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Rwanda : Le SRI transforme les marais

Pays au relief collinaire et enclavé au cœur de l’Afrique centrale, le Rwanda, s’étend sur une superficie de 26 388 km2. Il connait une forte pression sur ses ressources naturelles du fait d’une densité de population très élevée avec en moyenne près de 400 habitants au km2, et des pics de 1000 habitants au km2 dans certaines régions. Pour nourrir ses 11 millions d’habitants, l’État rwandais s’est résolument engagé dans l’augmentation de sa production et de sa productivité agricole en adoptant, à grande échelle, le SRI dans les zones de marais.

Du fait de son relief naturel collinaire, le Rwanda est fortement exposé à une grave érosion de ses sols. Cette dégradation accélérée de l’environnement naturel rwandais est d’autant plus inquiétante que son économie nationale est très dépendante du secteur agricole. Ce secteur fournit, en effet, de l’emploi à 87% de la population active alors que sa contribution au PIB n’est que de 40 % prouvant ainsi sa faible productivité. Cette faible productivité s’explique principalement par le système de riziculture traditionnel (SRT), mode de production agricole dominant. Ce mode de production est ancien et peu performant. La production varie entre 2 et 3 tonnes de riz/hectare. Ce système est principalement caractérisé, entre autres faiblesses, par le semis à la volée sans espacement entre les grains qui conduit à un taux de perte élevé ; le repiquage de plantules trop âgées et produisant peu de rejets ; le besoin d’une main-d’œuvre nombreuse et le mauvais entretien des aménagements. La conséquence de ce mode de production est une demande élevée en eau (générant souvent des conflits au sein des communautés) et des dommages importants sur l’environnement avec le brûlement des résidus des récoltes et le système de rétention des eaux appliqué qui accélère le phénomène d’érosion.

Face aux périls environnementaux engendrés par le système de riziculture traditionnel (SRT) et pour augmenter de manière conséquente la production de riz, l’État rwandais, a initié en partenariat avec les réseaux des paysans riziculteurs structurés autour de l’Union des coopératives du District de Kirehe dans la Province de l’Est du pays, deux projets majeurs. Il s’agit d’une part du Projet d’appui au Plan stratégique pour la transformation de l’agriculture (PAPSTA) et d’autre part du Projet de gestion communautaire des bassins versants de la région de Kirehe (KWAMP). Les bassins versants constituent la zone d’intervention idéale des deux projets puisque leur mise en œuvre devrait également permettre de lutter efficacement contre la dégradation accélérée des sols et le ralentissement de l’érosion. Conscients que le succès de l’initiative passe par une mobilisation des populations, les initiateurs ont placé la participation paysanne dans chaque bassin versant au cœur du processus de transformation.

Le SRI pour booster la production

L’introduction et l’application à grande échelle du SRI dans les zones PAPSTA et KWAMP a été possibles grâce aux réseaux des paysans riziculteurs structurés autour des Union des rizicoles de zones et des coopératives membres de l’Union. Pour chaque coopérative, des animateurs ont été sélectionnés parmi les membres de la communauté. Il s’agit, en général, des membres les plus compétents et les plus motivés. Ils bénéficient d’une solide formation faisant d’eux des relais formateurs aptes à transmettre aux autres membres de leur communauté les connaissances sur le SRI de la manière la plus efficace possible.

Le système de formation de formateurs est assuré directement par les techniciens des coopératives qui ont des compétences techniques éprouvées puisqu’ils ont subi, eux aussi, une formation approfondie sur le SRI à Kigali (la capitale).

La formation des riziculteurs est axée sur les spécificités techniques du SRI, sur la préparation des semences, la préparation des rizières, le semis, le repiquage, la gestion de l’eau, le sarclage hebdomadaire, l’épandage des engrais, la lutte contre les maladies et les ravageuses (insectes, mauvaises herbes) et la récolte. En combinant ces différentes techniques, le système de riziculture intensive permet aux riziculteurs rwandais de produire de manière durable, intensive et à moindre coût.

