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Le dromadaire, un animal au service de la résilience humaine en milieu sahélien

Le dromadaire (Camelus dromedarius) occupe une place très importante en Afrique, au Moyen-Orient et dans le subcontinent indien. L’effectif mondial, selon la FAO (2009), est estimé à plus de 24 millions de têtes, dont 80 % se trouve en Afrique. Les pays de la Corne de l’Afrique (Somalie, Soudan, Ethiopie, Kenya, Djibouti) abritent environ 60 % du cheptel camelin mondial.

Le dromadaire est répertorié dans 35 pays, du Sénégal à l’Inde, du Kenya à la Turquie. L’aire de distribution du dromadaire est associée aux caractéristiques climatiques, compte tenu de l’adaptabilité remarquable de cette espèce aux conditions d’aridité. Cette distribution découle aussi d’un facteur social d’importance : le dromadaire est d’abord l’animal du nomade. Il est célébré comme tel par le Coran même si son utilisation par les bédouins de l’Arabie est antérieure à l’Islam.

Cependant, dans son extension à la faveur de l’expansion de l’Islam, le dromadaire du nomade a rencontré le cultivateur méditerranéen ou oasien, et s’est sédentarisé. Il est remarquable que l’aire de répartition du dromadaire recouvre celle des populations pastorales nomades ou transhumantes qui, au cours de leur histoire, l’ont adopté comme auxiliaire incontournable dans la mise en valeur des zones arides. Il existe une très faible connaissance du dromadaire, animal des zones pauvres !

Un animal multi-usages adapté aux conditions difficiles

Le dromadaire est particulièrement adapté aux régions arides et semi-arides. Il tolère fortement les températures très élevées, les hautes radiations solaires et la sécheresse. Il est adapté aux terrains sableux où pousse une végétation très pauvre. Il valorise les fourrages non- utilisés par les autres espèces animales et produit une viande de haute qualité (moins de graisse, faible taux de cholestérol et un taux relativement élevé en acides gras polyinsaturés comparé à la viande de bœuf). En plus de la viande, le dromadaire produit du lait et de la laine. Il est considéré comme l’animal du nomade pour le transport, la traction et le sport (Faye, 1997).

Le dromadaire au cœur de la vie nomade au Tchad

Au Tchad, la population cameline (estimée à 6,5 millions) joue un rôle socio-économique très important. L’animal représente, pour son propriétaire, la concrétisation de sa réussite sociale. Le dromadaire y a connu un essor important avec le transport caravanier qui lui a valu la dénomination de « vaisseau du désert » valorisant des plantes ligneuses et épineuses rejetées par les autres herbivores. Il peut vivre normalement sans boire de l’eau pendantde longues périodes.

Si les autres espèces (bovins, ovins, caprins…) ont retenu l’attention des pouvoirs publics et des chercheurs, le dromadaire, animal mystérieux des chameliers, est un oublié des circuits de développement (Mbaiogaou, 1998). En effet, malgré un rôle socio-économique important, il n’existe que peu d’informations sur le dromadaire tchadien en dehors de quelques études socio-économiques sur les éleveurs et leur pathologie. Les dromadaires sont répartis dans les quinze départements (zone sahélienne et saharienne), avec un effectif plus élevé dans le département du Lac. L’élevage des dromadaires au Tchad constitue une source importante de revenus monétaires et d’approvisionnement en produits carnés et laitiers.

Le dromadaire au cœur de la résilience

L’élevage des dromadaires est en effet associé aux populations occupant les zones arides et semi-arides du pays (soit plus de 2/3 du pays). Au regard des évolutions perçues depuis deux ou trois décennies, les dromadaires ont commencé à susciter un regain d’intérêt et une attention particulière dans les sociétés pastorales, grâce à leurs remarquables capacités d’adaptation face aux rudes effets des changements climatiques. Ils valorisent mieux que les bovins les environnements difficiles (parcours pauvres, rareté des points d’eau, etc).
La dégradation continue des parcours, la difficulté d’accès aux soins vétérinaires adéquats, aux intrants et aux compléments alimentaires ont conduit à de changements de stratégies par la diminution progressive du nombre de têtes du bétail courant (ruminants) au profit des dromadaires. Au Tchad, on trouve trois races de dromadaires. Il s’agit du dromadaire du Tibesti, du Manga ou Mahamid et Arabe. L’exemple de l’exploitation des dromadaires en Mauritanie peut aujourd’hui servir de modèle durable pour le Tchad.

La chaîne des valeurs des produits du dromadaire en plein essor autour de N’Djamena est une opportunité immense pour la valorisation d’un système pastoral séculier. Le développement des techniques nouvelles d’élevage faisant appel à des interventions sanitaires (adaptation des doses médicamenteuses), des pratiques d’alimentation (établissement de ration alimentaire) et de conduite d’élevage différente. Il s’agit d’une chance pour la population tchadienne en général, et pour les peuples pasteurs désormais moins stigmatisés en raison de leur contribution immense à l’atteinte des objectifs de sécurité alimentaire et nutritionnelle, mais aussi surtout de la sauvegarde des ressources biologiques uniques, pour hier, aujourd’hui et sans doute demain. Les populations de dromadaires par leur rusticité et la variabilité de leurs performances sont encore des richesses pour l’humanité. Sa résilience en plus.

Félix Meutchieye
Dr-Ing, Enseignant-chercheur, Université de Dschang, Cameroun

Herbert Djomtchaigue Bamare

Doctorant en Génétique animale, Ndjamena, Tchad

Bibliographie
Djomtchaigue HB, F. Meutchieye et Manjeli Y. 2015. Caractéristiques phénotypiques des dromadaires de la région de bahr-el gazal au Tchad. Bulletin of Animal Health and Production in Africa (African Animal Genetics Resources Bulletin) December 2015 : 51-64.
FAO 2009. Food and agriculture organization of the united nation. http://faostat.fao.org.
Faye B., Bonnet P., Charbonnier G., et Martia A., 2000. Etat des recherches sur le dromadaire à partir de l’analyse bibliométriques des publications. Cas particulier des recherches sur le chamelon. Rev.Elev.Med. Pays.Trop., 53,125-131.
Mbaiogaou M., 1998. Etude de l’impact socio-économique du dromadaire (Camelus dromedarius) au Tchad. Thèse de doctorat, 136p.