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BLOG : Genre, vulnérabilité et adaptation des femmes entrepreneures en zones semi-arides. Que nous disent les données du PRESA ?

Par : Mamadou Diop
Chercheur Associé - Promouvoir la Résilience des Economies en zones Semi-Arides (PRESA)

En quatre années de mise en œuvre le projet Promouvoir la Résilience des Economies en zones Semi-Arides (PRESA) a permis de développer une base de connaissances probantes sur l’impact du changement climatique sur les facteurs clés conditionnant la croissance économique des zones semi-arides. Des connaissances qui ont permis de mettre en relief la vulnérabilité des acteurs surtout les femmes entrepreneures, leurs stratégies, leurs contraintes et de proposer des pistes de solution pour une meilleure résilience des économies.

4 décembre 2017

Dans le cadre de la mise en œuvre du projet Promouvoir la Résilience des Économies en zones Semi-Arides (PRESA) au Sénégal, Innovation, Environnement Développement en Afrique (IED Afrique) a, dans une approche inclusive et participative, mené des activités de recherche sur plusieurs thématiques considérées comme priorités de recherche par les parties prenantes. L’une de ces thématiques porte sur la Promotion d’un environnement favorable à l’engagement du secteur privé dans l’adaptation et le développement résilient au changement climatique. Utilisant une approche méthodologique mixte comprenant une revue de la littérature, une enquête de terrain par le biais d’un questionnaire (n=161), des life histories (n=15) et des ateliers de restitution, une équipe pluridisciplinaire s’est intéressée à la manière dont les petites et moyennes entreprises (PME) des zones semi-arides (ZSA) sont affectées par le changement climatique, les réponses que les acteurs économiques tentent d’apporter, les obstacles auxquels ils font face, etc. Compte tenu du rôle crucial des femmes dans le développement économique, l’équipe a accordé un intérêt particulier à la dimension genre et la vulnérabilité femmes entrepreneures.

Des femmes entreprenantes mais vulnérables aux événements extrêmes

En ZSA du Sénégal, une des caractéristiques distinctives des économies est que les femmes tout comme les hommes jouent des rôles économiques importants. En effet, les femmes sont de plus en plus présentes dans l’environnement économique que constituent les PME. Les raisons de cette présence se situent selon la plupart des femmes interrogées, dans la crise socio-économique qui a secoué le pays dans les années 80-90 ne permettant plus à beaucoup d’hommes, de faire face à leurs responsabilités de chef de famille.

Cependant, les PME des femmes appartiennent essentiellement au secteur informel et évoluent généralement dans les domaines de l’agriculture, l’élevage, la pêche, le commerce, la transformation. Cette appartenance au secteur informel fait que ces PME sont caractérisées par une très grande précarité des conditions d’exercice de leurs activités et une vulnérabilité accrue au changement climatique. 90% des femmes propriétaires de petites entreprises ont déclaré avoir été touchées par des événements climatiques extrêmes au cours des cinq dernières années. Les évènements les plus cités sont : le déficit pluviométrique (40,48%), les pluies exceptionnelles (30,95 %), les chaleurs extrêmes (16,67 %) et les inondations (7,14 %). Cependant, malgré leur vulnérabilité, les femmes multiplient les initiatives pour mieux s’adapter au contexte climatique.

Une adaptation des femmes plus réactive que planifiée

Pour faire face aux évènements climatiques qui affectent leur PME, la plupart des femmes se sont évertuées à apporter des réponses. Ces réponses sont généralement, l’obtention d’un prêt (19,57%), le passage à un autre produit ou culture (19%), la souscription à une assurance (13,04%), le changement de variétés (13 %), la réduction du nombre de salariés (8,70%), le recours à la diversification des produits pour réduire la vulnérabilité (8%). Cependant, au-delà des mesures prises pour répondre aux évènements climatiques passés ou en cours, 95,65% des femmes responsables de PME n’ont pas développé de stratégies d’adaptation planifiées pour faire face aux risques climatiques futurs. Sommes toutes, les femmes, du fait de l’importance de leurs rôles socioéconomiques dans le maintien des moyens de subsistance des ménages, multiplient les initiatives pour mieux s’adapter au contexte climatique en diversifiant les activités génératrices de revenus en s’adonnent de plus en plus à de petites activités commerciales.

Des contraintes nombreuses malgré la volonté de s’adapter

En dépit de ces efforts consentis pour répondre aux évènements climatiques, les femmes sont confrontées à plusieurs obstacles qui ne facilitent pas la prise de mesures adéquates pour s’adapter. Les principaux obstacles sont : (i) le manque de connaissance concernant les impacts du changement climatique et leur pertinence pour la PME ; (ii) la difficulté dans l’identification de mesures efficaces ; (iii), le manque de données climatiques pertinentes ; (iv) le manque de compétences au sein de la PME, et ; (v) la limite budgétaire. A ces obstacles s’ajoutent des contraintes sociales (rapports sociaux de genre défavorables aux femmes, aliénation culturelle et pouvoir du mari, charges familiales et sociales supportées par les femmes au risque de mettre leur PME en péril…) et financières (non accès aux facteurs de production comme la terre, conditions d’accès à la propriété rendant difficile l’accès au crédit bancaire, manque de responsabilisation dans la prise de décision des ménages liés au choix d’investissements, etc.). Ces différents facteurs, combinés aux contraintes d’ordre institutionnel (environnement des affaires peu favorable, faible soutien de l’Etat), risquent d’annihiler les efforts des femmes entrepreneures.

Des besoins spécifiques pour relever le défi de l’adaptation

L’appréhension de la vulnérabilité et la capacité d’adaptation des femmes entrepreneures et l’identification des principaux obstacles constituent une dimension importante pour faire des PME un des leviers de la croissance économique et de l’autonomisation de la femme en ZSA. Pour ce faire, il faut tenir compte des besoins spécifiques de femmes à travers :

  • un environnement des affaires sensible au genre pour lever les contraintes sociales, financières et techniques qui affectent la capacité d’adaptation de la femme et limitent sa compétitivité ;
  • une prise en compte de la dimension genre dans les politiques et programmes de développement pour répondre aux besoins spécifiques des femmes et leur faciliter l’accès et le contrôle des ressources productives afin qu’elles puissent avoir les mêmes chances que les hommes de tirer profit des opportunités et de faire face à des chocs externes comme le changement climatique.
  • une promotion de la formalisation des PME vertes, en particulier celles gérées par les femmes et les impliquer dans l’ouverture et la gestion d’un guichet PME vertes au sein du Fonds National Climat…

A propos du projet

Le projet Promouvoir la Résilience des Économies en zones Semi-Arides (PRESA) est un projet de recherche multi-pays (Burkina, Kenya, Pakistan, Tadjikistan, Sénégal) de cinq ans, financé par le Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI) du Canada et le Department for International Development (DFID) du Royaume-Uni dans le cadre du l’Initiative de Recherche Concertée sur l’Adaptation en Afrique et en Asie (IRCAAA). Le PRESA vise globalement à favoriser l’émergence et le développement d’économies équitables et résilientes au climat en zones semi-arides, grâce à la recherche et l’engagement soutenu des parties prenantes.

Plus d’information sur http://prise.odi.org/.