits et sous produits de la RNA * 1 500 adoptants de la RNA enregistrés chaque année ; 65 villages touchés avec une superficie de près de 7200 ha. 65 comités de surveillance mis en place et formés. |
Semis de noix de Doum | * Plus de 15.000 petits producteurs d’Aguié acquièrent des semences de doumier * Revégétalisation des espaces ensemencés * Les feuilles des jeunes doumiers sont utilisées pour la confection de cordes et d’autres objets |
Agriculture de conservation | * 171 paysans stagiaires, dont 83 femmes, formés sur les 6 PIP (2010) *45% de femmes stagiaires ont acquis des parcelles propres grâce la récupération des glacis à travers les zaï ; Augmentation des rendements de 35%. * Au moins 26 paysans ont adopté le mulching ; les rendements ont été améliorés de 20-40% et le nombre de sarclages a diminué de 3 à 1. * Au moins 10 personnes ont créé des demi-lunes dans leurs champs ; Amélioration de la production de 20-40%. |
Apport localisé de fumure de petits ruminants | *Doublement du rendement en grains et augmentation de près de 50% de la production de tiges du mil ou de sorgho en conditions de pratique paysanne ; *Economie substantielle de fumure organique. En effet, avec l’apport localisé, un paysan peut couvrir un hectare avec 1,5 tonne de fumure contre les 7 à 10 tonnes généralement recommandées. |
Projet de promotion de l’initiative locale pour le développement à Aguié (PPILDA)
Source : note technique de capitalisation sur l’approche de recherche/diffusion de l’innovation paysanne dans le cadre du PPILDA. Mai 2013