Avec la maitrise et l’application de ces différentes techniques culturales complémentaires, il a été constaté une productivité supérieure avoisinant les 6 à 8 tonnes par hectare, contre 2 à 3 tonnes dans le système traditionnel de riziculture.

Pour faciliter la dissémination du SRI, des compétitions entre les riziculteurs sont organisées par le réseau. Les meilleurs sont sélectionnés par un jury indépendant (composé de techniciens, de membres de l’administration locale et du réseau des coopératives). Les vainqueurs bénéficient de prix et cela valorise et légitimise le réseau auprès des riziculteurs et des différents partenaires. Ainsi, le réseau rizicole constitue le principal canal de dissémination des connaissances sur le SRI pour sa réplication dans les bassins versants. En cela, il constitue un système de formation décentralisé de type communautaire dans le lequel le riziculteur joue un rôle-clé.

Des transformations positives

La mise en oeuvre du SRI à travers le réseau rizicole a engendré des transformations positives dans le District de Kerehe notamment au niveau des bassins versants aux plans économique, social et environnemental.
D’abord, le SRI a permis une intensification de la production rizicole avec une hausse des rendements de plus de 50%, passant de 2-3 tonnes (SRT) à 6-8 tonnes par hectare (SRI). Cette hausse a ainsi permis d’augmenter la disponibilité du riz au niveau local, rendant son prix plus attractif pour les ménages, et une hausse des revenus disponibles pour les riziculteurs, améliorant d’autant leurs conditions de vie (éducation des enfants, augmentation de l’épargne, mutuelle de santé…).

Il a été aussi constaté le renforcement de la structure organisationnelle du réseau rizicole grâce au financement de l’Union des coopératives rizicoles par les projets PAPSTA-KWAMP. De plus, le réseau facilite le partage de connaissances et d’’informations. La cohésion communautaire au sein des marais s’est raffermie.

Au plan environnemental, on note une meilleure gestion de l’eau dans les marais grâce à une consommation hydrique réduite. Mieux, la mise en place de systèmes d’irrigation plus sophistiqués a permis de réduire l’érosion des sols et une diminution des conflits dans les communautés grâce à une meilleure maitrise de l’eau.

Enfin, le renforcement du réseau rizicole facilite désormais le travail de l’administration locale, par exemple, avec l’implication des animateurs qui appuient les services de l’état dans leur travail, notamment la collecte des cotisations de santé.

Ces impacts positifs ont été obtenus grâce à la volonté exprimée, au plus au niveau politique de l’État rwandais, faisant du riz une culture prioritaire. Ensuite, le rôle joué par le réseau rizicole dans la dissémination des connaissances a permis de renforcer les capacités des riziculteurs traditionnels qui ont ainsi pu passer progressivement du SRT au SRI.

Généralisation du SRI : les défis à relever

En dépit des résultats prometteurs et probants obtenus avec l’introduction du SRI, il reste plusieurs défis à relever. Il s’agit d’atténuer la relative résistance au changement chez certains riziculteurs traditionnels pouvant entamer la motivation des autres riziculteurs. Le renforcement des capacités des riziculteurs, pour un meilleur entretien des marais aménagés, et l’amélioration de la sélection des semences, pour qu’elles soient plus adaptées aux conditions culturales et climatiques locales, sont également des aspects importants pour la généralisation du SRI.

Enfin, le développement des capacités organisationnelles et de commercialisation des riziculteurs autour d’une chaîne pour la collecte et la vente en gros du riz produit permettra de mieux valoriser leurs productions et de pérenniser la pratique du SRI dans les marais du Rwanda.

Source : (Rapport) Le réseau rizicole au cœur de la réplication du SRI dans les bassins versants. (Ministère de l’Agriculture et de Ressources Animales du Rwanda (MINAGRI), septembre 2012

Synthèse de El hadji Malick Cissé

assmalick64@gmail.com